Le PQ fait marche arrière sur les véhicules électriques

Le Parti québécois s’est targué lundi de présenter le plan environnemental « le plus contraignant jamais proposé ». Mais il a reculé sur son engagement d’interdire la vente de véhicules à essence à partir de 2035.
Au terme de « discussions », les péquistes ont renoncé à une mesure de leur plateforme électorale qui stipulait, depuis le mois de mai, que « 100 % des véhicules légers vendus au Québec en 2035 devront être rechargeables ».
« Pour avoir l’adhésion du public, nous avons décidé, ces dernières semaines, que ce n’était pas avec du vinaigre qu’on allait attirer les gens vers les voitures électriques », a déclaré Jean-François Lisée. Il a reconnu que le PQ « a changé la formulation pour mieux arriver à l’objectif » voulant que l’ensemble des véhicules vendus en 2035 soient électriques.
Le parti propose donc désormais d’« adopter des cibles audacieuses de ventes de véhicules électriques rechargeables » dans la loi « zéro émission » du gouvernement du Québec.
Il ne renonce pas à la notion de contrainte pour autant, puisqu’il entend obliger « les concessionnaires à offrir davantage de véhicules électriques », a expliqué Jean-François Lisée.
Au cours des derniers jours, le chef péquiste a fait grand cas de l’engagement de Québec solidaire d’obliger les concessionnaires à vendre uniquement des véhicules hybrides ou électriques d’ici 2030 : il a reproché à ses adversaires de « prendre les gens à rebours » avec des « idées de contraintes et de punition ».
Pour avoir l’adhésion du public, nous avons décidé, ces dernières semaines, que ce n’était pas avec du vinaigre qu’on allait attirer les gens vers les voitures électriques
Dans une série de pirouettes verbales, Jean-François Lisée s’est défendu d’en faire autant. À son avis, les approches péquiste et solidaire se distinguent en cela que la dernière vise les citoyens — puisque QS souhaite interdire complètement la circulation de véhicules à essence à partir de 2050. « Les citoyens, de leur dire qu’ils vont être punis alors qu’ils ne peuvent même pas acheter les voitures électriques qu’ils veulent acheter, pour moi c’est contre-productif », a-t-il déclaré.
Loi anti-déficit climatique
Le PQ estime néanmoins présenter le plan contre la crise climatique « le plus contraignant jamais proposé ». « Pourquoi ? a dit Jean-François Lisée. Parce qu’on contraint le gouvernement du Québec à atteindre ses objectifs avec une loi anti-déficit climatique. »
L’application d’une telle loi serait supervisée par une entité indépendante. Et la pièce législative créerait, selon le chef péquiste, « une pression politique majeure », à l’instar de la Loi sur l’équilibre budgétaire. « Je mets ma tête sur le billot, si, en 2022, au moment de ma réélection, on est en retard sur le plan qu’on a prévu. »
L’avocat spécialisé en environnement Jean Baril voit d’un bon oeil la proposition péquiste. « En passant par une loi, au lieu de simplement annoncer un objectif, ça permet de voter un texte, de prendre des mesures à travers des instruments contraignants pour faire appliquer la loi », a-t-il expliqué.
Il a rappelé qu’en matière d’environnement, les engagements prennent souvent la forme de déclarations politiques qui ne se sont pas concrétisées dans des textes de loi. « Le Québec s’est engagé à respecter l’accord de Paris sur le climat, mais aucune modalité précise n’a été adoptée pour ça », a-t-il illustré.
Indépendance environnementale
Le PQ s’est par ailleurs engagé à adopter une loi affirmant l’indépendance environnementale du Québec. « Nous n’allons pas négocier avec Justin Trudeau des pouvoirs supplémentaires en environnement. Nous allons adopter une loi pour affirmer notre compétence », a promis Jean-François Lisée. « Il y aura un débat juridique. On va le gagner — ou non. »
Ottawa a dévoilé en février sa nouvelle approche en matière d’évaluation environnementale. Il souhaite « travailler en collaboration avec les provinces afin de mener une seule évaluation », mais confirme néanmoins que « les deux juridictions conserveront les mêmes responsabilités face à la prise de décision ».
Or, « ce n’est pas une loi ordinaire adoptée par une province qui peut changer les choses », avertit Jean Baril. « Il y a des barrières constitutionnelles. »
La promesse du Parti québécois est, à son avis, « une affirmation politique plus qu’autre chose ». « On veut montrer que l’environnement est important pour le parti et que le Québec ne peut être écarté des décisions prises au sujet de son territoire. »
Le message politique est « fort », ajoute Annie Chaloux, professeure en politique à l’Université de Sherbrooke. « Mais je doute que ce soit réalisable dans les faits », ajoute-t-elle, en précisant que c’est le propre de la constitution canadienne de partager cette compétence entre le gouvernement fédéral et les provinces.