Jean-Marc Fournier se fait dire non par Ottawa
Le ministre responsable des Relations canadiennes, Jean-Marc Fournier, essuie un revers. Le gouvernement fédéral rejette sa proposition de confier à un comité consultatif paritaire Ottawa-Québec la tâche d’établir une liste de candidatures québécoises pour le Sénat. Le comité comptera trois membres fédéraux et deux membres québécois, a tranché le gouvernement fédéral.
M. Fournier invitait encore récemment la ministre fédérale des Institutions démocratiques, Maryam Monsef, à « dessiner » un Sénat « plus représentatif » en acceptant de nommer trois membres fédéraux et trois membres québécois à l’organisme chargé de conseiller le premier ministre fédéral, Justin Trudeau, en vue de nouvelles nominations à la Chambre haute. « Ce comité de six membres aurait pour mandat de dresser une liste consensuelle de candidats et/ou candidates, et à défaut d’y parvenir, une liste de tous les noms ayant reçu l’approbation d’au moins trois des six membres serait compilée », a suggéré le ministre québécois dans une lettre datée 6 avril dernier. Si elle avait été avalisée par Ottawa, cette formule aurait théoriquement permis à Québec de forcer le chef du gouvernement fédéral à examiner des candidatures n’ayant pas su rallier l’appui d’émissaires du gouvernement fédéral.
Le gouvernement du Canada ira maintenant de l’avant comme prévu afin de pourvoir les cinq postes qui demeurent vacants pour le Québec, avec la participation des deux membres québécois ad hoc
À l’heure actuelle, le Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat est formé de trois membres fédéraux permanents et de deux membres provenant de chacune des provinces et de chacun des territoires pour lesquels les sièges sont à pourvoir.
M. Fournier a aussi souligné la nécessité de permettre au premier ministre québécois de faire des « recommandations » à son homologue fédéral au sujet de candidats pressentis pour l’un des 24 sièges réservés au Québec dans la Chambre haute. « En s’assurant de l’indépendance et de la parité fédérale-provinciale des membres du comité consultatif et en incluant les recommandations du premier ministre du Québec, le processus gagne en crédibilité et en représentativité provinciale », a fait valoir l’élu libéral, tout en précisant que sa proposition « reprend l’orientation générale prévue à l’accord du lac Meech » sans pour autant nécessiter de modifications à la Constitution canadienne. « La participation des provinces dans le choix des futurs sénateurs peut et doit être plus significative, compte tenu notamment du rôle imparti au Sénat dans la représentation de leurs intérêts », a ajouté M. Fournier dans la foulée de la nomination du journaliste André Pratte et de l’athlète paralympique Chantal Peticlerc au Sénat canadien.
La ministre fédérale Maryam Monsef a toutefois opposé une fin de non-recevoir à la demande du gouvernement du Québec. « Le gouvernement du Canada ira maintenant de l’avant comme prévu afin de pourvoir les cinq postes qui demeurent vacants pour le Québec, avec la participation des deux membres québécois ad hoc[Sylvie Bernier et Yves Lamontagne], a-t-elle indiqué dans un courriel au Devoir. La phase permanente du processus représentera ainsi une occasion historique pour tous les Canadiens qui se qualifient de postuler directement pour une nomination au Sénat. »
Forcer le destin
L’auteur du projet de loi concernant la sélection des sénateurs représentant le Québec, Simon Jolin-Barrette, déplore la tournure des événements. « Le gouvernement libéral a une nouvelle fois failli à sa responsabilité de défendre les intérêts du Québec. Il manque d’ambition », a affirmé le député caquiste dans un entretien avec Le Devoir. Il exhorte le ministre Jean-Marc Fournier à appeler le projet de loi 592 afin de confier à un comité parlementaire, puis à l’Assemblée nationale, la tâche de proposer à Ottawa des candidats à la Chambre haute du Parlement canadien. « On laisse quand même le choix final au premier ministre fédéral », a-t-il précisé, tout en pointant son projet de loi. Celui-ci consiste à établir un cadre juridique servant d’assise à l’élaboration d’une convention constitutionnelle assurant au Québec sa participation dans la procédure de sélection des 24 sénateurs représentant le Québec. « C’est primordial que les libéraux québécois adoptent le projet de loi 592. Les sénateurs québécois doivent parler en fonction des intérêts du Québec », a-t-il insisté.