Un hélicoptère a servi à chasser les caribous

Les autochtones de la bande innue de Sept-Îles, qui ont récemment décimé une harde protégée de caribous des bois dans la région de Red Wine, près de Goose Bay, au Labrador, ont non seulement chassé dans une zone interdite de chasse en vertu de règles fédérales et provinciales, mettant en danger par leur geste une sous-espèce menacée de disparition, mais l'ont aussi fait à partir d'un hélicoptère, a appris Le Devoir, ce que toutes les lois en matière de conservation et de chasse, ainsi que l'éthique de la chasse la plus élémentaire, interdisent.

C'est ce qu'ont confirmé hier deux sources, l'une autochtone, l'autre de la direction de la Fédération québécoise des gestionnaires de ZEC du Québec (FQGZ), qui évoquait explicitement cette pratique dans le communiqué émis en fin d'après-midi hier pour dénoncer cette «tuerie» et le silence «inquiétant» des ministres fédéraux et provinciaux mis en cause dans ce dossier. Jusqu'à présent, seuls les Innus d'autres bandes, y compris celles du Labrador, ont pris position contre la bande de Sept-Îles, venue chasser dans un territoire situé à proximité de celui des Innus de Goose Bay.

Cette «tuerie» est le fait d'autochtones de la bande Uashat-Mani-Utenam de Sept-îles, qui ont refusé d'entériner la récente entente de principe Québec-Innus signée le 31 mars, ceux de Sept-Îles la trouvant trop faible. Le chef de cette bande, Rosario Pinette, a déclaré au National Post avant-hier que l'abattage d'une cinquantaine de caribous de la sous-espèce menacée des monts Red Wine n'était pas grave dans un pays qui compte des millions de caribous. La sauvegarde de cette harde faisait l'objet d'ententes entre les Innus du Labrador et le gouvernement terre-neuvien.

D'après les renseignements obtenus par Le Devoir, l'hélicoptère nolisé pour cet abattage massif a principalement servi à localiser les caribous des bois du secteur Red Wine. Les motoneigistes de la même bande étaient en quelque sorte synchronisés du haut des airs grâce à de l'équipement de communications.

Toujours selon la même source, les propriétaires de cet hélicoptère, qui a servi à chasser dans un territoire protégé par les lois fédérales et provinciales, n'auraient pas dû accepter que cet appareil soit utilisé pour une chasse illégale à tous égards. «Si le ministère fédéral des Transports fait son travail, estime la même source, la société commerciale en cause pourrait avoir de sérieux problèmes avec le maintien de son permis. Évidemment, ce sera différent si Ottawa décide de fermer les yeux une fois de plus.»

Chez les gestionnaires de ZEC, on se surprend du silence des ministres Pierre Corbeil, responsable de la chasse, et Benoît Pelletier, responsable du dossier autochtone. «Après tout, il s'agit de chasseurs d'ici», expliquait Suzanne Saint-Amour, de la FQGZ.

Pour le secrétaire-trésorier de cette fédération, Éric Desbiens, «que savaient, qu'ont fait et qu'attendent nos autorités gouvernementales pour dénoncer et condamner ces gestes inacceptables de la part de citoyens autochtones du Québec, et ce, même si la tuerie s'est passée au Labrador? Nous sommes inquiets face à ce genre d'événement par des gens de chez nous».

Les Innus de Sept-Îles ont fait deux incursions en territoire terre-neuvien protégé. C'est à leur première incursion, le 21 mars, que les agents de la faune de Terre-Neuve sont intervenus et ont saisi 32 caribous, des carabines et deux motoneiges appartenant à des Innus québécois. En fin de semaine dernière, la bande de Sept-Îles récidivait en force. Plus de 60 autochtones retournaient abattre plus de 30 nouvelles bêtes dans ce territoire protégé où d'autres caribous migrateurs se retrouvent aussi à ce moment-ci de l'année.

Les Innus de Sept-Îles, qui ne reconnaissent pas la frontière Québec-Labrador, ont expliqué après coup leur geste en lui donnant un sens politique. Il visait, disent-ils, à obtenir une rencontre avec le ministre responsable des autochtones du côté terre-neuvien pour amorcer des négociations territoriales. Les Innus du Labrador ont dénoncé le geste de la bande de Sept-Îles en disant qu'il menaçait la réputation de tous les autochtones en matière de conservation ainsi que leur crédibilité, particulièrement dans la perspective d'éventuelles négociations sur le sens et la portée des chasses et des activités traditionnelles.

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