Le numéro 2 de l’UPAC démissionne

Moins de 10 jours après le retour de Guy Ouellette au sein du caucus libéral, Martin Coiteux a accepté avec résignation de mettre sur pied un comité de surveillance des activités de l’Unité permanente anticorruption (UPAC). Le ministre de la Sécurité publique l’a annoncé jeudi avant-midi, alors que la garde rapprochée du commissaire à la lutte contre la corruption, Robert Lafrenière, se retrouvait de nouveau sur la sellette.
Le commissaire associé aux vérifications de l’intégrité des entreprises, Marcel Forget, s’est retrouvé une nouvelle fois dans l’embarras jeudi matin puisqu’il aurait vendu, selon Le Journal de Montréal, des actions sans permis de courtier dans les années 1990 et 2000. En effet, des policiers et d’ex-policiers disent avoir investi, grâce à lui, dans la firme Newtech, qui a été mise à l’amende dans la foulée d’une enquête de l’Autorité des marchés financiers (AMF), a révélé Le Journal de Montréal.
Après avoir effectué sa revue de presse, M. Coiteux a demandé à M. Forget de quitter son poste afin de ne pas entamer davantage la confiance du public à l’égard de l’UPAC. Un geste inusité. « Dans les circonstances, je ne pense pas qu’il soit l’homme de la situation. Je pense qu’il devrait lui-même en arriver à cette conclusion », a-t-il déclaré en marge d’une séance de travail du caucus libéral.
M. Forget s’est exécuté afin « de ne pas nuire » à l’UPAC, qui traverse une crise de confiance. « Aucun acte illégal n’est reproché à M. Forget », a précisé le commissaire à la lutte contre la corruption, Robert Lafrenière, par voie de communiqué.
Le numéro 2 de l’UPAC évaluait la probité des entreprises qui souhaitent obtenir un contrat public et soumettait ses conclusions d’enquête à l’Autorité des marchés financiers (AMF). Le commissaire associé Michel Petit assurera l’intérim.
La « condamnation » de Coiteux
Le ministre de la Sécurité publique a prononcé une « condamnation » sans équivoque qui avait toutes les allures d’un « congédiement », s’est étonné le porte-parole de l’opposition officielle en matière de sécurité publique, Pascal Bérubé. Ce faisant, M. Coiteux a-t-il porté atteinte à l’indépendance de l’UPAC ? « Je vais continuer de réfléchir à cela », a répondu l’élu péquiste.
L’élu solidaire Amir Khadir s’est interrogé sur le jugement de M. Lafrenière, qui a sélectionné M. Forget comme son bras droit. « Je ne l’accuse de rien, mais [M. Forget] était parfaitement incompétent pour avoir fait tout cela. […] M. Lafrenière a choisi des gens incompétents comme ça. Combien d’autres a-t-il mis à la tête de l’UPAC ? » a-t-il demandé dans une mêlée de presse.
M. Coiteux a pour sa part montré du doigt le gouvernement Marois, qui a officialisé la nomination de M. Forget. « [Il] aurait dû faire les vérifications » requises, a-t-il lâché devant la presse.
L’UPAC sous surveillance
Par ailleurs, le ministre libéral s’est rangé jeudi à l’idée de mettre sur pied un comité de surveillance des activités de l’UPAC, dont les trois membres seraient nommés par au moins les deux tiers des membres de l’Assemblée nationale. Le trio sera chargé de « donner son avis » notamment sur l’administration des enquêtes pénales et criminelles effectuées par le corps de police ainsi que sur les suites données aux dénonciations d’actes répréhensibles reçues par le commissaire à la lutte contre la corruption, et ce, « après avoir procédé aux vérifications et examens nécessaires », a-t-il expliqué.
« Donnons un exemple ici. Par exemple, le climat de travail à l’intérieur de l’organisation pourrait faire l’objet également d’un examen par le comité de surveillance. Minimalement, je dis bien minimalement, parce que le comité pourrait décider de la fréquence de la remise de rapports, de recommandations, mais minimalement, le comité devrait transmettre un rapport annuel au président de l’Assemblée nationale, et, de la même manière, le président du comité devrait être entendu sur ce rapport au moins une fois par année devant la commission pertinente de l’Assemblée nationale », a expliqué M. Coiteux, avant de relancer l’étude du projet de loi visant à accroître l’indépendance du commissaire à la lutte contre la corruption. Il l’avait suspendue au lendemain de l’arrestation-choc du président de la Commission des institutions, Guy Ouellette, le 25 octobre dernier.
Le député de Chomedey avait par la suite accusé l’UPAC de ne lésiner sur aucun moyen pour le « museler », y compris en l’accusant à tort d’avoir divulgué à la presse des informations confidentielles sur la vaste enquête Mâchurer. Celle-ci porte sur le financement politique et l’octroi de contrats publics et vise notamment l’ex-premier ministre Jean Charest et l’ex-argentier libéral Marc Bibeau. M. Ouellette avait aussi incité ses confrères et consoeurs à l’Assemblée nationale à ne pas adopter à « toute vapeur » le projet de loi 107 comme le souhaitait, selon lui, l’UPAC.
« J’ai voulu aller plus loin parce que c’est très important de rassurer le public sur le fait que les enquêtes de l’UPAC sont menées de façon rigoureuse, efficace, indépendante, impartiale et sans entrave. Et qui dit indépendance, évidemment, ne dit pas absence de transparence, l’un peut exister avec l’autre, parce que le lien de confiance de la population envers le corps policier est essentiel et cette transparence est importante », a ajouté M. Coiteux, une semaine après le retour de M. Ouellette dans le groupe parlementaire libéral.
Il a fait connaître jeudi un lot d’amendements au projet de loi consistant notamment à détacher l’UPAC de la Sûreté du Québec afin qu’elle forme un corps de police spécialisé dans la lutte contre la corruption.
Les partis d’opposition accueillent favorablement le lest jeté par le gouvernement libéral à l’approche d’une première mise aux voix du projet de loi (vote du principe). Cela dit, ils réclament toujours que le choix du prochain commissaire à la lutte contre la corruption soit, lui aussi, appuyé par au moins deux députés sur trois. Le ministre de la Sécurité publique s’y refuse net.