Un comité de suivi pour Charbonneau

Pas question que le rapport Charbonneau prenne la poussière à Québec ou que la dissidence du commissaire Lachance occulte 1740 pages d’enquête. Plusieurs experts et des anciens de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction (CEIC) annonceront ainsi ce mardi la création d’un « comité public de suivi » qui se chargera de surveiller si les 60 recommandations de la commission sont vraiment appliquées.
La composition du comité sera dévoilée en matinée. Une moitié travaillera dans l’ombre : principalement d’anciens enquêteurs ou des ex-recherchistes de la CEIC. L’autre moitié — des experts indépendants et non partisans — travaillera publiquement, expliquait-on lundi.
Selon nos informations, l’ancien député libéral et ex-bâtonnier du Québec Gilles Ouimet sera de la partie, de même que le maire de Westmount, Peter Trent. Les universitaires Martine Valois (droit, Université de Montréal), Denis Saint-Martin (science politique, Université de Montréal) et Luc Bégin (philosophie et éthique, Université Laval) offriront leur expertise — tous trois se sont beaucoup intéressés aux travaux de la commission.
Le président de la section canadienne de l’ONG Transparency International, Peter Dent, et l’avocat et auteur Paul St-Pierre Plamondon seront également membres. Au total, une dizaine de personnes devraient siéger au comité, qui profite d’un coup de main organisationnel de la Ligue d’action civique.
Déception
Ce sont des anciens de la CEIC qui ont lancé le mouvement, après avoir constaté la réception faite au rapport de la commission. « La dissidence du commissaire Renaud Lachance [sur la question du financement politique] a accaparé l’attention du public », déplore Pierre-Olivier Brodeur, un ex-recherchiste de la CEIC qui travaillera au sein du comité. « Ç’a fait en sorte que les recommandations n’ont pas reçu la couverture qu’elles méritaient. »
Encore lundi, l’ancien premier ministre Jean Charest citait la dissidence de M. Lachance pour conclure que la commission n’avait pas trouvé de preuve faisant un « lien entre le financement, la collusion, la corruption ».
« Il y a des gens qui ont investi beaucoup de temps et d’énergie pour la CEIC et qui ont été extrêmement déçus de la façon dont le rapport a été accueilli, dit Martine Valois. La dissidence a occulté tout le bien que ce rapport avait à apporter et le travail très sérieux qui a été fait. »
Selon elle, il est « difficile de croire » que le gouvernement Couillard travaille vraiment d’arrache-pied à l’implantation des recommandations. Le 24 mars, soit une semaine après l’arrestation de Nathalie Normandeau, le gouvernement avait dépêché quatre ministres (dont Sam Hamad) pour « démontrer que le gouvernement est en action » sur cette question. La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, avait soutenu qu’une quinzaine des 60 recommandations était déjà en oeuvre.
Le comité permettra de « maintenir la pression et de s’assurer que le gouvernement va bien étudier les recommandations », pense Martine Valois.
Gilles Ouimet ne situe toutefois pas sa présence comme un jugement sur la réponse offerte par le gouvernement Couillard au rapport Charbonneau. « Je m’intéresse depuis toujours aux questions de gouvernance, dit-il. Ma participation ne se veut pas une critique contre l’action du gouvernement. Le comité aura un regard critique, objectif et indépendant, mais on ne part pas avec la prémisse que Québec ne fait pas sa job. »
Selon Pierre-Olivier Brodeur, la mission du comité sera de « permettre à tout un chacun d’avoir une information impartiale et objective sur l’état d’avancement de la mise en place des recommandations ».