Un premier test électoral post-congrès pour QS

Le PQ, qui régnait en maître dans Gouin jusqu’au Printemps érable, a laissé le champ libre cette année à QS afin, soi-disant, de favoriser la convergence entre les forces progressistes et indépendantistes.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Le PQ, qui régnait en maître dans Gouin jusqu’au Printemps érable, a laissé le champ libre cette année à QS afin, soi-disant, de favoriser la convergence entre les forces progressistes et indépendantistes.

Les électeurs de Gouin sont appelés aux urnes lundi après une campagne électorale échevelée : un solidaire qui voit son élan brisé par une crise de confiance au sein de son parti, un libéral qui tait son allégeance politique, une oniste qui courtise les péquistes « fâchés » et un caquiste qui démantèle les préjugés à l’égard de son parti.

Manon Massé n’y est pas allée par quatre chemins lundi dernier lorsqu’elle s’est adressée aux délégués de Québec solidaire : l’élection de Gabriel Nadeau-Dubois, dans Gouin, « ne se fera pas par magie »
 

En somme, l’élection partielle constituera un « premier test » post-congrès pour la formation politique, selon la nouvelle porte-parole de Québec solidaire. Envisageait-elle sérieusement la possibilité que Gabriel Nadeau-Dubois puisse mordre la poussière dans ce fief solidaire de l’île de Montréal ? Françoise David y a tout de même été réélue en 2014 avec une majorité absolue des voix. Elle avait obtenu l’appui de pas moins de 51 % de la population, comparativement à 20 % pour le Parti québécois, 18 % pour le Parti libéral du Québec, 9 % pour la Coalition avenir Québec et 1 % pour Option nationale. Qui plus est, le PQ, qui régnait en maître dans Gouin jusqu’au Printemps érable, lui a laissé le champ libre cette année afin, soi-disant, de favoriser la convergence entre les forces progressistes et indépendantistes.

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Nombre d'électeurs dans la circonscription de Gouin située dans l'arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie sur un total de 59 345 habitants 

Le non catégorique opposé par QS à toute discussion avec le PQ, puis la mise au jour de sa palinodie à la Table de concertation des Organisations unies pour l’indépendance (OUI Québec), qui a fait capoter une « entente historique » des partis indépendantistes sur une feuille de route commune d’accession à l’indépendance, aura-t-elle des répercussions sur le vote ?

Nicolas trouve « assez triste » que les délégués de QS aient refusé net de discuter de pactes électoraux avec le PQ. Il s’explique mal comment le parti politique de quelque 15 000 membres, récoltant à l’heure actuelle moins de 15 % des intentions de vote, compte s’y prendre pour « avoir une influence dans le paysage politique » s’il refuse d’emblée d’« entamer la discussion » avec ses adversaires. « Je vais quand même voter QS », lance-t-il, sourire en coin, à la sortie du métro Beaubien.

À ses côtés, Pénélope, 27 ans, souffle le chaud et le froid sur sa participation à l’élection partielle, avant de lâcher : « Je suis anarchiste. »

Le chef d’Option nationale, Sol Zanetti, est persuadé que sa formation politique profitera du prétendu vent de colère qui souffle sur QS. « Il y a un gros mouvement de colère chez les sympathisants péquistes en ce moment. Je suis certain que ça va avoir un impact sur la campagne… s’ils sortent voter », a-t-il soutenu lors d’une opération porte-à-porte dans la rue d’Iberville. « Où ç’a le plus voté PQ, c’est là qu’on va », fait-il remarquer en compagnie de la candidate Vanessa Dion.

À quelques jours du vote, la comédienne dit « essa[yer] de concentrer [son] discours sur l’indépendance du Québec ». « Les gens sont vraiment désabusés du système politique dans lequel on est. L’indépendance du Québec, c’est l’occasion de faire table rase dans le fond, de s’approprier les institutions qui sont les nôtres », constate-t-elle au milieu de sa tournée.

« Quand même voter QS »

Pour sa part, QS fait le pari que les électeurs de Gouin (70 % de locataires) sont drôlement plus préoccupés par les effets délétères de l’embourgeoisement sur le parc locatif ou encore par la pénurie de ressources dans les écoles de Rosemont–La Petite-Patrie que par la « convergence », les « pactes » ou les « alliances ».
 

