Québec fait un pas contre la maltraitance des aînés

L’ex-ministre Marguerite Blais accueille plutôt tièdement le projet de loi visant à lutter contre la maltraitance envers les personnes vulnérables, y compris les aînés.
La ministre responsable des Aînés, Francine Charbonneau, a déposé mercredi à l’Assemblée nationale le projet de loi 115, qui vise notamment à contraindre les centres d’hébergement et de soins de longue durée publics et privés de se doter d’une « Politique de lutte contre la maltraitance envers les personnes en situation de vulnérabilité ». Celle-ci renfermerait, entre autres choses, les modalités à suivre par les usagers pour formuler une plainte ou par toute autre personne pour effectuer un signalement d’une situation de maltraitance.
Le commissaire aux plaintes et à la qualité des services de la ressource ou de l’établissement visé devra « obligatoirement traiter tous les signalements concernant une situation potentielle de maltraitance », a expliqué Mme Charbonneau à l’occasion d’une conférence de presse mercredi.
Le projet de loi 115 stipule que les intervenants et les professionnels témoins d’actes posés à l’encontre d’une personne en situation de vulnérabilité qui feraient un signalement de bonne foi ou collaboreront à l’examen d’un signalement ou d’une plainte seraient à l’abri de « mesures de représailles » — suspension ou congédiement par exemple — ainsi que de poursuites judiciaires, a-t-elle poursuivi.
Pas d’obligation de dénoncer
Le document de 14 pages ne prévoit toutefois pas de disposition forçant « tout professionnel ou membre du personnel d’un établissement [ayant] un motif raisonnable de croire qu’il y a maltraitance envers une personne vulnérable […] de signaler sans délai la situation », et ce, contrairement au projet de loi 399 déposé par l’ex-élue libérale Marguerite Blais en octobre 2013.
« Je ne veux pas faire ma “ belle-mère ”, mais, pour moi, un projet qui a des dents, c’est un projet de loi d’une part qui a des sanctions et qui a aussi une obligation de dénonciation », a déclaré l’ex-ministre responsable des Aînés Marguerite Blais dans un entretien téléphonique avec Le Devoir. « Probablement qu’en commission parlementaire, les groupes auront le loisir de se prononcer et de faire avancer le projet de loi et de faire en sorte qu’il soit amélioré. Un projet de loi, c’est toujours perfectible », a ajouté l’auteure et conférencière, qui est ravie d’avoir retrouvé son « droit de parole ».
Mme Charbonneau a précisé mercredi avoir abandonné l’idée de prévoir une « obligation de dénoncer » après avoir « regardé avec beaucoup d’attention » le projet de loi 399. « [Un individu témoin d’un possible cas de maltraitance] se sent obligé [de le signaler] parce qu’il y a une obligation, et là on lance une enquête pour un événement qui pouvait être anodin. Avoir l’obligation occasionne peut-être des choses un peu malencontrantes [sic], tandis qu’avoir la possibilité de le faire peut faire en sorte que les discussions se font dans le calme, et que les histoires se finissent beaucoup mieux », a-t-elle expliqué.
« Balises » à l’utilisation de caméras de surveillance
Mme Charbonneau a également annoncé son intention de proposer un projet de règlement dans lequel les modalités d’utilisation des mécanismes de surveillance seraient énumérées. « [Celui-ci] prendrait en considération les besoins des familles de veiller à la sécurité de leurs proches, le droit des aînés à la vie privée et à leur intégrité ainsi que la préservation de la réputation et de la relation professionnelle avec le personnel de l’établissement ». « On pense avant tout [ici] aux droits des résidents. Il va falloir travailler de pair avec les syndicats, les représentants des associations des employés, avec les directions d’établissements, pour que tout le monde se sente à l’aise avec les dispositions », a souligné la titulaire de la Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées, Marie Beaulieu.
Enfin, le projet de loi 115 prévoit la conclusion, aux quatre coins du Québec, d’« ententes socio-judiciaires » permettant, selon le gouvernement libéral, de mettre fin rapidement aux situations de maltraitance dépistées, grâce à l’intervention concertée d’intervenants des réseaux de la santé, de corps de police et du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP). « [Auparavant], les intervenants autant sociaux que policiers se sentaient impuissants. Là, on voit qui est le mieux placé pour intervenir pour mettre fin à la maltraitance et offrir un soutien à la personne aînée », a fait valoir l’inspecteur du Service de police de la Ville de Trois-Rivières Richard Lévesque, au terme d’un projet-pilote de deux ans en Mauricie-Centre-du-Québec. « On a brisé l’isolement de chacun des organismes. On travaille mieux. »