Enjeux identitaires: Lisée fait un pas de plus

Jean-François Lisée
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Jean-François Lisée

Le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, a annoncé, jeudi, un virage identitaire qui va plus loin que ce qu’il proposait comme candidat à la chefferie en matière d’interdiction des signes religieux.

Au cours d’une conférence de presse, le chef péquiste a présenté le « consensus » auquel est parvenue son aile parlementaire au terme d’un débat de quelques heures mercredi, « une approche résolue, équilibrée et responsable », selon le document qui la décrit. En matière de port de signes religieux, la position reprend la recommandation de la commission Bouchard-Taylor, comme le prônait le candidat Lisée, c’est-à-dire une interdiction faite aux agents de l’État qui ont un pouvoir de contrainte — juges, policiers, gardiens de prison. Mais s’ajoutent à cette liste les enseignants du primaire et du secondaire, ainsi que les éducatrices dans les centres de la petite enfance et les garderies subventionnées. Comme candidat, Jean-François Lisée ne proposait qu’une « discussion » à ce sujet.

Cette interdiction ne concernerait que les nouveaux employés ; Jean-François Lisée défend depuis longtemps leurs droits acquis. En outre, la proposition reprend le minimum du projet de loi 62 du gouvernement Couillard — les services de l’État donnés et reçus à visage découvert — et préconise l’interdiction du port du tchador pour tous les employés de l’État, ce qui fait partie des amendements qu’a réclamés le PQ au projet de loi.

La position consensuelle reprend des propositions qui avaient suscité la réprobation du candidat Alexandre Cloutier et de ses partisans Agnès Maltais et Maka Kotto. Ces derniers étaient au côté du chef, Agnès Maltais à titre de porte-parole en matière de laïcité et Maka Kotto comme président du caucus. La porte-parole pour l’immigration, Carole Poirier, complétait le tableau. « La course, déjà, est loin derrière nous », a dit Maka Kotto, qui avait accusé le candidat Lisée de chatouiller « la part sombre de nos âmes ».

Ainsi, un gouvernement du PQ fera la promotion d’un devoir de réserve pour les employés de l’État, « affirmant sa nette préférence pour la plus grande réserve dans l’affichage des convictions politiques, sociales, religieuses ou autres ». La position recycle aussi l’idée d’examiner l’opportunité d’interdire la burqa et le niqab dans l’espace public. Un comité formé de parlementaires et d’experts se pencherait sur les expériences étrangères à cet égard pour ensuite faire des recommandations au gouvernement. Le chef péquiste ne parle plus des mitraillettes qu’on peut cacher sous une burqa. Ce n’est pas sa meilleure citation, a-t-il reconnu.

À plusieurs reprises, Jean-François Lisée a laissé entendre qu’il se rapprocherait de la position défendue par Alexandre Cloutier, qui croit que la charte des valeurs péquiste a considérablement nui au PQ et qu’il fallait s’en tenir à Bouchard-Taylor. « Il y a une différence entre être candidat et être chef. Il va falloir trouver un point d’équilibre », avait dit le nouveau chef dans un point de presse le soir de sa victoire. « Je n’ai pas la réponse, mais probablement qu’Alexandre et moi, on va la trouver. »

Avant de participer à son premier caucus en tant que chef, le 14 octobre dernier, Jean-François Lisée avait affirmé qu’il fallait trouver une « zone de confort […| en intégrant les sensibilités de mes collègues. » La semaine dernière, tout juste avant le Conseil national de Québec solidaire qui devait décider si des alliances électorales avec le PQ pourraient être possibles, Jean-François Lisée, dans une entrevue accordée à La Presse +, était allé dans le sens du poil des solidaires en reléguant au second plan les enjeux identitaires.

En présentant son consensus identitaire, Jean-François Lisée est revenu sur cette notion de zone de confort. « On l’a trouvée dans un engagement plus ferme sur l’ouverture à l’autre et sur le succès des Québécois d’adoption. Et donc, c’est cet équilibre entre ces deux volontés qui permet de rassembler plus largement. »

Le document fait état du « combat défensif » qu’a mené naguère le PQ, « celui qui visait à “ protéger ” la langue face aux risques d’assimilation ». Or, « il doit s’agir maintenant d’une affirmation positive, sereine, et inclusive ».

Le PQ entend s’occuper concrètement des difficultés des nouveaux arrivants sur le marché du travail, notamment en luttant contre le racisme et la discrimination à l’embauche, en leur délivrant rapidement des reconnaissances de diplômes et en leur offrant des stages.

Le PQ est appelé à mieux représenter la diversité. Carole Poirier est chargée de recenser les membres et les sympathisants du PQ issus des communautés culturelles et de les regrouper. Paul St-Pierre Plamondon engagera un « dialogue » avec les Québécois de toutes origines.

Enfin, quitte à utiliser les dispositions dérogatoires des chartes, le PQ souhaite hiérarchiser les droits en rejetant tout accommodement religieux incompatible avec l’égalité entre les hommes et les femmes.


Un gazouillis provocateur

La Coalition avenir Québec s’est attiré les foudres tant des libéraux que des péquistes en diffusant sur Twitter une publicité négative utilisant une photo d’une femme qui porte le tchador pour l’accoler à des photos de Philippe Couillard et de Jean-François Lisée. « Couillard et Lisée en faveur du tchador pour les enseignantes dans nos écoles », clame la vignette. Le leader parlementaire des libéraux, Jean-Marc Fournier, a accusé les caquistes de mentir et de promouvoir la division et l’exclusion. Le chef péquiste a comparé ce message aux publicités mensongères des campagnes électorales américaines. « Il y a peut-être des gens qui vont croire le mensonge de François Legault, mais moi, je parie qu’il y a beaucoup plus de gens qui vont dire : “ Ouache ! Ce n’est pas ça qu’on veut en politique québécoise.  » La députée caquiste Nathalie Roy a répliqué en soutenant que les deux partis sont d’accord avec le port du tchador par des enseignantes puisqu’ils ont voté pour le principe du projet de loi 62, qui ne l’interdit pas.


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