Revenu minimum garanti: le PQ et QS dénoncent le rapport d’experts

Les personnes seules bénéficiant de l’aide sociale pourraient voir leurs prestations augmenter de 472 $ par an.
Photo: Olivier Zuida Le Devoir Les personnes seules bénéficiant de l’aide sociale pourraient voir leurs prestations augmenter de 472 $ par an.

Le Parti québécois et Québec solidaire pressent le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, François Blais, de « tabletter » sans tarder le rapport du Comité d’experts sur le revenu minimum garanti.

Le trio d’économistes — Dorothée Boccanfuso, Jean-Michel Cousineau et Raquel Fonseca — a dévoilé lundi son rapport final coiffé du titre « Le revenu minimum garanti : une utopie ? Une inspiration pour le Québec » dans lequel il formule 23 recommandations.

Il suggère notamment d’augmenter les prestations d’aide sociale de 472 $ par an pour une personne seule et de 311 $ par an pour un couple sans enfants, ce qui permettrait à ces ménages sans contraintes à l’emploi de toucher un revenu disponible correspondant à 55 % de la Mesure du panier de consommation (MPC), soit 9745 $ pour 2016. Cette mesure coûterait 86,4 millions de dollars à l’État.

En ce moment, une personne seule âgée de moins de 65 ans reçoit 9192 $ (52 % de la MPC) et un couple sans enfants 13 355 $ (54 % de la MPC).

Le député péquiste Harold LeBel n’arrivait pas à croire, lundi, que le Comité d’experts sur le revenu minimum garanti se contente d’appeler le gouvernement libéral à verser une aide équivalant à 55 % de la MPC, c’est-à-dire « à peine la moitié du montant nécessaire pour sortir de l’extrême pauvreté ». « On dirait que le gouvernement a donné au comité un mandat qui allait lui fournir les recommandations dont il avait besoin. […] Le gouvernement cherchait-il vraiment une façon d’aider les plus vulnérables ? » a demandé le porte-parole de l’opposition officielle en matière de lutte contre la pauvreté. « Le gouvernement doit faire mieux et s’assurer que tous les Québécois ont accès à un revenu décent, qui leur permette de réellement sortir de la pauvreté. »

« Avec une hausse si minime que 1,30 $ par jour, les assistés sociaux pourraient s’acheter un gros pot de beurre de pinottes par semaine. On est loin du compte », a poursuivi la porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé.

Elle urge M. Blais à relire son essai Un revenu garanti pour tous avant de compléter son Plan de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. « J’espère que M. Blais reviendra à ses racines et s’attaquera enfin aux “groupes d’intérêts puissants” qui défendent un système économique injuste qui perpétue la pauvreté », a affirmé Mme Massé par voie de communiqué.

M. Blais entend sortir quelque 100 000 Québécois de la pauvreté. Il compte dévoiler son plan d’ici la fin de l’année.

La présidente du Comité d’experts sur le revenu minimum garanti, Dorothée Boccanfuso, a dissuadé le ministre libéral d’instaurer le revenu minimum garanti au moyen d’une allocation universelle et d’impôt négatif sur le revenu. Une telle réforme créerait des « problèmes d’équité et dans certains cas d’efficience et d’incitation au travail », a-t-elle fait valoir lundi.

« Vision rétrograde »

Le porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté, Serge Petitclerc, reproche au comité d’économistes d’avoir été aveuglé par ses préjugés lors de la rédaction de son rapport. « Viser 55 % de la MPC, c’est attaquer de front le consensus social selon lequel la MPC représente un seuil minimal pour couvrir les besoins de base. C’est faire le choix de maintenir des centaines de milliers de personnes dans la misère », a-t-il insisté.

Il exhorte M. Blais à renforcer les protections publiques pour assurer à tous et toutes un revenu au moins égal à la MPC — 17 716 $ par année —, à augmenter le salaire minimum à 15 $ l’heure, puis à lancer une campagne de sensibilisation visant à « changer les mentalités et à contrer les mythes et les préjugés » accablant les Québécois dans la pauvreté.

Prime au travail bonifiée

 

D’autre part, le Comité d’experts sur le revenu minimum garanti propose aussi de « renforcer de façon importante » la prime au travail.

Le comité propose de tirer vers le haut cette « prime » de façon à ce qu’une personne sans enfants travaillant environ 18 heures par semaine au salaire minimum touche 1661 $ de plus par année. Sa prime au travail passerait de 730 $ à 2391 $.

Le comité évalue le coût de cette « bonification majeure de la prime au travail », qui inciterait selon lui plus d’une personne à quitter le programme d’assistance sociale et à retourner sur le marché du travail, à plus d’un milliard de dollars par année pour l’État.

Le comité propose une « application graduelle » nettement moins coûteuse (109 millions par année) qui consiste à bonifier la prime au travail dans un premier temps pour les personnes seules (396 000) et pour les couples sans enfants (45 000). Les ménages sans enfants devraient bénéficier d’un « rattrapage » par rapport à ceux avec enfants, soutient-il.

Par ailleurs, le comité recommande le versement automatique de certains crédits d’impôt, le paiement de différents soutiens financiers au moyen d’un chèque unique ainsi qu’une couverture supplémentaire aux personnes faisant face à des « situations de transition ». 

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