Philippe Couillard desserre l’étau

Philippe Couillard est applaudi par des membres de son cabinet, dont Nicole Ménard (présidente du caucus), Stéphane Billette (whip) et Carlos Leitão (Finances).
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne Philippe Couillard est applaudi par des membres de son cabinet, dont Nicole Ménard (présidente du caucus), Stéphane Billette (whip) et Carlos Leitão (Finances).

À mi-mandat, le premier ministre Philippe Couillard a procédé à un remaniement majeur pour donner « un nouvel élan » à son gouvernement, qui passe d’une difficile phase de compressions à une autre qui sera marquée par de modestes réinvestissements.

Dans l’allocution qui a suivi l’assermentation des nouveaux ministres, Philippe Couillard n’a pas promis des « vallées verdoyantes » comme Bernard Landry l’avait fait, mais de naviguer dans « des eaux plus tranquilles ».

« Nous avons, maintenant, retrouvé collectivement notre capacité financière pour mieux soutenir les secteurs qui nous tiennent à coeur, comme l’éducation, la santé, le soutien aux familles et aux personnes vulnérables », a-t-il déclaré. Son gouvernement continuera à dépenser moins que ce qu’il récolte, a-t-il toutefois précisé.

L’économie demeure la priorité, mais l’éducation en est aussi une. Philippe Couillard ne veut pas que la population ne retienne que sa gouverne comptable. « La vie n’est pas que chiffres », a-t-il dit avant de reprendre en l’adaptant une citation de Robert Kennedy : « C’est aussi la beauté de nos paysages, de nos créations, le génie de nos inventions, notre esprit, notre courage et la force des liens qui nous unissent, même à travers nos désaccords. Ces choses-là, celles qui font que la vie est plus belle, ne figurent pas dans les comptes économiques. »

Le nouveau cabinet compte 29 ministres, en incluant le premier ministre, au lieu de 26 auparavant. Il compte 11 femmes, soit 4 de plus que le précédent conseil des ministres, ce qui est tout près de l’objectif que s’est fixé Philippe Couillard d’avoir au moins 40 % de femmes dans son cabinet. Cinq députés y font leur entrée, mais deux ministres perdent leur portefeuille : Robert Poëti, aux Transports, et Jean-Denis Girard, ministre délégué aux Petites et Moyennes Entreprises. Huit ministres changent de fonctions, tandis que quinze autres gardent le même portefeuille.

Bonnes et mauvaises surprises

 

Le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, qui voulait changer d’air, remplace Pierre Moreau aux Affaires municipales ainsi qu’à la Sécurité publique. Le nouveau titulaire est chargé d’évaluer d’ici six mois si la fusion des deux ministères est souhaitable afin de former un ministère de l’Intérieur. Il doit aussi négocier avec Régis Labeaume et Denis Coderre un nouveau statut pour leur ville respective.

À l’Éducation et à l’Enseignement supérieur, Pierre Moreau prend la relève de François Blais, qui a connu sa part de difficultés. Pierre Moreau, absent de l’assermentation et transporté à l’hôpital en raison d’un malaise, doit apaiser la grogne de la communauté anglophone, qui s’oppose farouchement à l’abolition des élections scolaires.

François Blais retrouve le poste qu’il occupait il y a un an : ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale. Philippe Couillard lui a même donné le mandat d’explorer la possibilité d’instaurer, pour remplacer l’aide sociale, le revenu minimum garanti, sa marotte.

L’ancienne présidente de la Coalition avenir Québec, Dominique Anglade, devient ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation. Le premier ministre a ainsi rattaché la Recherche, qui faisait partie de l’Enseignement supérieur, à la mission économique.

Ce remaniement a réservé des surprises à certains ministres.

« Une surprise agréable », a dit Jacques Daoust, qui se retrouve aux Transports. « Je suis parti à rire hier [mercredi] quand on m’a parlé de ça », a-t-il relaté. Amèrement surpris, Robert Poëti, de son côté, n’entend pas à rire. Absent du caucus, il a fait savoir à La Presse qu’il était en réflexion. Philippe Couillard ne sait pas s’il demeurera député. « Je le souhaite », a-t-il dit, jugeant que Robert Poëti est « un chic type » victime « des conséquences presque mathématiques de représentation régionale ». L’importance de faire une plus grande place aux femmes a aussi joué contre lui, a-t-on indiqué, lui qui fut rabroué par le chef libéral pour avoir affirmé à des Gaspésiennes qu’elles étaient les bienvenues à Montréal, où il y a « beaucoup de centres d’achats ».

