Des avantages financiers à se séparer du Canada?

Des partisans du Oui lors du référendum en 1995. Une étude commandée par la Société Saint-Jean-Baptiste soutient que le Québec se trouve actuellement en meilleure position financière qu’en 1995 pour devenir indépendant.
Photo: Ryan Remiorz La Presse canadienne Des partisans du Oui lors du référendum en 1995. Une étude commandée par la Société Saint-Jean-Baptiste soutient que le Québec se trouve actuellement en meilleure position financière qu’en 1995 pour devenir indépendant.

Le Québec se trouve-t-il en meilleure position financière qu’en 1980 et en 1995 pour devenir indépendant ? Une étude commandée par la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) de Montréal affirme que oui, mais des économistes mettent en garde contre les conclusions hâtives.

Le chercheur Maxime Duchesne a calculé qu’un Québec indépendant enregistrerait un déficit annuel estimé entre 1 % et 2 % de son produit intérieur brut (PIB) d’ici 2019-2020. Il s’agit de résultats enviables, selon lui : parmi les pays du G8, seuls l’Allemagne et le Canada auraient un bilan financier plus reluisant qu’un Québec indépendant, conclut le chercheur, d’après les données du Fonds monétaire international (FMI).

« Le Québec serait un des États ayant le plus faible déficit budgétaire parmi un échantillon d’économies avancées présenté par le FMI », a indiqué le chercheur en présentant son étude, jeudi.

Le document étoffé de 101 pages est publié par L’Action nationale. Maxime Duchesne établit son analyse sur une étude en profondeur des comptes publics, des documents budgétaires et de chiffres tirés de Statistique Canada et de l’Institut de la statistique du Québec depuis 2013.

La richesse est redistribuée du Canada vers le Québec, et non du Québec vers le Canada
 

L’ancien premier ministre Bernard Landry, invité au lancement, estime que cette étude confirme plus que jamais la solidité financière d’un Québec indépendant. « Les adversaires de l’indépendance se servent de la peur économique. Le premier ministre Philippe Couillard a même déjà dit que l’indépendance serait la pire catastrophe pour le Québec. Mais c’est de ne pas être indépendant qui est une catastrophe ! »

Question lancinante

 

Cette question lancinante (le Québec a-t-il les moyens d’être indépendant ?) alimente les discussions depuis le fameux « budget de l’an 1 » annoncé par René Lévesque durant la campagne électorale de 1973. Plus de quatre décennies plus tard, toute la classe politique, fédéraliste comme souverainiste, reconnaît que le Québec a les reins assez solides pour devenir un pays. D’un strict point de vue financier, est-ce pour autant une meilleure idée que de rester dans le Canada ?

Philippe Couillard a déjà estimé à 16 milliards de dollars le manque à gagner d’un Québec qui sortirait du Canada. Maxime Duchesne estime, d’après des calculs de l’Institut de la statistique du Québec, que ce soi-disant manque à gagner s’élève en fait à 14,4 milliards. Mais le Québec pourrait tout de même gagner au change, fait valoir l’auteur, en mettant de l’avant une série de calculs comptables complexes.

Poids économique

 

Des économistes se montrent sceptiques. Le Québec forme 23,1 % de la population canadienne, mais son produit intérieur brut (PIB) ne représente que 19,2 % du PIB canadien, en date de 2014. Cette simple réalité mathématique désavantage un éventuel Québec indépendant, note Robert Gagné, professeur d’économie appliquée à HEC Montréal.

« On paie grosso modo 20 % des programmes et on reçoit 23 % des bénéfices. La richesse est redistribuée du Canada vers le Québec, et non du Québec vers le Canada. C’est comme le fleuve Saint-Laurent qui va vers la mer », illustre-t-il.

Lui et d’autres économistes ne doutent pas de la viabilité économique d’un Québec indépendant. Ils s’interrogent cependant sur les bénéfices financiers de la souveraineté.

« Le Québec est une des provinces les plus pauvres. Et les programmes comme l’assurance-emploi et la péréquation transfèrent des fonds vers les provinces les plus pauvres », dit-il.

Population vieillissante

 

Jean-Pierre Aubry, économiste au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), souligne de son côté que la démographie joue contre le Québec — qui est une des sociétés les plus vieillissantes du monde.

Des vieux, ça consomme moins que des jeunes. L’économie québécoise devrait croître d’un maigre taux de 1,3 % par année d’ici 2020, selon Desjardins.

Jean-Pierre Aubry souligne que ce choc démographique, accompagné d’une faible croissance économique, viendrait s’ajouter au choc prévisible de la séparation du Québec. « Sur le long terme, je ne vois pas de problèmes pour un Québec indépendant si c’est bien géré. Le problème, c’est de se rendre vers le long terme. Qu’on le veuille ou non, il y a une incertitude. Mme Marois parlait de turbulences après l’indépendance. »

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