Nathalie Normandeau veut faire cesser son procès

L’ancienne vice-première ministre libérale Nathalie Normandeau ne veut plus aller jusqu’au bout de son procès puisque celui-ci ne pourra s’amorcer avant la fin de l’année 2020. Elle a déposé une requête en arrêt des procédures en vertu de l’arrêt Jordan. Ses coaccusés l’imiteront lundi.
« Trois ans, neuf mois et vingt-sept jours se sont écoulés depuis mon arrestation », souligne-t-elle à gros traits dans une déclaration envoyée aux médias jeudi. « Tout au long de ces 1390 journées, je porte le poids insoutenable des accusations déposées, et mon procès se déroule sur la place publique alors qu’il devait se tenir dans une salle de cour. »
L’ancienne élue affirme se trouver dans « une situation personnelle et professionnelle intenable ».
« À 51 ans, je dois gagner ma vie », souligne Mme Normandeau, qui a animé à la radio durant quelques années après sa carrière politique.
Il s’agit d’un rebondissement important dans l’« affaire Normandeau », car l’ex-ministre a toujours répété avoir « voulu un procès » afin de laver sa réputation au moyen d’un verdict de non-culpabilité de la cour. Mais, l’annonce du juge André Perreault selon laquelle le procès ne pourra vraisemblablement se mettre en branle avant la fin de l’année 2020 a été la goutte qui a fait déborder le vase.
« Ma décision de déposer une requête en arrêt des procédures en vertu de l’arrêt Jordan n’est pas celle que je voulais. […] Je n’ai rien à cacher. J’ai toujours clamé mon innocence. J’ai toujours voulu un procès. Les délais que je subis sont cruels et inhumains. Le périple judiciaire dans lequel j’ai été happée me place dans une situation personnelle et professionnelle intenable », écrit-elle jeudi.
Demande d’un procès séparé
L’ex-députée fait valoir dans sa déclaration qu’elle a demandé un procès séparé de ses coaccusés, ce à quoi la Couronne s’est opposée.
Mme Normandeau, l’ex-collecteur de fonds libéral Marc-Yvan Côté et leurs coaccusés Mario W. Martel, France Michaud, Bruno Lortie et François Roussy ont été arrêtés le 17 mars 2016 par l’Unité permanente anticorruption (UPAC) au terme des enquêtes Joug et Lierre.
Ils font aujourd’hui face à des accusations d’abus de confiance, de fraude envers le gouvernement, de souscription de la part d’entrepreneurs à une caisse électorale et d’actes de corruption dans les affaires municipales.
L’avocat de M. Côté a l’intention de soumettre une requête d’arrêt des procédures lorsque celle de Mme Normandeau sera entendue par le tribunal lundi. Les avocats des autres coaccusés étaient, eux aussi en train de préparer leurs requêtes jeudi, selon Me Olivier Desjardins.
« Depuis près de quatre ans, j’offre ma collaboration au système de justice afin d’accélérer les délais pour la tenue de mon procès juste et équitable », fait-elle remarquer.
Mme Normandeau note également qu’elle a renoncé « à entendre la journaliste Marie-Maude Denis » pour connaître ses sources confidentielles au sein de l’UPAC. Des démarches judiciaires en ce sens entreprises par Marc-Yvan Côté ont longuement retardé leur procès à Québec. La Cour suprême avait cassé l’assignation à témoigner de la journaliste émise par un tribunal inférieur, avant de renvoyer l’affaire en Cour du Québec pour l’analyse d’une nouvelle preuve.
C’est d’ailleurs l’un des facteurs qui repoussent le procès de Mme Normandeau et de ses coaccusés à la fin de l’année.
Accusations abandonnées
Entre-temps, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) avait abandonné en août la moitié des accusations qui pesaient contre Nathalie Normandeau, soit des chefs d’accusation de fraude, de corruption et de complot après que son avocat lui eut transmis de nouveaux éléments de preuve.
Il s’agissait de documents publics sur les politiques du gouvernement que les policiers de l’UPAC n’auraient pas cherché à obtenir dans le cadre de leur enquête et qui justifiaient entièrement la conduite de la députée, avait alors affirmé son avocat.
« Malgré cela, l’honorable juge André Perreault a affirmé qu’un procès ne pourra, selon toute vraisemblance, se tenir avant la fin de l’année 2020 », a-t-elle déploré.
Mme Normandeau critique également le fait qu’elle n’a pas eu droit à une enquête préliminaire qui lui aurait permis de connaître la preuve amassée contre elle avant le début du procès en raison du choix du DPCP « de déposer un acte d’accusation direct », ce qui « a contribué à prolonger les délais ».
L’arrêt Jordan rendu par la Cour suprême en 2016 fixe le délai pour les procès criminels à 18 mois en Cour du Québec, et à 30 mois en Cour supérieure. Marc-Yvan Côté et les autres coaccusés avaient déposé une requête en arrêt des procédures en 2017 qui avait alors été rejetée par le tribunal.