Petite histoire des alliances politiques au Québec

Dans le système parlementaire britannique dont a hérité le Québec, les tentatives de coalitions ont été assez fréquentes et plus ou moins heureuses. Et cela ne date pas d’hier. Après un coup d’État du lieutenant-gouverneur qui porte les libéraux au pouvoir en 1879, les centristes des deux partis qui s’affrontent dans le rituel électoral tentent de s’unir sans succès. Mais Honoré Mercier, qui va devenir un des premiers ministres les plus importants de l’histoire québécoise, va croire en cette stratégie.
L’union politique qu’il met en place prend le nom de Parti national. C’est le fruit d’une coalition d’éléments politiques quelque peu disparates, mais elle va lui permettre de l’emporter en 1887.
Autre cas célèbre, celui de l’Alliance libérale nationale (ALN) en 1935. Née d’une scission avec le Parti libéral, l’ALN s’unit avec les conservateurs dirigés par Maurice Duplessis pour le temps d’une élection. Les libéraux de Taschereau sont alors au pouvoir depuis 1920. Forte de cette union, l’ALN fait élire 25 députés, et les conservateurs 16. Mais l’habile stratège qu’est Duplessis réussit à convaincre une partie des nouveaux députés de l’ALN de se joindre à lui à l’occasion d’une nouvelle élection en 1936. Le nouveau parti qui en résulte, l’Union nationale, digère littéralement le gros de l’ALN de Paul Gouin. L’ALN vivote momentanément après ce coup de Jarnac de son allié et ne recueille plus que 4,5 % des votes lors de l’élection de 1939, alors que Duplessis et les siens sont battus par les libéraux d’Adélard Godbout.
En 1966, Daniel Johnson père, chef de l’Union nationale, sent le vent qui pousse dans son dos en faveur de l’indépendance politique. Beaucoup de jeunes indépendantistes se retrouvent au sein du Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN), un groupe de pression transformé en parti politique en 1964. Johnson courtise cet électorat, notamment avec la parution d’un livre-programme intitulé Égalité ou indépendance.
Johnson ménagera autant que possible le RIN et ira jusqu’à sonder auprès de son président, Pierre Bourgault, les possibilités d’une alliance électorale. « M. Bourgault, ce serait extraordinaire ce que nous pourrions faire ensemble », lui dira-t-il dans un entretien. Et Bourgault de lui répondre : « M. Johnson, tout ce que nous pourrions faire ensemble, nous du RIN, nous pouvons le faire seuls. » L’affaire n’ira pas plus loin, bien qu’une bonne entente tacite, favorisée par ce rapprochement humain, fait en sorte que les attaques des deux formations seront dirigées surtout contre le Parti libéral.
À la naissance du Parti québécois en 1968, René Lévesque refuse pour sa part la volonté de militants d’unir le RIN avec le nouveau parti. L’ancien ministre libéral préfère plutôt intégrer un petit parti indépendantiste de droite, le Ralliement national de Gilles Grégoire, qui est incidemment le fils d’un ancien député de l’Action libérale nationale devenu maire de Québec, Joseph-Ernest Grégoire.
En 1976, dans une nouvelle tentative pour relancer l’Union nationale désormais moribonde, son chef, Rodrigue Biron, annonce que la formation va fusionner avec le Parti national populaire (PNP) dirigé par l’ex-ministre de la Justice Jérôme Choquette. Mais la manoeuvre avorte.
Il y eut aussi bien sûr des unions momentanées pour des enjeux déterminants, par exemple lors de grandes consultations populaires. Ce fut le cas par exemple lors du référendum de Charlottetown en 1992, ou en 1995, lors la tenue d’un référendum sur la souveraineté du Québec.