Le projet de loi sur les mères porteuses est loin d’être à terme

Stéphanie Vallée s’est dite préoccupée par le sort des mères porteuses à l’étranger, notamment en Asie.
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne Stéphanie Vallée s’est dite préoccupée par le sort des mères porteuses à l’étranger, notamment en Asie.

Même si la réflexion est amorcée, le gouvernement Couillard ne modifiera pas de sitôt le Code civil pour permettre le recours à des mères porteuses et la reconnaissance de la filiation de l’enfant avec les parents d’adoption.

La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, se refuse à établir tout échéancier pour le dépôt d’un projet de loi modifiant les dispositions du Code civil sur les mères porteuses ; elle ne peut même pas s’engager à présenter un tel projet de loi avant les prochaines élections à l’automne 2018. « Je n’ai pas d’échéancier. On est dans une réflexion », s’est contentée d’affirmer la ministre, mardi, dans un point de presse.

Au Québec, tout contrat par lequel une femme s’engage à porter un enfant pour le compte d’autrui est « nul de nullité absolue » en vertu de l’article 541 du Code civil, article qui remonte à 1994. « La famille a évolué », juge aujourd’hui Stéphanie Vallée.

Au Canada, la Loi fédérale n’interdit pas le recours à une mère porteuse dans la mesure où elle est âgée d’au moins 21 ans et ne reçoit aucune rémunération. Dans les autres provinces, il est possible pour les parents qui ont recours à une mère porteuse de faire reconnaître l’enfant comme le leur. Au Québec, même si les conventions de mères porteuses sont nulles, les tribunaux ont autorisé l’adoption d’enfants de mères porteuses. En 2014, la Cour d’appel a permis l’adoption d’un enfant par la mère dite « d’intention » et rompu la filiation avec la mère porteuse. « Les décisions récentes des tribunaux nous amènent à aborder cette question et à y réfléchir de façon sérieuse », a dit la ministre. Elle a rappelé que le Comité consultatif sur le droit de la famille, qui était présidé par Me Alain Roy et dont le rapport a été publié en 2015, recommandait la légalisation du recours aux mères porteuses et l’application d’un cadre juridique spécifique. En février dernier, le Conseil du statut de la femme (CSF) changeait de position à ce sujet, plaidant que Québec devait permettre le recours aux mères porteuses dans la mesure où il n’y a pas de rémunération à la clé.

Certes, Stéphanie Vallée s’est dite préoccupée par le sort des mères porteuses à l’étranger, notamment en Asie. Les décisions des tribunaux ont notamment porté sur ces bébés nés à l’étranger dans des conditions douteuses. Mais la Cour a permis que des parents d’intention, même s’ils avaient payé un intermédiaire des dizaines de milliers de dollars, adoptent l’enfant d’une mère porteuse au nom de l’intérêt de l’enfant, principe foncier du droit québécois de la famille.

« Lorsqu’on […] se fait présenter des enjeux comme celui des mères porteuses à l’étranger qui sont utilisées ni plus ni moins pour procréer, ça ne peut pas faire autrement que nous glacer le sang », a dit Stéphanie Vallée.

Est-ce qu’encadrer et baliser le recours aux mères porteuses au Québec, sans permettre une rémunération en dehors, peut-être, d’une forme d’allocation de dépenses, pourraient permettre de réduire ce qu’on appelle le « tourisme procréatif » et le recours à des mères porteuses à l’étranger « dont les droits sont souvent bafoués ? » pose comme question la ministre qui, pour l’instant, dit ne pas avoir la réponse.

Mardi, tant la porte-parole du Parti québécois en matière de santé, Diane Lamarre, que le critique de la Coalition avenir Québec en matière de justice, Simon Jolin-Barrette, se sont dits d’accord avec l’application des recommandations du rapport Roy. « On ne peut pas laisser des enfants sans parents. La filiation, c’est extrêmement important. Mais on ne doit pas utiliser le corps de la femme comme un outil commercial », a fait valoir le député caquiste.

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