Couillard contredit Charest

Tranchant avec les propos tenus cette semaine par le premier ministre Jean Charest, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Philippe Couillard, a rejeté catégoriquement hier que la gestion des superhôpitaux soit confiée à l'entreprise privée.
À l'Assemblée nationale, M. Couillard a rappelé que le mandat donné aux anciens premiers ministres Brian Mulroney et Daniel Johnson consistait sans plus «à étudier les modes de construction, les modes de gestion de construction de ces projets-là», soit le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) et le Centre universitaire de santé McGill (CUSM). En ce qui a trait à la gestion des activités cliniques, c'est-à-dire les services de santé, «comme on le mentionnait [hier] matin dans Le Devoir, ce serait contraire à la loi canadienne de la santé». La gestion des activités cliniques n'a jamais été mentionnée par M. Charest, «sauf erreur», a soutenu le ministre, qui répondait à une question de Louise Harel, porte-parole de l'opposition officielle pour la santé.Dans une entrevue accordée lundi au Devoir, Jean Charest avait exprimé son ouverture à l'égard d'une formule de partenariat public-privé (PPP) pour la réalisation des projets de superhôpitaux du CHUM et du CUSM. «On a d'emblée dit notre ouverture à une formule de partenariat public-privé, le rapport de MM. Johnson et Mulroney va être livré au mois d'avril et, oui, on est ouverts au partenariat public-privé, certainement.» Le premier ministre a poursuivi: «Pour la construction, pour la gestion aussi. Et si on veut nous proposer une formule, on est ouverts à cela.» M. Charest s'est dit très intéressé par les expériences de PPP qui ont cours en Grande-Bretagne.
Mais pour M. Couillard, le mandat de MM. Mulroney et Johnson se limite à «la gestion privée du chantier de la construction des deux projets, sans plus», a-t-il dit. Or tous les chantiers de construction au Québec, que l'ouvrage soit à usage public ou privé, sont gérés par des entreprises privées, soit les entrepreneurs généraux et les firmes d'ingénieurs. Les projets immobiliers dits clés en main, où les dépassements de coûts sont à la charge de l'entrepreneur général, sont monnaie courante.
On est loin des PPP tels qu'ils se pratiquent à l'étranger. Par exemple, le gouvernement britannique a lancé un appel d'offres, auquel huit sociétés privées ont répondu, visant à vendre des hôpitaux publics incapables d'atteindre les cibles de rendement fixées par l'État.
Alors que M. Charest estime que l'exercice de «réingénierie» auquel se livre la présidente du Conseil du trésor, Monique Jérôme-Forget, est «colossal», Philippe Couillard, a répété hier que la sous-traitance et la «réingénierie» dans le réseau de la santé, qui accapare 40 % du budget de l'État, n'allaient pas produire de «gains substantiels» et demeureraient un «phénomène marginal». M. Couillard qualifiait de «très intéressante» l'entrevue, publiée hier dans Le Devoir, de Patrick Molinari, président du conseil d'administration du CHUM. Selon M. Molinari, les PPP envisagés par le gouvernement Charest ne portent pas sur la gestion des service de santé à proprement parler et encore moins sur la gestion des missions d'enseignement et de recherche.
Le CHUM et le CUSM mènent actuellement des travaux pour étudier l'opportunité de céder au secteur privé les services d'entretien, d'alimentation et d'informatique, rapportait Le Devoir. Cette pratique existe déjà dans de nombreuses institutions publiques, notamment les universités, rappelait M. Molinari.
Pour Louise Harel, M. Charest apparaît comme un «apprenti sorcier» dans le dossier du CHUM et du CUSM. «Manifestement, M. Charest a parlé à travers son chapeau. Et c'est ça qui m'inquiète, c'est de voir le premier ministre jouer avec des concepts qu'il ne maîtrise même pas», a dit la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.