Legault veut un Québec «plus vert» et «plus riche»

Le premier ministre François Legault veut calmer la soif de pétrole des Québécois, ce qui permettra, selon lui, au Québec d’être non seulement « plus vert », mais également « plus riche ».
Il vise un objectif de diminution de la dépendance du Québec au pétrole de 40 % d’ici 2030. Pour y arriver, le gouvernement caquiste mènera un vaste « chantier » d’électrification des transports, des bâtiments et des entreprises, a-t-il annoncé devant plus de 1200 membres de la Coalition avenir Québec, dimanche. Parmi eux, Dominic Champagne a « vibré ».
« Au lieu de pomper notre argent dans les coffres des pétrolières, on va garder notre argent ici, pour créer de la richesse ici, pour les gens d’ici », a déclaré M. Legault durant le discours de clôture d’un premier conseil général ayant pour thème « Pour une économie verte ».
D’ici 2030, le Québec parviendra à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 37,5 % sous le niveau de 1990, tout en créant de la richesse, a promis le chef du gouvernement. « Je veux être bien clair : on l’a reçu, le message entre autres des jeunes : on doit en faire plus aussi ici au Québec [pour lutter contre les changements climatiques]. Puis, on va le faire ! » a-t-il lancé après deux jours d’échanges sur des propositions visant à verdir l’action politique (et l’image de marque) de la CAQ. Les membres caquistes présents dans la salle faisaient bloc derrière lui, interrompant son allocution à plus d’une reprise à coups d’applaudissements. Les quelques « climato-réalistes », qui reprochaient aux médias et aux groupes de pression de casser les oreilles de la population avec « l’urgence climatique » samedi, sont quant à eux restés muets. « C’est sûr que le défi est plus grand ici que pour nos voisins. On ne peut pas fermer nos centrales au charbon, on n’en a pas ! On a donc besoin d’un plan très ambitieux. Des plans ambitieux, on n’a pas peur de ça au Québec », a poursuivi M. Legault.
Le chef caquiste a notamment chargé le ministre des Transports, François Bonnardel, de « finir » le Réseau express métropolitain (REM) à Montréal, de « prolonger » la ligne bleue du métro, de « construire » un tramway dans l’est de la métropole, à Québec et à Longueuil, et de « construire » un projet de transport sur rail à Gatineau, tout en « amélior[ant] » les transports collectifs par autobus.
« Et tous les nouveaux trains, tramways, autobus vont être, en grande partie, fabriqués chez nous, ici au Québec », a-t-il souligné, obtenant une ovation de la foule. M. Legault a par la suite précisé à la presse que le gouvernement québécois respectera les ententes de libre-échange internationales, qui fixent une limite au contenu local qu’il peut exiger. « Pour l’instant, dans l’entente avec l’Europe, c’est 25 % [de contenu local permis]. Par contre, on sait que les Américains exigent 65 %-70 %. On va voir ce qui est permis. On va essayer aussi de s’assurer qu’il y ait le maximum qui soit fait au Québec », a-t-il affirmé.
Pour financer ces projets de transport collectif, M. Legault modifiera « si nécessaire » le plafond du Plan québécois des infrastructures (PQI), qu’il avait fait passer de quelque 110 à 115,4 milliards de dollars sur 10 ans au printemps dernier. Le projet de ligne rose de métro promue par la mairesse de Montréal ne s’y retrouvera pas de sitôt. « La ligne rose, c’est un projet très, très coûteux. Ce n’est pas une priorité », a-t-il dit sans détour à la presse.
Par ailleurs, l’État continuera d’offrir des « incitatifs financiers » pour réduire le coût d’achat des automobiles électriques, a indiqué M. Legault dimanche. Le gouvernement tournera le dos au mazout et incitera les propriétaires de bâtiments résidentiels, publics et commerciaux à l’imiter, en « pass[ant] à l’électricité ». Il encouragera également l’invention de nouveaux procédés industriels électriques pour remplacer les systèmes au mazout dans les secteurs industriel et agricole, a expliqué le premier ministre.
Le gouvernement dévoilera un plan détaillé des coûts de son plan d’électrification au tournant des années 2019 et 2020, a-t-il dit. Le Fonds vert et les budgets de fonctionnement des ministères seront mis à profit.
M. Legault s’est aussi dit déterminé dimanche à conclure des ententes de vente d’hydro-électricité avec le Massachusetts, avec New York et l’Ontario. Il proposera à son homologue ontarien, Doug Ford, un «deal » qu’il ne pourra refuser pour acquérir de « l’énergie moins chère et de l’énergie plus propre », a-t-il mentionné. « On va se dire une chose : la plus grande contribution que pourrait faire le Québec pour sauver la planète, ça serait d’aider nos voisins à remplacer des centrales au charbon, des centrales au gaz, par de l’hydro-électricité propre. Il n’y a aucun [autre] moyen qui pourrait contribuer autant et aussi vite à lutter contre les changements climatiques. Aucun ! » a-t-il déclaré.
Hydro-Québec comblera les nouveaux besoins énergétiques des Québécois et de ses clients extérieurs — du Massachusetts et de New York, notamment — en puisant dans ses surplus, a soutenu M. Legault. Bref, la relance du projet éolien Apuiat et le démarrage de nouveaux projets hydro-électriques ne sont pas pour demain.
L’instigateur du Pacte pour la Transition, Dominic Champagne, et le directeur général pour le Québec et l’Atlantique de la Fondation David Suzuki, Karel Mayrand, ont salué le discours prononcé par M. Legault.

Le chef de la CAQ s’est pour la première fois montré non seulement « convaincu » de l’urgence d’agir pour le climat, mais également « convaincant », a dit M. Champagne à sa sortie de la salle de conférence. « Aujourd’hui, moi, pour la première fois, j’ai vibré à quelque chose, j’ai vibré à un début de conviction. Je sens que le premier ministre Legault est convaincu. Et, c’est la première fois pour moi — et j’ai eu quelques discussions avec lui — où je le sens convaincant », a affirmé le metteur en scène, qui a observé la CAQ amorcer « un virage vert » depuis les dernières élections générales. « [M. Legault] a un devoir de cohérence, c’est important. On ne va pas lui faire un chèque en blanc, en se fermant les yeux et en se bouchant le nez parce qu’on sait qu’il est favorable aussi à des projets mortifères », a-t-il ajouté.
M. Mayrand s’est réjoui de voir le gouvernement caquiste s’engager à diminuer le pétrole consommé au Québec de 40 % dans les 11 prochaines années. « On a un gouvernement nationaliste qui veut faire du développement économique avec l’électricité », a-t-il affirmé, avant d’ajouter : « Le vrai travail commence. »
À sortie, M. Legault a finalement convenu de rencontrer les porte-parole des collectifs La planète s’invite à l’Université, Pour le futur Mtl et Devoir environnemental collectif. Ceux-ci lui ont remis une photographie encadrée de la manifestation pour le climat du 15 mars dernier, qui lui rappellera « l’ampleur et la force de la mobilisation ». « Les membres du parti sont prêts à agir. Les 14 dernières semaines de mobilisation ont aussi démontré que la population est prête. Malgré tout, le gouvernement manque de cohérence en finançant des projets comme GNL Québec et comme le troisième lien [entre Québec et Lévis] », a fait valoir William Des Marais après la réunion à huis clos.
Se décrivant comme « un homme de résultats », M. Legault invite la population québécoise à juger la CAQ lors du prochain rendez-vous électoral, en 2022, sur son bilan, y compris en matière de lutte contre les changements climatiques.