L’absence de commission québécoise est un choix «impensable», dénoncent les organisations autochtones

Bien qu’il accepte de collaborer à l’enquête d’Ottawa sur les femmes autochtones disparues ou assassinées, le gouvernement du Québec se désengage de ses responsabilités dans la province en refusant de mener sa propre commission, ont dénoncé jeudi des organisations autochtones québécoises.
La veille, les ministres Geoffrey Kelley et Stéphanie Vallée annonçaient qu’ils allaient offrir une pleine collaboration à Ottawa, mais révélaient du même coup qu’ils ne lanceraient pas d’enquête provinciale sur les relations entre les autochtones et les corps policiers.
« On ne veut pas d’un processus politique et on ne peut pas se limiter à l’enquête nationale que le gouvernement fédéral doit mettre sur pied, qui, elle, porte sur le sort des femmes assassinées ou disparues », a réagi l’organisation Femmes autochtones du Québec (FAQ).
Depuis la diffusion d’un reportage de Radio-Canada qui révélait en octobre de présumées agressions physiques et sexuelles subies par des femmes autochtones de Val-d’Or aux mains de policiers de la Sûreté du Québec, les dénonciations d’abus policiers envers les Premières Nations se multiplient dans les médias et sur le terrain.
« À la suite des dénonciations de Val-d’Or et d’ailleurs au Québec, il semble impensable que le gouvernement du Québec n’enquête pas sur une problématique qui est déjà connue et dont les parties relèvent directement du gouvernement provincial », a réagi FAQ.
Manque de transparence
Après les révélations-chocs émanant de la ville abitibienne, une enquête a été confiée au Service de police de la Ville de Montréal.
« Ça fait presque un an : il est où, le rapport ? Est-ce qu’il y a eu des rapports qui ont été remis au procureur ? Quelles sont les suites ? » a demandé le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), Ghislain Picard.
Selon lui, le dossier manque cruellement de transparence et devrait influencer la position du gouvernement afin de le convaincre de la nécessité de mener une enquête québécoise. FAQ est du même avis. « Même si la commission [nationale] a le mandat d’examiner les répercussions des politiques et des pratiques des institutions gouvernementales, il est de la responsabilité de la province de tenir une enquête provinciale indépendante sur les relations entre les femmes autochtones et les institutions policières, qui relèvent de ce même gouvernement, et de réviser les pratiques et les politiques de ses institutions policières », a plaidé l’organisation.
Pour défendre leur décision, les ministres Vallée et Kelley ont évoqué le traumatisme que pourrait représenter, pour les femmes autochtones, le fait de témoigner dans le cadre d’une enquête nationale et d’une commission québécoise.
« Ce n’est pas à eux autres de décider ça, c’est aux victimes, a réagi Ghislain Picard. Laissons-les déterminer ce qui va leur redonner l’assurance et le confort nécessaires. » Et puis, a-t-il ajouté, que dire aux femmes qui comptaient sur une commission pour faire la lumière sur de présumés abus alors qu’elles ont enfin osé briser le silence, des années après les faits ? « Quelqu’un, quelque part doit porter l’odieux de ce qui s’est passé dans ces années-là », a insisté le chef de l’APNQL.