Allégations d'irrégularités au MTQ: Couillard commande un changement de garde

Le premier ministre Philippe Couillard opère un changement de garde au ministère des Transports (MTQ). À la trappe, la sous-ministre Dominique Savoie. À la trappe, le directeur de cabinet Pierre Ouellet.
« Il est essentiel de conserver la confiance des citoyens envers les institutions. Ça m’apparaît absolument critique. On ne peut pas se permettre une situation moi qui me trouble, qui m’inquiète beaucoup », a-t-il déclaré à l’entrée du caucus des élus libéraux jeudi avant-midi.
Il n’est « pas sain pour le Québec » de voir l’un des plus importants ministères faire l’objet d’enquêtes policières et de « vérifications presque constantes ». « Il faut donc agir vigoureusement, ce qui est le cas », a-t-il dit, trois semaines après un tête-à-tête de son directeur de cabinet Jean-Louis Dufresne et du député de Marguerite-Bourgeoys Robert Poëti durant laquelle l’ex-ministre a dit avoir observé des « irrégularités » dans le processus d’octroi de contrats au MTQ.
Le Conseil des ministres a désigné Denis Marsolais comme sous-ministre en titre au MTQ. M. Marsolais, notaire, a auparavant tenu les rênes de deux autres ministères : Justice (2011-2012) et la Sécurité publique (2014-2016).
« Madame Savoie, la sous-ministre aux Transports, a demandé à être démise de ses fonctions. C’est effectif aujourd’hui », a indiqué M. Couillard, s’abstenant de préciser si la haute fonctionnaire a démissionné à sa demande.
Mme Savoie disait mercredi n’avoir « rien à se reprocher » depuis son arrivée au MTQ à l’été 2011. « Je suis dans la fonction publique depuis près de trente ans. J’ai une belle carrière intègre et je suis très à l’aise et très fière de travailler au ministère des Transports », a-t-elle déclaré après son passage à la commission de l’administration publique.
Le chef caquiste, François Legault, craint de voir Mme Savoie être mutée ailleurs dans l’appareil étatique. « Est-ce qu’on va déplacer le problème ? » demandait-il lors d’un point de presse jeudi.
Un « BIG » au MTQ
M. Couillard a aussi annoncé la mise sur pied d’un Bureau d’inspecteur général au sein du MTQ. Celui-ci sera calqué sur le BIG créé à la Ville de Montréal. Il fera preuve d’« efficacité » et d’« autorité », a souligné le chef du gouvernement, tout en spécifiant qu’un projet de loi sera déposé en ce sens prochainement.
Le ministre des Transports Jacques Daoust a quant à lui annoncé le départ de son directeur de cabinet, Pierre Ouellet. « Je ne le fais pas par manque de confiance envers la personne, mais par souci de maintenir la confiance de la population dans les institutions politiques », a-t-il soutenu devant la presse.
Pourquoi Couillard a-t-il été tenu dans l’ignorance ?
Le chef de l’opposition officielle, Sylvain Gaudreault, s’indignait de voir M. Couillard passer à l’action seulement après l’éclatement d’un « scandale médiatique ». « Comment se fait-il que le premier ministre ait attendu trois semaines après la lettre du député de Marguerite-Bourgeoys avant de poser des gestes ? » a-t-il demandé en chambre. « C’est hier matin que j’ai pris connaissance de ces éléments-là, parce qu’ils ont été rendus publics », a répondu le premier ministre. Pour M. Gaudreault, cette situation « n’a aucun sens ».
Du coup, le chef de la CAQ, François Legault, a pressé M. Couillard de faire table rase de sa garde rapprochée, en remerciant à la fois son directeur de cabinet, Jean-Louis Dufresne, ainsi que le secrétaire général du gouvernement, Roberto Iglesias. Ceux-ci l’ont apparemment tenu dans l’ignorance au sujet des « irrégularités » observées par M. Poëti et la consultante Annie Trudel au MTQ. « Ce n’est pas normal, ce n’est pas acceptable que M. Couillard n’ait pas été au courant des informations graves écrites dans la lettre de Robert Poëti. […] M. Iglesias et puis M. Dufresne se disent : « Ça n’intéresse pas le premier ministre, ça fait qu’on ne le dira pas » ou bien ils ont manqué de loyauté. Moi, je pense qu’un premier ministre devrait s’intéresser à ce genre de dossier », a affirmé M. Legault.
M. Couillard se comporte en « touriste » et en « spectateur », a dénoncé M. Legault. « On a besoin, au Québec, d’avoir un premier ministre qui a du leadership. C’est vrai en éducation, c’est vrai en transport », a-t-il tonné. Selon lui, la crise ébranlant le MTQ depuis près de 48 heures illustre un « sérieux problème de gestion » au sommet de l’État québécois.
Philippe Couillard a réitéré sa confiance à l’endroit de M. Dufresne. « Mon chef de cabinet fait un excellent travail dans un grand nombre de dossiers excessivement critiques pour le gouvernement du Québec, pour la société du Québec », a-t-il souligné à l’Assemblée nationale.
L’élue solidaire Françoise David a pressé le premier ministre d’« exiger que toute irrégularité portée à la connaissance de son personnel le plus proche » — au premier chef au ministère des Transports et au ministère des Affaires municipales — lui soit communiquée. Québec solidaire demande aussi la comparution en commission parlementaire de M. Poëti. « Nous avons lu très attentivement sa lettre. Nous aimerions avoir plus de détails », a dit Mme David.