 

Dans cet esprit, Gabriel Nadeau-Dubois répète ses promesses, à commencer par celle de protéger le parc locatif, qui s’érode année après année. Pas moins d’un appartement sur cinq a été transformé en condo au cours des 25 dernières années. « Il y a beaucoup de choses à faire. Il faut investir massivement en logement social et encadrer mieux l’utilisation de services comme Airbnb, qui font une pression à la hausse sur les loyers qui est vraiment problématique », soutient-il attablé dans l’un des nombreux cafés branchés de la rue Beaubien. « Il faut mieux protéger les locataires. »

L’ex-porte-parole étudiant s’engage aussi à faciliter les efforts de recrutement de spécialistes — orthophonistes, orthopédagogues, etc. — afin d’épauler les élèves en difficulté d’apprentissage. « Les conditions de travail sont rendues débiles. Le système a tellement été magané par les coupes que, de mettre du nouvel argent, ce n’est pas suffisant. Il faut aussi revoir le système pour que les gens aient envie d’aller travailler en éducation publique », insiste M. Nadeau-Dubois.

Le candidat caquiste Benjamin Bélair occupe aussi ce créneau, martelant la promesse du parti de François Legault d’« offrir la prématernelle 4 ans à tous les enfants du Québec ». La CAQ a créé la surprise en envoyant un professeur de philosophie. Sa principale tâche a consisté à démanteler les « clichés négatifs véhiculés à l’encontre de la CAQ ». Ainsi, M. Bélair s’est « appliqué à faire connaître [les] principales propositions pour venir en aide aux familles québécoises ». « Parmi celles-ci, je vous rappelle que la CAQ réclame une baisse d’impôt de 1000 $ par famille ». Ses affiches rappellent à tous les coins de rue — ou presque — cette promesse phare de la CAQ.

À l’école de Françoise David

« M. Nadeau-Dubois, il ne m’inspire pas confiance », lance tout de go Manon, brigadière scolaire. « Mais je ne dis pas que ce n’est pas un bon gars », ajoute-t-elle avant de déposer son livre Outlander sur la marche sur laquelle elle est assise dans l’attente de la cloche annonçant le lunch. Pourtant, pour elle aussi, « l’éducation des enfants, c’est la priorité ». « Il y a eu trop de coupures dans les écoles. Ils en demandent énormément aux enfants, aux enseignants. Il y a eu de l’abus », fait-elle valoir, tout en redressant son dossard jaune canari et en agrippant son panneau « arrêt ». « Leur manière de dire les choses, c’est du charabia. C’est comme s’ils prenaient des détours pour nous mentir. » Et sa prédecesseure, Françoise David ? « Elle, je l’aimais bien. Je la trouvais claire », répond Manon sans hésitation.

Gabriel Nadeau-Dubois n’est pas le seul à se revendiquer de l’école politique de la fondatrice de QS Françoise David, qui a quitté la vie politique en janvier dernier. Il y a aussi le candidat libéral, Jonathan Marleau. « Je m’identifie beaucoup à Mme David, dans le sens où c’était une politicienne qui était proche des gens. […] Ma vision de la démocratie et ma participation citoyenne ressemblent beaucoup à celles de Mme David », affirme-t-il dans un entretien dans son bureau de campagne sis sur le boulevard Saint-Laurent.

Du coup, il promet de relayer les « idées des gens de La Petite-Patrie à l’Assemblée nationale, et non l’inverse », s’il est élu lundi soir.

Le président de la Commission jeunesse du PLQ dit s’être gardé de faire des « engagements avec des feux d’artifice, des brillants et des“glitters” » durant sa campagne. « Je vais faire des choses qui sont réalistes en 18 mois », comme militer sans relâche au caucus libéral afin de « s’assurer » que les écoles du quartier soient rénovées et de favoriser des projets de cohabitation aînés-étudiants.

Pris à défendre le bilan du gouvernement Couillard dans la circonscription qui a vu naître les chaînes humaines autour des écoles, M. Marleau reconnaît que l’image de marque du PLQ nuit « plus ou moins » à sa candidature. « Est-ce que de prime abord ils allaient voter pour mon parti ? Peut-être pas. Mais ils sont vraiment tentés de voter pour moi », souligne-t-il. M. Marleau n’est pas sans savoir que la dernière fois qu’un candidat libéral a été élu dans Gouin remonte à 1973.

La circonscription de Gouin en chiffres

Langue maternelle

Français : 78,1 % (79,6 %)

Anglais : 4,7 % (7,8 %)

Autres : 17,2 % (12,5 %)

Immigration

Immigrants : 19,2 % (12,6 %)

Minorités visibles : 15,8 % (11 %)

Revenu

Revenu moyen : 33 167 $ (36 352 $)

Moins de 20 000 $: 39,7 % (37,4 %)

Entre 20 000 et 60 000 $: 46,8 % (47,1 %)

Entre 60 000 et 100 000 $: 11,0 % (11,8 %)

Plus de 100 000 $: 2,5 % (3,7 %)

Logement

Valeur moyenne des logements : 366 992 $ (249 427 $)

Toutes les valeurs entre parenthèses représentent la moyenne québécoise.


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