Le dilemme référendaire du PQ

Alexandre Cloutier peut compter sur le doyen des députés à l’Assemblée nationale, François Gendron.
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne Alexandre Cloutier peut compter sur le doyen des députés à l’Assemblée nationale, François Gendron.

La mise en scène était soignée. Et la démonstration de force a produit son effet : entouré de sa femme, de huit députés péquistes (dont le doyen de l’Assemblée nationale, François Gendron) et de personnalités fortes comme Stéphane Bédard, Alexandre Cloutier a lancé en grande pompe sa candidature à la chefferie du Parti québécois (PQ).

Le député de Lac-Saint-Jean voulait créer la perception qu’il part favori dans la course, quatre jours après l’annonce de la candidature de son amie Véronique Hivon. Déjà, deux camps semblent prendre forme au sein du parti : « Ce sera un affrontement entre la vieille garde et le renouveau », dit un membre influent du PQ.

La « vieille garde », l’establishment du parti, se range derrière Alexandre Cloutier. Changement de thème pour le député et avocat : il a fait campagne sur le changement durant la course de l’an dernier, qui a couronné Pierre Karl Péladeau. Cette fois, des députés et apparatchiks importants, la famille Bédard et la présidente de l’aile jeunesse du parti, Ariane Cayer, sont venus applaudir Cloutier au lancement de sa campagne, vendredi à Alma.

Le renouveau

 

Face à la machine Cloutier, Véronique Hivon tente d’incarner le « renouveau », une nouvelle façon de faire de la politique, plus humaine, moins partisane. Un peu à l’image de son travail en faveur de l’aide à mourir durant les trois dernières années.

Alexandre Cloutier, 38 ans, et Véronique Hivon, 46 ans, ont des profils comparables : deux avocats, deux membres de la même génération, deux pragmatiques de centre gauche, mais aussi deux élus perçus comme des « pas pressés » de faire un référendum — à moins que le contexte ne s’y prête, bien sûr.

Leur collègue Martine Ouellet, qui s’apprête à lancer sa propre campagne, semble faire le plein des militants « pressés » : le jeune député bloquiste Xavier Barsalou-Duval, ancien président du Forum jeunesse du Bloc québécois, appuie Martine Ouellet. Elle avait mené une campagne résolument indépendantiste et prôné la tenue d’un référendum durant un premier mandat péquiste lors de la course à la chefferie de 2015.

La vision claire et nette de Martine Ouellet reste sans doute minoritaire au sein du PQ (elle a terminé troisième avec 13 % des voix l’an dernier), mais elle a l’avantage de dissiper le flou qui a miné le parti lors de chaque élection depuis deux décennies. On connaît la chanson : le Parti québécois refuse de dire s’il tiendra ou non un référendum durant son mandat, et ça devient l’enjeu principal du scrutin. Le PQ en souffre.

De la clarté, S.V.P.

 

« On ne peut plus être dans le flou au sujet du référendum. Le parti devra s’engager clairement avant l’élection de 2018 à tenir ou à ne pas tenir un référendum », dit Claude Villeneuve, ancien rédacteur de discours de Pauline Marois devenu blogueur au Journal de Montréal.

On a tendance à l’oublier, mais le Parti québécois de Pauline Marois croyait avoir trouvé la formule magique avant de se lancer en campagne électorale, en 2014 : le PQ s’engageait à proposer un livre blanc sur l’indépendance durant un premier mandat, dans l’espoir de mettre la table pour un référendum dans un deuxième mandat.

Le compromis semblait idéal : le PQ évitait de promettre un référendum dont la majorité des électeurs ne veulent manifestement pas, mais lançait la machine vers l’indépendance comme le réclament les militants du parti.

L’irruption de Pierre Karl Péladeau dans la campagne, le poing levé pour le « pays », avait bousillé le plan de match péquiste. Le reste de la campagne avait porté sur l’indépendance, mais Mme Marois avait maintenu le flou habituel sur la tenue ou non d’un référendum. Et les libéraux sont revenus au pouvoir malgré l’usure des 11 dernières années.

Dans les camps Cloutier et Hivon, on indique que le flou référendaire sera dissipé avant le scrutin prévu en 2018. Les deux aspirants-chefs sont restés vagues sur cette question cette semaine, mais la course est encore jeune.

 

Une sortie de secours ?

Jean-François Lisée, l’intellectuel aux mille idées du PQ, viendra-t-il brasser la cage en plongeant dans la course ? Des membres influents du parti s’attendent à ce que le député de Rosemont — qui avait abandonné durant la course de 2015 — soit de la partie.

Ses réflexions pourraient aider le PQ à éviter le piège référendaire. Déjà en 2000, dans son essai Sortie de secours, il proposait un référendum sur le rapatriement de pouvoirs au Québec, par exemple en culture. Après l’élection fédérale de novembre 2000, Jean-François Lisée avait aussi dressé un portrait du Québec qui semble réaliste encore aujourd’hui : les libéraux de Jean Chrétien avaient formé un gouvernement majoritaire notamment grâce au Québec, où ils avaient remporté 44 % des voix, plus que les 40 % du Bloc québécois.

Bref, le Québec de l’année 2000 n’avait pas davantage soif de référendum sur la souveraineté que le Québec d’aujourd’hui, qui vient de donner une majorité à Justin Trudeau.

L’observateur attentif

Pendant que la question référendaire alimente les discussions au Parti québécois, la Coalition avenir Québec (CAQ) de François Legault vit de l’espoir que le PQ trébuche une fois de plus au scrutin de 2018. La CAQ fait le pari que les électeurs nationalistes finiront par accepter de former une vaste coalition capable de vaincre les libéraux.

Le mouvement des orphelins politiques, mis sur pied par l’avocat et auteur Paul St-Pierre Plamondon, cherche aussi à rassembler les électeurs qui ne se reconnaissent pas dans l’offre politique actuelle. Un beau défi pour les candidats à la direction du Parti québécois, qui cherchent à ramener à la maison les brebis égarées des beaux jours du parti.



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