Un geste sans précédent pour dénouer le conflit chez ABI

Plus de 1000 travailleurs sont touchés par ce conflit de travail qui a débuté le 11 janvier 2018.
Photo: Graham Hughes La Presse canadienne Plus de 1000 travailleurs sont touchés par ce conflit de travail qui a débuté le 11 janvier 2018.

Le syndicat des travailleurs de l’aluminerie de Bécancour (ABI) « devrait faire plus de compromis », a affirmé le premier ministre François Legault mercredi quelques heures après que son ministre du Travail eut fait un geste sans précédent en présentant un projet de convention collective pour tenter de mettre fin au lockout qui dure depuis quinze mois.

« On est dans une situation, Monsieur le Président, où honnêtement, je le dis, je crois que le syndicat des Métallos exagère dans ces négociations », a-t-il répété en commission parlementaire, se faisant accuser de s’ingérer dans le conflit par le chef intérimaire du Parti libéral, Pierre Arcand.

François Legault avait tenu des propos similaires il y a environ deux semaines. Le lendemain de sa déclaration, les dirigeants d’ABI avaient rejeté une contre-proposition des syndiqués.

Avec le bas prix de l’aluminium, les travailleurs ne devraient pas exiger des conditions qui rendent le coût de la main-d’oeuvre québécoise moins concurrentiel que celui de la main-d’oeuvre américaine, selon lui.

« Mais si on exige 92 000 $ avec des fonds de pension payés à 60 % par l’employeur — [ce] qu’on ne retrouve à peu près nulle part —, 10 000 heures de libération syndicale par année, si on exagère sur l’ensemble des demandes, bien, il y a un risque que ces emplois-là, ça va faire peur. »

Le premier ministre souhaite un retour au travail le plus rapidement possible. « Il faut que l’entreprise ABI rouvre, là, ça presse », a-t-il dit.

Dénouer l’impasse

Plus tôt dans la journée, le ministre du Travail, Jean Boulet, a fait ce qu’aucun autre élu n’avait fait avant lui en présentant un projet de convention collective au syndicat et aux dirigeants d’ABI.

« Je force un cheminement réciproque et […] je suis tellement confiant dans le contenu de ces documents-là, acceptable, raisonnable, respectueux des intérêts des deux parties », a-t-il affirmé en conférence de presse après leur avoir remis son hypothèse de règlement sous scellés lors de rencontres séparées.

M. Boulet estime que sa démarche, qui relève généralement des médiateurs, a été accueillie « de façon très sérieuse » de part et d’autre. Il demande une réponse d’ici dix jours, d’abord de la direction d’ABI puis du syndicat, et s’attend à ce que celui-ci soumette son projet de convention collective aux travailleurs en lockout lors d’une assemblée.

Je crois que le syndicat des Métallos exagère dans ces négoci­ations

« Si jamais l’hypothèse était entérinée par les deux parties, je leur ai dit que j’étais prêt à la rédiger de façon globale, de façon complète pour éviter qu’il y ait des écueils ou des problèmes d’application ou d’interprétation », a-t-il ajouté.

Libérations syndicales, sous-traitance, réorganisation du travail, mouvements de main-d’oeuvre, régime de retraite, salaire, rétroactivité et durée de la convention collective : le ministre dit avoir traité de « toutes les questions qui demeuraient en suspens entre les parties ».

Il a donné peu de détails concrets sur le contenu de sa proposition, mais a tout de même révélé qu’il avait raccourci la durée du protocole de retour au travail qui avait été dénoncée par le syndicat.

« Je suis intervenu sur cette durée-là pour la rendre plus, selon nous, respectueuse d’une reprise normale des opérations, a-t-il dévoilé. Donc, la durée n’est plus de dix mois. »

Il s’est défendu de prendre parti pour ABI, comme l’a fait le premier ministre François Legault, en expliquant qu’il s’était appuyé sur « des critères objectifs », soit l’augmentation de la productivité, la flexibilité opérationnelle, la pérennité de l’usine, la stabilité des emplois et l’amélioration du climat de travail.

Plus de 1000 travailleurs sont touchés par ce conflit de travail qui a débuté le 11 janvier 2018. Le Syndicat des Métallos a fait savoir par communiqué qu’il souhaitait prendre le temps d’analyser la démarche du ministre avant de la commenter.

La porte-parole de la multinationale américaine Alcoa au Canada, Anne-Catherine Couture, a indiqué par courriel que les dirigeants de l’usine de Bécancour se concentraient d’abord sur « l’examen des causes de l’incendie » qui a pris naissance dans une pièce d’équipement mercredi matin.

« Ensuite, nous analyserons rigoureusement l’hypothèse de règlement et nous apprécions les efforts du gouvernement pour aider les parties à conclure une entente », a-t-elle indiqué.

Une section de l’usine fonctionne toujours durant le lockout. Les opérations sont assurées par des cadres.

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