Sam Hamad se remettait de sa surprise jeudi, lui qui a été promu président du Conseil du trésor, abandonnant un projet mal parti de réforme de l’aide sociale. Il est sans aucun doute soulagé de voir un expert reprendre ce dossier délicat. Le portefeuille du Travail est remis à Dominique Vien. Elle laisse le Tourisme à Julie Boulet, qui fait un retour au cabinet pour redevenir aussi la ministre responsable de la Mauricie.

Lise Thériault est revenue de son congé de maladie. Elle reste vice-première ministre et devient responsable des Petites et Moyennes Entreprises. Surtout, elle prend la responsabilité de la Condition féminine des mains de la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, dont la fonction n’est pas compatible avec les enjeux, parfois judiciarisés, qui touchent les femmes.

Petite porte et piliers

 

L’ancien adéquiste Sébastien Proulx prend les rênes du ministère de la Famille. Charitable, le premier ministre laisse à Francine Charbonneau la responsabilité des Aînés et de la Lutte contre l’intimidation ainsi que celle de la région de Laval.

Autre nouvelle venue : Rita de Santis, dont on loue la consciencieuse intelligence, est ministre déléguée responsable de l’Accès à l’information et de la Réforme des institutions, une tâche dont se débarrasse Jean-Marc Fournier. Le jeune député de Sherbrooke, Luc Fortin, rejoint le Saint des Saints par une petite porte, celle de ministre délégué au Loisir et au Sport.

Enfin, il y a ces ministres, souvent des piliers du cabinet, qui n’ont pas bougé. C’est le cas de Gaétan Barrette, qui continue de jubiler à la Santé, selon ses dires, de Carlos Leitão, que l’on ne voit pas ailleurs qu’aux Finances, et de Jean-Marc Fournier, dont le nom du secrétariat passe des Affaires intergouvernementales canadiennes à Relations canadiennes. Conservent aussi leur maroquin Pierre Arcand (Énergie et Ressources naturelles), Hélène David (Culture), Kathleen Weil (Immigration), Christine St-Pierre (Relations internationales), Pierre Paradis (Agriculture), sans oublier David Heurtel (Environnement), protégé par Philippe Couillard.

Rien pour l’économie, dit l’opposition

Aux yeux des partis d’opposition, le premier ministre Philippe Couillard a échoué à faire la démonstration que le développement de l’économie québécoise constitue sa priorité. « Il n’y a pas le coup de barre que nous attendions en matière économique. Les efforts ont été dispersés dans les mains de plusieurs personnes. Nous arrivons à mi-mandat, et il n’y a toujours pas de vision ni de véritable stratégie pour relancer l’économie », a déploré le chef du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau. « La situation économique du Québec est inquiétante, mais depuis qu’il est au pouvoir, le premier ministre ne s’en soucie pas. Les Québécois sont étouffés par les taxes et les impôts imposés par les libéraux depuis 2003. Tant que Philippe Couillard n’agira pas en véritable capitaine, le Québec ne voguera pas sur des eaux tranquilles », a ajouté le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault. M. Couillard sera incapable de « faire oublier tout ce qu’il a fait dans les deux dernières années, toutes les coupes qui ont touché les parents, les enfants, les écoles, qui ont touché les personnes âgées dans les soins à domicile » au moyen de son remaniement ministériel. « Tout ça, on ne va pas l’oublier », a insisté la co-porte-parole de Québec solidaire, Françoise David.

La parité hommes-femmes au fil des ans

Le Conseil des ministres depuis le début du siècle

2016 Couillard: 39% (11 femmes sur 28 ministres)

2014 Couillard: 31% (8 sur 26)

2012 Marois: 35% (8 sur 23)

2008 Charest: 50% (13 sur 26)

2007 Charest: 50% (9 sur 18)

2005 Charest: 40% (10 sur 25)

2003 Charest: 33% (8 sur 24)

2002 Landry: 26% (8 sur 31)

2001 Landry: 29% (7 sur 24)


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