Pesticides: les apiculteurs demandent à Québec de combler les lacunes du fédéral

Préoccupés par la mort de leurs abeilles, les apiculteurs québécois veulent moins de produits toxiques dans les champs.
Photo: Brendan Smialowski Archives Agence France-Presse Préoccupés par la mort de leurs abeilles, les apiculteurs québécois veulent moins de produits toxiques dans les champs.

Préoccupés par la mort de leurs abeilles, les apiculteurs québécois veulent moins de produits toxiques dans les champs. Ils invitent le Québec à réglementer là où Ottawa ne l'a pas fait.

« On demande qu’il y ait une réduction rapide et très importante de l’utilisation des pesticides parce que du poison, ça reste du poison », a affirmé le premier vice-président des Apiculteurs et apicultrices du Québec, Raphaël Vacher, lors de la commission parlementaire sur les pesticides.

Les pertes annuelles se chiffrent à un million de dollars depuis qu’il a démarré son entreprise en 2006. La pire année a été 2015, quand il a perdu 80 % de ses ruches. « Je ne connais aucune autre production agricole qui serait capable de soutenir des pertes aussi élevées année après année », a-t-il dit.

Le syndicat suggère que tous les pesticides utilisés de façon systémique soient soumis à une prescription agronomique pour en diminuer l’usage. C’est ce qui est arrivé avec l’atrazine, un puissant herbicide utilisé dans la culture du maïs, dont les ventes ont diminué de 40 % depuis qu’il est contrôlé. Un résultat que le ministère de l’Environnement avait jugé « très encourageant » lors des premières auditions de la commission sur les pesticides en mai.

« Nous, c’est clair, on n'a jamais demandé l’arrêt total de l’utilisation des pesticides, a précisé une administratrice du syndicat, Julie Fontaine. On veut juste que ne soit pas utilisé dans les champs ce qui n’a pas à être utilisé. »

Comme l’enrobage systémique des grains avec des néonicotinoïdes qui protègent les plantes des insectes nuisibles en les rendant toxiques. « C’est là le gros du problème avec les pollinisateurs, c’est que maintenant toutes les parties de la plante deviennent toxiques et, par lessivage, ces produits-là sont bus, ingérés par les plantes sauvages, qui deviennent elles aussi toxiques. Il y a un effet boule de neige, et là on se ramasse avec du pollen qui est contaminé. »

L’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA), qui relève de Santé Canada, « est la porte d’entrée » des pesticides dans les champs québécois. Or l’homologation de ces produits s’appuie sur les études effectuées par l’industrie. « Le Québec se doit de continuer sa réglementation pour qu’elle soit plus efficace, plus restrictive, parce que le fédéral ne fait pas sa job et c’est nous qui en subissons les conséquences », a constaté Mme Fontaine. « La prescription agronomique est nécessaire, elle doit demeurer et elle doit être étendue », a-t-elle ajouté.

Cette recommandation est similaire à celle qui avait été faite la veille par l’Ordre des agronomes du Québec. Son président, Michel Duval, réclame une prescription agronomique pour l’ensemble des 1200 pesticides autorisés en milieu agricole. Or plusieurs problèmes ont été cités en commission parlementaire sur la façon dont les agronomes effectuent leur travail. Plusieurs groupes ont dénoncé le fait que ces agronomes vendent les produits qu’ils prescrivent. Des fonctionnaires du ministère de l’Environnement avaient d’ailleurs signalé, au premier jour des consultations, à la fin du mois de mai, que 15 agronomes québécois ayant des liens avec l’industrie avaient signé en 2018 près de la moitié des 1500 prescriptions d’atrazine.

L’autre problème concerne l’application de la réglementation. Des inspections réalisées en 2018 auprès des membres de l’Ordre ont démontré que 14 d’entre eux, qui travaillent avec des pesticides, présentaient des lacunes dans leur travail et que, dans cinq cas, leur compétence était mise en doute.

Présentement, cinq molécules inscrites au Code de gestion des pesticides requièrent une prescription agronomique pour pouvoir être utilisées, mais tous les autres demeurent en vente libre.

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