La réforme bloquée par un seul article

L’opposition à la réforme de l’aide sociale du gouvernement Couillard se concentre sur un seul article de loi : celui sur les sanctions qu’on menace d’imposer aux nouveaux prestataires. Déjà 40 heures y ont été consacrées lors de la commission parlementaire qui doit reprendre ce mardi.
« Dans ce projet de loi là, il y a de bonnes idées. Le programme Objectif Emploi est une bonne idée, a fait valoir lundi après-midi la députée solidaire Françoise David. Le début de l’article 28 du projet de loi est celui qui pose problème. »
Cet article stipule au point 10 que le ministre peut « réduire » le « montant du ou de la prestataire » si cette personne ne respecte pas les conditions du programme Objectif Emploi. Ce programme vise à convaincre les nouveaux prestataires de l’aide sociale de réintégrer le marché du travail ou de reprendre leurs études.
Avant la fin de la session en juin, Québec solidaire et le Parti québécois ont proposé une série d’amendements pour modifier le projet de loi 70, et les travaux se sont étendus sur des dizaines d’heures. Alors que tout le monde s’attendait à ce qu’il recoure au bâillon, le ministre a annoncé en juin que les travaux reprendraient à l’automne. L’étude article par article du projet de loi reprendra donc ce mardi.
Or tout laisse croire que les partis sont campés sur les mêmes positions. QS et le PQ ont déjà convoqué les médias en matinée pour réclamer à nouveau le retrait du projet de loi.
« Tant et aussi longtemps qu’on a des choses à dire, on peut le faire et proposer des amendements, a fait valoir le député du PQ Dave Turcotte lundi. Si le ministre tient à son projet de loi, il faut qu’il fasse des concessions. […] On souhaite que durant l’été il ait réfléchi. »
À la Coalition avenir Québec (CAQ), le parti n’a pas voulu préciser ses intentions lundi. « La CAQ est en faveur de prendre des mesures pour favoriser le retour sur le marché du travail pour tous les Québécois », a déclaré la porte-parole Émilie Toussaint.
Du côté du gouvernement, on dit tenir au principe des pénalités. Le ministre tient tout particulièrement à deux choses, a expliqué lundi son attaché de presse Simon de la Sablonnière. « Que les premiers demandeurs soient pris en charge de façon plus rapide et soutenue et qu’ils soient soumis à des obligations, comme c’est le cas ailleurs dans l’OCDE [l’Organisation de coopération et de développement économiques]. »
Par « obligations », le ministre entend des « sanctions », a-t-il poursuivi en soulignant que le ministre y tenait « vraiment ». Pour M. Blais, ces pénalités sont nécessaires pour que le programme ait un impact. « Le volontariat […] a démontré ses limites : à peine 15 % des jeunes à l’aide sociale au Québec ont participé à une mesure de réinsertion, et une partie d’entre eux seulement l’ont terminée. […] On se vante de respecter leur choix alors que plusieurs d’entre eux n’ont jamais eu la chance de grandir dans un milieu leur fournissant un encadrement suffisant pour réussir leur vie », écrivait-il dans une lettre ouverte aux médias cet été.
Les nouveaux demandeurs de l’aide sociale qui ne respecteraient pas la démarche d’Objectif Emploi pourraient voir leur chèque d’aide sociale de base (623 $) amputé d’un montant pouvant atteindre jusqu’à 224 $, selon ce qui a été présenté.
Les montants des sanctions ne sont pas inscrits dans le projet de loi qui est à l’étude, mais seraient précisés dans un règlement suivant son adoption. Pour le regroupement d’organismes communautaires qui s’opposent au projet, c’est d’ailleurs une source d’inquiétude.
« On demande aux députés de se prononcer sur un projet de loi qui a des intentions théoriques, mais, au final, c’est le règlement qui va déterminer ce qu’est un manquement, quelles sont les pénalités, etc., a fait valoir Nathalie Rech de la Coalition Objectif Dignité. Le chèque d’aide sociale est déjà si bas ! Les gens ont de la misère à survivre avec ça. Je ne vois pas en quoi les pénaliser davantage, ça pourrait les encourager à sortir de l’aide sociale. Ça risque plutôt de les embourber dans la pauvreté. »
Au cabinet du ministre, on dit en outre avoir déjà fait des concessions. « On a amendé et assoupli l’obligation de prendre un emploi tout de suite après », a signalé M. de la Sablonnière.