Les co-porte-parole, un léger avantage pour Québec solidaire

Les prétendants aux titres de co-porte-parole de Québec Solidaire, Manon Massé (à gauche), Gabriel Nadeau-Dubois (à droite) et Sylvain Lafrenière, ne sont pas assujettis à la Loi électorale.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Les prétendants aux titres de co-porte-parole de Québec Solidaire, Manon Massé (à gauche), Gabriel Nadeau-Dubois (à droite) et Sylvain Lafrenière, ne sont pas assujettis à la Loi électorale.

Manon Massé, Gabriel Nadeau-Dubois et Sylvain Lafrenière briguent les deux postes les plus en vue de leur formation politique, soit ceux de co-porte-parole. Pourtant, contrairement aux participants des dernières courses à la direction du Parti libéral du Québec ou du Parti québécois, ils ne sont pas assujettis à la Loi électorale.

Le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en études électorales, André Blais, y voit un « un trou [dans la loi] qu’il faudrait combler ».

Pour l’instant, « un porte-parole, ce n’est pas un chef au niveau de la Loi. La Loi concerne l’élection, la nomination d’un chef de parti et non celle d’un autre dirigeant de parti », résume la porte-parole du Directeur général des élections du Québec (DGEQ), Alexandra Reny.

Manon Massé et Gabriel Nadeau-Dubois ont accepté un montant de plus de 1000 dollars chacun afin de lancer leur campagne, respectivement au poste de porte-parole femme et homme de QS ; Mme Massé à l’Écomusée du fier monde le dimanche 5 mars, M. Nadeau-Dubois au Musée Pointe-à-Callière le jeudi 9 mars. Dans les deux cas, QS avait dépêché une escouade d’attachés politiques, notamment afin de promouvoir leur candidature sur les réseaux sociaux, en plus de diffuser leur conférence de presse sur Internet et d’animer la période des questions avec les journalistes. « On se met à leur service », expliquait la coordonnatrice des communications, Eve-Marie Lacasse.

Un candidat à la direction d’un parti politique peut couvrir une dépense de campagne seulement au moyen des contributions d’électeurs (maximum 500 dollars par personne) et d’emprunts, et ce, depuis l’adoption à l’unanimité par l’Assemblée nationale de la Loi concernant les campagnes à la direction des partis politiques en décembre 2011.

Les législateurs donnaient suite à l’une des recommandations du Groupe de réflexion sur le financement des partis politiques, qui était présidé par l’ex-DGEQ Marcel Blanchet. Celui-ci soutenait dans un rapport déposé en 2007 que « l’introduction de règles en matière de course à la chefferie apporterait une plus grande transparence et donnerait à la population l’assurance qu’une course à la chefferie ne serait pas financée par des intervenants qui peuvent soulever subséquemment des revendications empreintes de corporatisme ».

« Manifestement, la loi électorale n’a pas été conçue pour l’existence de co-porte-parole », affirme le chercheur associé à la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires, Eric Montigny. « Ceci étant dit, les partis sont libres de s’imposer les règles qu’ils veulent. Il y a des précédents », poursuit-il, pointant la campagne à la chefferie du PQ de 2005, qui avait culminé avec l’élection d’André Boisclair. « Le Parti québécois avait choisi d’appliquer dans le fond les principes de la Loi électorale à sa course [interne]. C’est la première fois qu’on faisait ça. »

Québec solidaire « essaiera de se coller » à la Loi électorale lorsqu’il établira les règles de la course, qui doit commencer officiellement le 5 avril prochain. Le parti pourrait octroyer un montant — quelques milliers de dollars — aux candidats au poste de porte-parole afin qu’ils organisent différentes activités d’ici au congrès de mai prochain. De cette façon, le parti s’assure que les candidats ne sont pas des « machines à amasser du cash », soutient Mme Lacasse.

Le chef de QS

 

Québec solidaire a dû désigner des « chefs » afin de se conformer à la législation québécoise. « C’est une bonne question “quiz”, ça : qui est le chef de Québec solidaire ? » lance le professeur Eric Montigny au Devoir. « C’est Gaétan Châteauneuf ! »

D’ailleurs, c’est lui qui consacrera l’ex-figure de proue de la grève étudiante du printemps 2012 Gabriel Nadeau-Dubois candidat solidaire à la prochaine élection partielle dans la circonscription de Gouin. L’homme de 26 ans était le seul candidat en lice pour l’investiture.


Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne L’Assemblée nationale a rendu un vibrant hommage mardi à la cofondatrice de Québec solidaire Françoise David. 

Françoise David salue l’arrivée de « GND »

L’ex-députée Françoise David était ravie mardi de voir ce « jeune intelligent, militant » prendre le relais. Elle était de passage à l’Assemblée nationale pour la première fois depuis son départ de la scène politique québécoise en janvier dernier. Elle a été honorée par plusieurs membres de, selon M. Nadeau-Dubois, la « classe politique [qui] a trahi le Québec » au fil des 30 dernières années. « On a chacun notre vocabulaire. J’ai été souvent sévère vis-à-vis la classe politique. Ce n’est pas pour rien par exemple que je ne suis jamais entrée au Parti québécois. Il doit bien y avoir une raison, et les réponses de M. Lucien Bouchard à la marche mondiale des femmes ont été en fait la raison de mon entrée en politique, et du fait qu’avec plein d’autres gens j’ai voulu fonder un parti, donc moi aussi je suis critique par rapport aux décisions que la classe politique, tous partis confondus, a prises depuis disons 20, 25 ans », a-t-elle fait valoir, sourire en coin.

Grogne au PQ

 

De son côté, le chef péquiste, Jean-François Lisée, a maintenu sa décision de ne pas présenter de candidat dans Gouin, en dépit de la grogne exprimée par plusieurs militants péquistes. « [Il ne faut] pas sombrer parce que quelqu’un a utilisé un terme malhabile ou a été de mauvaise humeur. Puis, il va y en avoir de la mauvaise humeur, c’est sûr. J’en reçois, moi, des courriels de gens du Parti québécois qui sont de très mauvaise humeur. Mais on dit : c’est quoi, l’objectif ? L’objectif : battre les libéraux en 2018 ; en 2022, dans ce mandat-là, réaliser l’indépendance. Alors, il faut être fait fort », a-t-il insisté.

Québec solidaire a connu sept chefs depuis sa fondation

Février 2006 — Danielle Maire

Juin 2006 — Régent Séguin

Juillet 2010 — Bernard Larivière

Février 2011 — Thérèse Hurteau

Mars 2011 — Régent Séguin

Mai 2013 — Pierre-Paul St-Onge

Juin 2016 — Gaétan Châteauneuf

Dans l’ombre, ceux-ci désignent le représentant officiel et l’agent officiel du parti, en plus d’entériner la nomination du vérificateur, du délégué du représentant officiel, de l’adjoint à l’agent officiel, et autorisent les candidats à présenter leur candidature sous la bannière du parti.

Québec solidaire n’est pas le seul parti politique à avoir deux porte-parole plutôt qu’un chef, fait remarquer André Blais. « Des partis verts en Europe ont aussi adopté cette approche », signale le professeur de science politique à l’Université de Montréal, avant d’ajouter : « Je n’ai aucune indication que c’est un stratagème [pour contourner les règles concernant le financement et le contrôle des dépenses de campagne à la direction]. Mais il semble y avoir un trou dans la Loi électorale. Il faudrait qu’elle soit modifiée. »



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