Des militants défient Lisée sur la langue au congrès du Parti québécois

Le chef péquiste, Jean-François Lisée, tient un chandail à l’effigie de René Lévesque.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Le chef péquiste, Jean-François Lisée, tient un chandail à l’effigie de René Lévesque.

L’espoir du chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, de « ne pas avoir de confrontation » durant le congrès du PQ s’est évanoui, vendredi soir, lorsque des délégués ont adopté une série de propositions controversées afin de renforcer le statut de la langue française au Québec, à commencer par celle d’imposer l’usage exclusif du français dans l’affichage public.

La proposition de « revenir aux dispositions initiales de la loi 101 en matière d’affichage commercial », quitte à recourir à la clause dérogatoire de la Constitution canadienne, a été retenue par les participants de l’atelier sur la langue, en dépit des appels « à la prudence » de l’élu Maka Kotto.

Le « lieutenant de la langue française » du PQ a dit craindre que l’image du parti en prenne pour son rhume, à un an des prochaines élections générales. « Nous avons ici une série de propositions qui, certainement, contribuent à renforcer, à structurer et à garantir la pérennité de la langue au Québec, mais il y a lieu de considérer l’impact de la perception de qui nous sommes, si nous allons de l’avant », a-t-il déclaré au micro des opposants.

La proposition d’imposer l’unilinguisme français en matière d’affichage, comme le prévoyait la première mouture de la Charte de la langue française il y a 40 ans, a passé un premier test. Elle devra toutefois être entérinée par une majorité des 1400 délégués péquistes pour être inscrite dans le programme politique du PQ. La proposition ne passera pas la rampe du congrès, est persuadée la garde rapprochée de M. Lisée. Or, elle y est parvenue lors du dernier congrès national, en 2011. Les délégués avaient par la suite fait marche arrière.

Les participants de l’atelier sur la langue n’en resteront pas là. Ils proposeront aussi à leurs consoeurs et confrères réunis au Palais des congrès d’assujettir les centres de la petite enfance (CPE) à la loi 101, ainsi que les entreprises de 10 employés et plus.

En soirée, M. Lisée a rappelé, comme si de rien n’était, que le PQ « étend[ra] la loi 101 aux entreprises de 25 à 50 employés » s’il se voit confier le pouvoir en 2018. Pour l’heure, seules les entreprises qui emploient 50 personnes ou plus sont soumises à des exigences de francisation.

Samedi, M. Lisée regardera du coin de l’oeil les participants de l’atelier sur la langue puisqu’ils pourraient décider de soumettre la proposition de verrouiller les portes des cégeps anglophones aux francophones et aux allophones à tous les participants du congrès. Ils comptent sur l’appui de l’ex-premier ministre Bernard Landry et de la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB). « Étendre la loi 101 aux cégeps, je n’étais pas d’accord. Je ne suis toujours pas d’accord », a pour sa part martelé M. Lisée vendredi. Le PQ n’esquivera pas pour autant sa responsabilité d’assurer l’« avenir linguistique et culturel du Québec », a-t-il fait valoir en soirée.

Le chef du PQ a promis de faire adopter « la loi 202 pour arrêter le déclin du français et renverser la vapeur […] dans les 101 premiers jours de notre prise de pouvoir », après avoir regretté que « les propositions de défense du français [soient] considérées comme suspectes » dans le Québec de l’« ère de la doctrine Couillard ». « Il y a, sur fond de trudeauisme, une offensive pour culpabiliser l’élan national québécois, l’affaiblir, le rapetisser », a-t-il déclaré, devant un parterre de 2000 personnes, incluant les ex-premiers ministres Bernard Landry et Pauline Marois. Un gouvernement péquiste multipliera les mesures pour « apprendre l’anglais sans s’angliciser », a-t-il résumé.

Le chef péquiste a par la suite pris soin de s’adresser, dans son discours-fleuve de près de 90 minutes, aux électeurs anglophones, dans leur langue, en leur rappelant qu’il n’a pas l’intention de tenir de référendum sur l’indépendance du Québec avant 2022.

Test pour Lisée

 

Moins d’un an après avoir été porté aux commandes de l’opposition officielle, Jean-François Lisée se soumettra à un vote de confiance samedi soir.

L’ex-première ministre Pauline Marois s’est bien gardée de prodiguer des conseils à son successeur à la tête du PQ. « Je ne joue pas aux beaux-pères », a-t-elle lancé. Le délégué et membre du club politique SPQ Libre Marc Laviolette a dit souhaiter que le chef obtienne un chiffre qui soit « le plus fort possible ». « Les militants du Parti québécois ne sont pas épais à temps complet. À un an de l’élection, on le sait qu’on est troisième, on le sait qu’on a besoin de se définir et moi j’ai bien confiance qu’on va sortir de ce congrès-là unis et forts et qu’il n’y aura pas de sang sur les murs », a-t-il affirmé dans une mêlée de presse. Il a ensuite nuancé ses propos. « Oui [un vote de confiance], c’est important, parce que ça démontre que l’ensemble des membres est derrière le chef. Mais ce qui est arrivé avec la crise de Mme Marois, [en 2011, ça prouve qu’un fort appui] ne veut pas dire que tu peux faire n’importe quoi. »

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