François Legault veut davantage d’immigrants français

Alors qu’il amorçait sa première visite officielle en France, le premier ministre du Québec a déclaré que, même s’il avait l’intention de réduire les quotas d’immigration, il souhaitait attirer encore plus d’immigrants français au Québec. François Legault a fait cette déclaration au Devoir au premier jour de sa visite en France à l’occasion de laquelle il rencontrera lundi le président, Emmanuel Macron, et le premier ministre, Édouard Philippe.
Pour le premier ministre, il est clair que la réduction des quotas d’immigration ne doit pas nuire à l’immigration en provenance de la France. Au contraire, dit-il. « Actuellement, il y a beaucoup trop d’immigrants au Québec qui ne sont pas qualifiés ou qui ne parlent pas français, dit le premier ministre. Donc, des Français, on en prendrait plus. De même que des Européens. »
François Legault rappelle son « inquiétude » de constater que, l’an dernier, 53 % des immigrants accueillis au Québec ne parlaient pas français. Avec l’immigration française, dit-il, il n’y a généralement ni problème de qualification ni problème de langue. C’est aussi pour recruter du personnel qualifié que l’Union des municipalités du Québec participait la semaine dernière au grand Salon du travail et de la mobilité professionnelle à la grande halle de La Villette à Paris.
On l’aura compris, c’est une visite surtout économique qu’entend mener le premier ministre québécois en France, durant laquelle il doit d’ailleurs rencontrer une douzaine de dirigeants de grandes entreprises françaises afin de les convaincre d’accroître leurs investissements au Québec. Le premier ministre est d’ailleurs accompagné du ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, ainsi que de la ministre des Relations internationales Nadine Girault.
« Ma priorité est économique, dit-il. Je ne veux rien soustraire [dans la relation France-Québec]. Mais je pense qu’on peut en faire plus en économie en augmentant les exportations. […] Je veux aussi augmenter les investissements des entreprises françaises au Québec, même si je comprends que M. Macron veut le contraire. »
François Legault n’hésite pas à qualifier de « ridicule » le chiffre des exportations québécoises en France, qui ne représente que « trois jours sur une année » comparativement aux exportations en direction des États-Unis. Il dit vouloir « doubler » les échanges économiques. « Il est plus que temps que l’on diversifie nos exportations, dit-il. Nos entreprises n’ont pas le réflexe d’exporter en Europe. Il va falloir changer ça. » Le premier ministre entend notamment augmenter le nombre d’agents commerciaux de la Délégation générale du Québec à Paris. Il compte aussi, en réorganisant Investissement Québec, mieux arrimer le travail de cette agence à celui de la Caisse de dépôt et des délégations à l’étranger.
Entre Matignon et l’Élysée, François Legault se rendra au siège de L’Oréal rencontrer son p.-d.g., Jean-Paul Agon. La multinationale des produits de beauté compte déjà 1474 employés au Québec et une usine à Saint-Laurent. Immédiatement après, il s’entretiendra avec le p.-d.g. du groupe agroalimentaire Fleury Michon, Régis Lebrun, qui emploie 350 personnes à Rigaud. Lundi soir, il mangera avec une demi-douzaine de dirigeants d’entreprises inscrites à la Bourse de Paris, dont David Layani, fondateur du groupe Onepoint, spécialiste de la transformation numérique des entreprises, et Jean-Laurent Bonnafé, directeur général de la grande banque BNP-Paribas.
Le volet politique de cette première visite à l’étranger sera pour sa part plus classique. Lundi midi, François Legault aura un repas privé avec le président Emmanuel Macron. Pour le reste, il rencontrera le premier ministre, Édouard Philippe, et les présidents du Sénat, Gérard Larcher, et de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand. Il n’y aura ni conférence de presse commune avec le premier ministre français, ni signature d’ententes, ni non plus de rencontre avec les leaders des partis politiques, comme avaient l’habitude de le faire certains de ses prédécesseurs. « C’est déjà beau que, dans le contexte des gilets jaunes, on nous accorde tout ce temps », dit-on dans l’entourage du premier ministre.
Des gilets jaunes au Québec ?
François Legault ne manquera d’ailleurs pas de s’informer au passage sur la révolte des gilets jaunes qui secoue la France depuis maintenant deux mois. Selon lui, « la crise des gilets jaunes montre qu’il y a une limite à ce qu’on peut demander au contribuable. Il y a toujours un risque qu’on dépasse cette limite et qu’il y ait une révolte ». Il rappelle qu’en campagne, la CAQ proposait de « remettre de l’argent dans le portefeuille » des classes moyennes. « Quand je vois ce qui se passe en France, je me rends compte que c’est important. »
François Legault n’hésite d’ailleurs pas à comparer la taxe sur le carbone que cherche à imposer Justin Trudeau aux provinces à celle sur le diesel qui a déclenché la révolte des gilets jaunes. « M. Trudeau essaie de mettre une taxe punitive qui n’est pas nécessaire au Québec, dit-il, parce qu’on a déjà la bourse du carbone. »
Encore peu connu en France, François Legault donnera des entrevues aux quotidiens L’Opinion et Le Monde ainsi qu’à la chaîne francophone TV5 Monde. Dimanche, il en a profité pour échanger avec l’académicien québéco-haïtien Dany Laferrière. Cette rencontre en compagnie de la déléguée générale du Québec à Paris, Line Beauchamp, s’est tenue aux café Les deux magots, lieu symbolique bien qu’un peu défraîchi du passé littéraire français. Plus tôt, en cette veille du Jour du drapeau, le premier ministre s’était rendu sur la place du Québec, au coeur de Saint-Germain-des-Prés, où comme à l’habitude dans ce genre d’occasion, les couleurs du Québec étaient à l’honneur.