Le professeur Weinstock songe à poursuivre le ministre Roberge

Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a fait face au Centre Sheraton, à Montréal, à un barrage d’enseignants fâchés par la loi sur la réforme de la gouvernance scolaire.
Photo: Marco Fortier Le Devoir Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a fait face au Centre Sheraton, à Montréal, à un barrage d’enseignants fâchés par la loi sur la réforme de la gouvernance scolaire.

Faussement associé à une pratique de mutilation des femmes qu’il condamne pourtant haut et fort, le professeur Daniel Weinstock est déçu des « regrets » exprimés par le ministre de l’Éducation. L’intellectuel de l’Université McGill envisage de poursuivre le ministre pour atteinte à sa réputation.

Le professeur Weinstock s’attendait à ce que le ministre Jean-François Roberge lui présente des excuses publiques après avoir été écarté de façon cavalière d’un forum sur la réforme du cours éthique et culture religieuse, cette semaine. Le ministère de l’Éducation a retiré l’invitation au professeur dans les heures suivant la publication d’une chronique inexacte de Richard Martineau dans Le Journal de Montréal, mercredi.

Cette chronique indiquait à tort que le professeur Weinstock approuve une forme « d’excision symbolique » du clitoris. Le chroniqueur du Journal de Montréal a publié une précision sur le Web, vendredi, pour clarifier l’information « inexacte » qu’il avait relayée.

Loin de s’excuser pour avoir écarté le professeur Weinstock sur la foi de cette chronique erronée, le ministre Jean-François Roberge a dit « regretter » la façon dont l’intellectuel a été tassé.

« Je regrette la façon dont ça s’est passé. Je le regrette sincèrement. Je pense qu’on aurait dû l’appeler d’abord. Il avait appris dans les médias qu’il était le bienvenu, mais qu’il était bienvenu comme expert dans la salle plutôt qu’expert principal sur la scène. On aurait dû faire les choses autrement », a déclaré le ministre de l’Éducation aux journalistes, vendredi après-midi.

M. Roberge a aussi formulé ces « regrets » de vive voix au professeur de l’Université McGill au cours d’un appel téléphonique, vendredi matin. M. Weinstock a eu l’impression, lors de cette conversation, que le ministre s’excusait sur le fond et pas uniquement sur la forme. Il envisage toujours d’entamer une poursuite judiciaire contre le ministre.

« C’est la responsabilité du gouvernement de faire de sorte que les politiques se prennent sur la base d’autres choses que de reconduire tout simplement les propos d’un chroniqueur, quel qu’il soit. Je ne voudrais pas qu’un chroniqueur dont les opinions sont plus proches des miennes que celles de M. Martineau soient prises pour du cash non plus », a ajouté le professeur de droit.

M. Weinstock a finalement décidé de ne pas assister au forum du ministère. Il exclut toutefois de poursuivre le chroniqueur Richard Martineau.

« Le rectificatif a été apporté », a-t-il précisé.

« Diffamation d’un professeur »

La députée libérale Marwah Rizqy estime que le ministre Roberge « doit se rétracter et faire ses excuses publiques » au professeur.

« Non seulement c’est inquiétant d’avoir un ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur qui prend des décisions intempestives basées sur une chronique sans faire de vérification, sans même parler au professeur Daniel Weinstock […], mais c’est aussi honteux parce que, par son attitude et ses agissements il participe à la diffamation d’un professeur universitaire », a-t-elle affirmé au Devoir.

Le ministre Roberge a fait valoir que son ministère « reconnaît l’expertise » du professeur Weinstock, puisqu’il reste invité à prendre part aux forums — mais pas en tant qu’expert principal.

« Il y a eu des propos controversés. Ça pourrait être une distraction. L’objectif du forum, c’est de revoir le curriculum pour réformer en profondeur le cours éthique et culture religieuse. Ce qui nous écarte de ce débat-là risque de nuire à notre objectif », a-t-il précisé.

Information « inexacte »

Le chroniqueur Richard Martineau a reconnu vendredi avoir écrit une information inexacte dans les pages du Journal de Montréal. Dans l’encadré intitulé Daniel Weinstock — Précision, il écrit : « Dans ma chronique de mercredi, j’écrivais que, lors d’une conférence qui s’est tenue à Montréal le 26 avril 2012, “Daniel Weinstock a proposé que des médecins québécois effectuent des « excisions symboliques » sur les jeunes filles.”»

«Or, cette affirmation était inexacte. Il aurait fallu préciser que monsieur Weinstock relayait une proposition faite par des médecins américains qui consistait à procéder à une excision symbolique, comme compromis pour éviter l’excision réelle, proposition qu’il ne validait pas mais qui, selon lui, “ne pouvait être tout simplement évacuée ”. »

« Donc, qui méritait d’être prise en considération et de faire l’objet d’une discussion rationnelle », ajoute-t-il. « À chacun de juger si cette proposition faite par des médecins américains de marquer les organes génitaux des jeunes filles est digne d’être prise en considération. »

Avec Marco Bélair-Cirino

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