54% des bénéficiaires quittent l’aide sociale après un an

Plus de la moitié des personnes (54 %) qui s’inscrivent à l’aide sociale au Québec quittent le programme d’elles-mêmes après un an, a appris Le Devoir. Une statistique qui n’entame pas la volonté du gouvernement d’aller de l’avant avec Objectif Emploi, un programme de 45 millions qui vise à limiter le recours à l’aide sociale.
Objectif Emploi a été adopté dans la controverse. Le programme prévoit des sanctions — qui peuvent atteindre 224 $ sur un chèque mensuel de 628 $ — pour les personnes qui ne collaborent pas à la démarche de réintégration au marché du travail. Et il mérite d’être maintenu, soutient le cabinet du ministre de la Solidarité sociale, François Blais, qui est présentement en vacances.
« Même si présentement plus de la moitié des primo-demandeurs sortent de l’aide sociale après un an, notre gouvernement entend tout mettre en oeuvre pour accompagner tous les primo-demandeurs », nous a-t-on répondu par courriel.
Et d’ajouter que l’on compte compenser en partie le manque de travailleurs avec Objectif Emploi. « La situation démographique actuelle du Québec fait en sorte que des centaines de milliers d’emplois seront disponibles dans les prochaines années. »
Dans sa réponse écrite à nos questions, le ministère a quant à lui souligné que les personnes qui restent sur l’aide sociale une deuxième année « ont deux fois moins de chances de quitter l’aide financière de dernier recours » que lors de la première année.
De l’impact sur les plus fragiles
Du côté des opposants à la réforme, on reproche au gouvernement de faire de l’acharnement sur les personnes les plus fragiles de la société. « Ça [le taux de 54 %] démontre un peu ce qu’on dit depuis le départ. C’est-à-dire que les gens qui ont une réelle capacité à retourner sur le marché du travail ne restent pas longtemps sur l’aide sociale », explique Serge Petitclerc de la Coalition Objectif Dignité.
« Les gens qui restent “pognés” sur l’aide sociale, ce sont des gens qui ont plus de difficultés », dit-il en ajoutant que les gens sur lesquels Objectif Emploi va avoir un impact sont les personnes les plus fragiles.
La statistique de 54 % a été obtenue par Le Devoir auprès du ministère. Elle ne comptabilise que les prestataires sans contraintes à l’emploi.
Lors de la présentation du projet de règlement sur Objectif Emploi à la mi-juillet, M. Petitclerc avait brandi comme argument que « la majorité » des prestataires quittaient de toute façon le programme d’eux-mêmes en moins d’un an. Il n’était toutefois pas en mesure de fournir de statistiques le prouvant.
Confronté à celles obtenues par Le Devoir, il a d’abord concédé que c’était moins que ce qu’il croyait. « J’avoue que je m’attendais à un chiffre un peu plus élevé », a-t-il déclaré.
17 000 ménages suivis
Le gouvernement estime que 17 000 « ménages » devront participer au programme Objectif Emploi. Près des trois quarts des personnes visées ont moins de 35 ans (73,1 %) et 40,8 % ont moins de 25 ans.
Présenté le 12 juillet dernier, le règlement qui encadre le programme fait l’objet d’une consultation en ligne jusqu’au 10 septembre. Son entrée en vigueur est prévue pour avril 2018.
À partir de ce moment, les nouveaux prestataires devront rencontrer un agent dans leur Centre local d’emploi et convenir avec lui d’un « plan d’intégration en emploi » pour regagner le marché du travail.
Ceux qui collaborent auront droit à une hausse de prestation allant jusqu’à 240 $ par mois, mais ceux qui refusent de s’engager dans la démarche peuvent voir leur chèque amputé de jusqu’à 224 $ par mois.
Ils devront alors choisir entre la recherche active d’emploi, une formation scolaire ou une stratégie pour développer des habiletés professionnelles. Ceux qui « respectent les engagements prévus » pourront recevoir jusqu’à 60 $ par semaine (90 $ pour les familles monoparentales).
Mais s’ils ne respectent pas les conditions, le gouvernement amputerait leur chèque d’un maximum de 224 $ (sur 630 $). Les sanctions seraient « graduelles », selon une analyse du ministère. Ainsi, elles seraient de 56 $ pour un « premier manquement » et applicables au mois subséquent. Pour le deuxième manquement, la sanction double et ainsi de suite. On signale toutefois que l’agent pourra par ailleurs ajuster le plan des personnes qui « éprouvent des difficultés ».
Le nombre de prestataires de l’aide sociale n’a jamais été aussi bas au Québec. En mai dernier, 305 032 ménages en bénéficiaient, soit 11 588 de moins qu’à pareille date l’an dernier (-3,7 %). L’année précédente, leur nombre avait également décru de 2,0 %