Une coalition à la rescousse du PQ?

Une coalition de centre gauche formée du Parti québécois (PQ) et de Québec solidaire (QS) serait première dans les intentions de vote avec 38 % d’appuis, devant les libéraux (35 %) et la Coalition avenir Québec (CAQ, 21 %).
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Une coalition de centre gauche formée du Parti québécois (PQ) et de Québec solidaire (QS) serait première dans les intentions de vote avec 38 % d’appuis, devant les libéraux (35 %) et la Coalition avenir Québec (CAQ, 21 %).

Et si la seule manière de battre les libéraux de Philippe Couillard était que le Parti québécois forme une coalition avec un des deux autres partis d’opposition — peu importe lequel ? À en croire les résultats d’un sondage Léger mené pour Le Devoir et Le Journal de Montréal, les péquistes auraient avantage à songer sérieusement à cette option.

La maison de sondage a testé deux scénarios hypothétiques auprès d’un millier de répondants cette semaine. Et les deux modifieraient substantiellement la donne politique au Québec.

38%
des répondants auraient voté pour une coalition rassemblant le PQ et QS si des élections avaient eu lieu cette semaine. Les deux partis auraient eu la faveur de 47 % des francophones.

Ainsi, une coalition de centre gauche formée du Parti québécois (PQ) et de Québec solidaire (QS) serait première dans les intentions de vote avec 38 % d’appuis, devant les libéraux (35 %) et la Coalition avenir Québec (CAQ, 21 %). Si son avance sur les libéraux est mince, la coalition PQ-QS pourrait néanmoins obtenir un gouvernement majoritaire grâce à un appui de 47 % chez les francophones.

L’autre scénario évoque une coalition de centre droit composée du PQ de Pierre Karl Péladeau et de la CAQ de François Legault. Cette alliance serait aussi payante pour les deux partis. Le PQ-CAQ obtiendrait autant d’appuis que les libéraux (40 % à chacun), mais il dominerait largement chez les francophones avec 50 % — encore là, un gouvernement majoritaire serait possible.

À l’heure actuelle, le Parti libéral du Québec (PLQ) pointe à 33 % dans les intentions de vote. Le Parti québécois (PQ) suit avec 30 %, devant la Coalition avenir Québec (22 %) et Québec solidaire (10 %).

Libéraux indélogeables ?

Depuis la victoire de Philippe Couillard aux élections d’avril 2014, le PQ n’a dominé qu’un seul coup de sonde de Léger. Et encore : il avait été réalisé durant les deux jours suivant l’élection de Pierre Karl Péladeau à la tête du parti… et il accordait au PQ une mince avance de deux points devant les libéraux. Égalité statistique, en somme.

Autrement, malgré un taux d’insatisfaction actuel de plus de 65 %, malgré des politiques économiques qui déplaisent à une majorité d’électeurs, malgré un chef somme toute peu populaire (22 % des répondants du sondage ont choisi Philippe Couillard comme meilleur premier ministre parmi les quatre chefs), les libéraux tirent constamment leur épingle du jeu. Et les partis d’opposition n’arrivent pas à engranger de nouveaux appuis — rien qui aille au-delà de la marge d’erreur.

Président de la firme de sondage, Jean-Marc Léger, reconnaît qu’il y a une « limite à l’interprétation qu’on peut faire » des scénarios testés. « C’est une idée qu’on mesure : on lance un débat, dit-il. L’intérêt, c’est de voir si les électeurs suivraient, quelle est leur perception. »

Dans le détail, une coalition PQ-QS recevrait l’appui de 87 % des sympathisants péquistes, et de 75 % des solidaires. L’autre scénario (PQ-CAQ) verrait cette coalition obtenir le vote de 78 % des péquistes et de 72 % des caquistes, de même que de 20 % des solidaires. Dans les deux cas, cela n’aurait aucun impact auprès des électeurs libéraux.

Discussions

 

Les questions posées par Léger relèvent en partie de la politique-fiction… mais pas totalement non plus. Des discussions au sujet de possibles coalitions surgissent dans le débat public depuis plusieurs mois.

Au début de l’année, le passage à la CAQ d’un ancien proche conseiller de Gilles Duceppe et de Pauline Marois, Stéphane Gobeil, avait ramené à l’avant-plan le sujet de l’union des forces nationalistes derrière une bannière — celle de la CAQ en l’occurrence. La division du vote nationaliste entre la CAQ et le PQ assure pratiquement la victoire aux libéraux, remarquait alors M. Gobeil (à l’instar de Martin Koskinen, principal conseiller de M. Legault).

Mais l’hypothèse d’une coalition PQ-CAQ impliquerait une forme de retour au bercail péquiste pour François Legault (qui n’est pas avare de critiques sur les travers de ce « vieux parti »). Et les deux partis devraient trouver une entente sur la question référendaire…

Par contre, l’idée d’une alliance entre QS et le PQ est discutée ouvertement depuis des années. La députée péquiste Véronique Hivon est d’ailleurs chargée depuis quelques mois du projet de convergence du mouvement indépendantiste. Mais là non plus, l’arrimage ne paraît pas évident : Québec solidaire n’a jamais démontré de réel intérêt à établir un pacte électoral avec le Parti québécois, et lui reproche notamment un manque de clarté dans la stratégie référendaire. Encore cette semaine, le président du parti, Andrés Fontecilla, soulignait au Soleil qu’il « y a de grandes différences politiques [entre QS et le PQ]. Par exemple, le passé antisyndical de M. Péladeau nous questionne beaucoup sur son engagement envers la social-démocratie. »

Le sondage a été mené en ligne auprès de 1007 personnes les 21 et 22 mars. Un échantillon probabiliste de cette taille aurait une marge d’erreur de 3,1 %, dans 19 cas sur 20.


Des alliances peu probables

Les électeurs ont beau rêver d’une alliance entre les partis d’opposition pour former une solution de rechange aux libéraux, la mise sur pied d’une coalition est peu probable. D’abord, le système politique actuel est peu propice aux coalitions, rappelle Michel Sarra-Bournet, chargé de cours en histoire politique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Une réforme du mode de scrutin, pour introduire une forme de proportionnelle, aurait davantage de chances de mener à des alliances en vue de former un gouvernement, selon lui. «Le Parti libéral du Québec ne veut pas changer le mode de scrutin, mais à moyen terme, si jamais le gouvernement Trudeau introduit la proportionnelle et que ça devient populaire, ça pourrait inciter les électeurs à la réclamer aussi au Québec», dit-il. D’ici là, une alliance entre le Parti québécois (PQ) et Québec solidaire, ou entre le PQ et la Coalition avenir Québec (CAQ), reste quasiment impossible à envisager, non seulement à cause des personnalités des chefs, mais aussi en raison de différences idéologiques. Marco Fortier


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