Québec accusé de «mauvaise foi» par les juristes de l’État

Les avocats et notaires de l’État québécois sont en grève depuis le 24 octobre dernier.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Les avocats et notaires de l’État québécois sont en grève depuis le 24 octobre dernier.

Menacés par le spectre d’une loi spéciale qui les forcerait à retourner au travail, Les avocats et notaires de l’État québécois (LANEQ) accusent le gouvernement Couillard de faire preuve de « mauvaise foi » dans les négociations, l'accusant de leur avoir mis «le fusil sur la tempe» en brandissant la menace d'une loi spéciale avant même d'avoir pris connaissance de leur nouvelle contre-proposition.

Le président du Conseil du trésor, Pierre Moreau, a effectivement annoncé samedi en fin de journée avoir convoqué les députés à l’Assemblée nationale pour une séance extraordinaire lundi afin de faire adopter une loi spéciale qui forcerait les juristes de l’État à retourner au travail, mettant ainsi fin à une grève de plus de quatre mois et demi.

Quant à la contre-proposition de LANEQ, qui regroupe plus de 1100 juristes de l’État, elle a été dévoilée dimanche. Celle-ci a été rejetée par le gouvernement, a indiqué le syndicat en fin d’après-midi.

« Le fait d’avoir annoncé la convocation de l’Assemblée nationale pour la présentation d’une loi spéciale, avant même d’avoir reçu notre contreproposition, est une preuve évidente que le gouvernement a déjà pris sa décision et qu’il négocie de mauvaise foi », a déclaré le président de LANEQ, Me Jean Denis, lors d’une conférence de presse à Québec, dimanche.

Cette loi spéciale « brimerait notre droit constitutionnel de faire la grève », a-t-il ajouté.

Me Denis a tenu à préciser que, dans une pareille éventualité, les juristes qu’il représente continueraient à se battre sur un autre front.

« On maintiendra la poursuite en dommages et intérêts pour les négociations de mauvaise foi [...] devant le Tribunal administratif du travail. Ce n’est pas la loi spéciale qui fera en sorte qu’on retire cette procédure, bien au contraire », a-t-il martelé.

Contreproposition

 

Dans sa contreproposition déposée dimanche, LANEQ réclame notamment la parité salariale avec les procureurs aux poursuites criminelles et pénales, et propose que les deux parties réalisent un exercice de rémunération globale dont la question serait tranchée par l’Institut de la statistique du Québec.

Me Jean Denis estime que cette contreproposition est « raisonnable et rend justice au travail indispensable [des membres de LANEQ] pour la bonne marche de l’État ».

À ses yeux, si le gouvernement adopte bel et bien une loi spéciale, ce serait « un aveu d’échec de la part du gouvernement, un échec signé Pierre Moreau ».

Doutes

Par ailleurs, Jean Denis a soutenu que ses membres entretiennent de grands doutes quant à la possibilité qu’une entente puisse être conclue dans un horizon rapproché en misant sur les pourparlers. « Ils sont convaincus que ça ne donnera pas grand-chose », a-t-il déclaré, d’un ton résigné.

Il a reconnu que ses membres n’en menaient vraiment pas large. « En ce moment, les membres sont déçus du gouvernement. Ils trouvent qu’ils ne sont pas bien traités [...]. Ça va être épouvantable quand ils vont retourner au bureau », a-t-il déploré.

Jean Denis a aussi invité Pierre Moreau à faire montre de plus de retenue d’ici la conclusion de l’actuel conflit de travail.

« Le ton a beaucoup monté à cause de M. Moreau. Il devrait être plus digne [...]. Il essaie de tout faire en même temps. Il veut négocier et intimider. Ça, c’est désolant », a-t-il décrié.

Médiation

À l’instar du Barreau du Québec, la veille, la Chambre des notaires du Québec a exhorté, par voie de communiqué, « les deux parties à recourir à un médiateur neutre et indépendant » si un accord n’est pas conclu dimanche.

Elle a écarté l’option de la loi spéciale, car son imposition « envenimera le climat de travail et brisera le lien de confiance entre l’État et ses juristes ».

Pour certains d’entre eux, le mal est déjà fait s’il faut en croire Me Denis.

« Il y en a certains, parmi les jeunes, qui ont décidé d’aller travailler ailleurs pendant la grève [...] en raison de l’irrespect du gouvernement », a-t-il observé.

Il a conclu en indiquant qu’il avait lui-même choisi de devancer sa retraite d’un an pour exprimer bien clairement son ras-le-bol.

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