Le débat des chefs à l'épreuve des faits

afin de les soumettre à la vérification de nos journalistes.
« 1,1 million de Québécois de plus ont un médecin de famille »
[ Philippe Couillard ]
Combien de Québécois de plus ont accès à un médecin de famille, par rapport au début du mandat du gouvernement Couillard ?
Le chiffre de 1,1 million de personnes de plus serait le bon, selon le plus récent bilan publié par le ministère de la Santé et des Services sociaux.
Cette croissance du nombre de patients suivis signifie que le taux de Québécois qui ont accès à un médecin famille est passé de 65 % à 79 % en quatre ans, selon les données compilées par Le Devoir.
« L’atteinte de ce nombre symbolique d’un million démontre que nos efforts portent leurs fruits », s’est d’ailleurs vanté le ministre de la Santé Gaétan Barrette, au moment de publier le bilan.
Le hic, c’est qu’en 2015, les libéraux avaient fait adopter la loi 20, en vertu de laquelle le taux de Québécois suivis par un médecin devait atteindre 85 % en 2018. Ils ont donc raté leur cible. Ce qu’a reconnu Philippe Couillard plus tard dans le débat.
Le gouvernement a suspendu la portion concernant les médecins de la loi 20 au 1er janvier 2018, alors que les cibles n’allaient pas être atteintes.
Il y a quelques jours, la Fédération des médecins omnipraticiens a par ailleurs dénoncé la pression exercée par les différents chefs de parti, dans le cadre de la présente campagne électorale.
« Je pense que les médecins de famille en ont assez. On a pris plus d’un million de patients depuis avril 2014. On est peut-être rendus au bout du rouleau », a insisté le Dr Louis Godin, président de la Fédération.
Alexandre Shields
« On touche des peanuts pour notre eau [qui est embouteillée par des entreprises comme Naya, Eska ou Coke]. C'est un quart de cent par litre, par mètre cube d'eau. [...] Nous, à Québec solidaire, on va y aller à 7 ¢ du mètre cube d'eau. »
[ Manon Massé ]
La co-porte-parole de Québec solidaire a semblé se fourvoyer en évoquant les redevances versées à l’État québécois par les entreprises qui embouteillent de l’eau potable puisée ici.
Elle a ainsi promis que Québec solidaire augmenterait cette redevance à « 7 ¢ par mètre cube » si son parti prenait le pouvoir le 1er octobre. Or, la réglementation actuelle fixe précisément cette redevance à 7 ¢ par mètre cube.
Il faut dire que depuis l’adoption du Règlement sur la redevance exigible pour l’utilisation de l’eau en 2010, ce montant exigé des embouteilleurs qui puisent plus de 75 mètres cubes d’eau par jour n’a jamais été augmenté.
C’est ainsi qu’en 2017, pour plus de deux milliards de litres d’eau potable puisés au Québec, les entreprises ont versé un total de 146 000 $.
Concrètement, dans son cadre budgétaire, Québec solidaire promet toutefois d’aller chercher des revenus supplémentaires de 430 millions provenant de nouvelles redevances accrues sur l’eau. Les redevances passeraient de 0,07 $ à 1,25 $ le mètre cube d'eau pour les entreprises qui en font l'extraction, et de 0,0025 $ à 0,50 $ le mètre cube pour les entreprises de fabrication.
Alexandre Shields
« 18 écoles privées ont zéro enfant en difficulté, alors que dans les écoles publiques, il y a des classes où le tiers des enfants sont en difficulté »
[ Jean-François Lisée ]
Le chef du PQ semble se baser sur un article du Journal de Québec qui révélait, il y a quelques jours, qu’il y avait « six fois moins d’élèves défavorisés dans les écoles privées du Québec ». La journaliste citait les chiffres du PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), analysé par une firme ontarienne à la demande du mouvement L’École ensemble. Le tableau présenté par l’organisme mentionnait qu’il y avait 18 écoles privées et 6 écoles publiques avec 0 % d’élèves défavorisés.
Élèves « défavorisés » n’est pas la même chose qu’élève « en difficulté », même si les deux peuvent souvent se rejoindre, constate Monique Brodeur, doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation du l’UQAM.
Sur son site Internet, la Fédération des établissements d’enseignement privés indique que « plus de 3000 enfants présentant des difficultés de comportement, des difficultés d’apprentissage, des déficiences ou des handicaps fréquentent une école privée spécialisée en adaptation scolaire ». La Fédération ne tient pas de statistiques sur le nombre exact d’enfants en difficulté dans son réseau.
Au Québec, selon les chiffres compilés par Le Devoir, ce sont 148 986 élèves en difficulté qui sont dans les classes du Québec.
Y a-t-il des classes où le tiers des enfants sont en difficulté ? « C’est tout à fait juste ; dans certains milieux, c’est même davantage », répond Monique Brodeur.
Jessica Nadeau
« C'est un certificat de sélection qu'on donnera une fois que le test [de français] sera réussi. Quand vous parlez d'expulsion, on ne parle pas d'expulser des citoyens. On parle d'expulser des gens qui ne sont pas encore citoyens. »
[ François Legault ]
« De toute évidence, vous ne savez même pas ce qu'est un certificat de sélection. Un certificat de sélection, il est délivré avant que la personne arrive sur le territoire. C'est le gouvernement canadien qui autorise l'arrivée sur le territoire, [le CSQ] n'a plus de signification à l'arrivée sur le territoire. »
[ Philippe Couillard ]
Philippe Couillard et François Legault ont eu une passe d'armes à propos du Certificat de sélection du Québec (CSQ).
Le chef du Parti libéral a rappelé que M. Legault tentait de modifier des choses sur lesquelles il n’a pas de pouvoir, en l’occurrence ce CSQ que M. Legault voudrait voir octroyé de manière conditionnelle, si par exemple un immigrant réussit son test de français. Or, lui a rappelé M. Couillard, ce certificat est octroyé à l’immigrant avant son arrivée au Québec et le fédéral ensuite autorise le droit de sol, généralement par un visa de résident permanent.
M. Legault pourrait toujours révoquer ce CSQ, mais le droit de demeurer au pays et le renvoi appartiennent aux autorités fédérales, notamment l’Agence des services frontaliers du Canada.
Le projet de la CAQ de test des valeurs et d’examen de français, qui seraient conditionnels à l’obtention d’un certificat de sélection pour pouvoir demeurer au Québec, nécessiterait donc de profonds changements législatifs au provincial et au fédéral. Il faudrait convaincre Ottawa d’autoriser un traitement différencié des immigrants économiques selon les provinces. Et que le Québec fasse bande à part.
Lisa-Marie Gervais