Québec et Ottawa appelés à harmoniser les lois sur l’aide médicale à mourir

La ministre de la Santé, Danielle McCann, dit vouloir entreprendre une «vaste consultation» sur l’élargissement de l’aide médicale à mourir.
Photo: Graham Hughes La Presse canadienne La ministre de la Santé, Danielle McCann, dit vouloir entreprendre une «vaste consultation» sur l’élargissement de l’aide médicale à mourir.

Après avoir choisi de se conformer au récent jugement sur l’aide médicale à mourir, Québec et Ottawa sont maintenant appelés à harmoniser leurs lois par l’avocat Jean-Pierre Ménard qui a mené la contestation en Cour supérieure.

« Il y a des différences, comme pour la signature des témoins, qui sont déplaisantes, alors il faudrait absolument qu’il y ait un comité fédéral-provincial qui normalise tout ça », a-t-il signalé en entrevue.

L’avocat estime par exemple que Québec pourrait s’inspirer de la législation fédérale afin d’élargir le bassin de professionnels de la santé autorisés à prodiguer ce soin de fin de vie, notamment les infirmières praticiennes. « Le Code criminel permet qu’elles la prodiguent », souligne Me Ménard.

Le gouvernement québécois a déjà annoncé son intention d’« entamer les discussions » avec le prochain gouvernement fédéral pour harmoniser les deux lois à la suite de la décision de la Cour supérieure, qui a invalidé le critère de « fin de vie » de la loi québécoise et celui de « mort raisonnablement prévisible » du Code criminel pour permettre à des gens lourdement handicapés d’y avoir accès.

La ministre de la Santé, Danielle McCann, et la ministre de la Justice, Sonia LeBel, ont annoncé jeudi que le Québec n’allait pas porter le jugement en appel et qu’il entamait parallèlement une grande réflexion sur l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir.

« Au moment où on se parle — à l’exception de M. Truchon et de Mme Gladu —, le critère de fin de vie demeure pour les six prochains mois, ce qui va amener notre gouvernement à devoir agir dans des délais rapides, a expliqué Mme LeBel. Mais ce délai va quand même nous permettre de réfléchir à ce vers quoi nous voulons aller comme société. »

Jean Truchon, atteint de triparalysie depuis sa naissance, et Nicole Gladu, accablée par un syndrome post-poliomyélite sévère depuis 25 ans, avaient contesté les lois québécoise et fédérale parce qu’ils ne pouvaient pas obtenir l’aide médicale à mourir, n’étant pas en fin de vie.

« Les demandes d’aide médicale à mourir demeurent, somme toute, rares, mais il est primordial que le recours à ce soin demeure strictement encadré et balisé par la loi », a souligné la ministre McCann.

Elle a déjà entre les mains le rapport d’un groupe d’experts sur l’élargissement de l’aide médicale à mourir et a promis une vaste consultation sur le sujet. Présentement, au Québec, seules les personnes aptes à consentir peuvent recevoir les soins de fin de vie. Cela exclut donc les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer qui ne peuvent donner leur consentement au plus fort de leurs symptômes.

« On perçoit que la population a des attentes et qu’elle est de plus en plus mûre par rapport au dossier de l’élargissement de l’aide médicale à mourir, par exemple, pour les demandes anticipées dans le cas d’inaptitude », a-t-elle reconnu.

L’auteure de la Loi concernant les soins de fin de vie, Véronique Hivon, s’est réjouie de la décision du gouvernement Legault. « Je pense que la société est encore plus prête à accepter cette possibilité-là, a constaté la députée péquiste. Il faut faire les choses correctement et c’est plus complexe que ça en a l’air au premier regard. » Elle a offert sa collaboration au gouvernement tout comme son collègue libéral André Fortin.

La décision du gouvernement Legault a été bien accueillie par le Conseil pour la protection des malades qui plaide pour permettre les directives anticipées. Le Collectif des médecins contre l’euthanasie s’inquiète plutôt des possibles dérapages.

Le chef du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau, a indiqué jeudi que les critères fédéraux de l’aide médicale à mourir seraient également révisés si son parti formait à nouveau un gouvernement. « On a mis de l’avant un projet de loi responsable et prudent il y a trois ans, mais on a toujours reconnu que les cours, les moeurs, la perception allaient évoluer au fil des années, a-t-il affirmé. C’est pour ça qu’on va absolument regarder la décision de la cour, et les améliorations qu’on peut amener pour mieux respecter les droits des citoyens et la protection des plus vulnérables. Mais oui, on va alléger les critères par rapport à l’aide médicale à mourir. »

Le ministre fédéral de la Justice, David Lametti, a confirmé dans une déclaration jeudi que le gouvernement fédéral ne porterait pas le jugement de la Cour supérieure en appel. Il avait jusqu’au 10 octobre pour le faire, soit un peu plus d’une semaine avant l’élection.

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