Pierre Karl Péladeau nie avoir «créé» des succursales

Le chef du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau, persiste et signe. Aucune succursale dans un paradis fiscal n’a été créée sous sa direction, dit-il. Des explications qui soulèvent des questions chez ses adversaires politiques et certains observateurs.
Après La Presse vendredi, Radio-Canada a diffusé dimanche un reportage exposant l’existence de compagnies ou de succursales semblant avoir des liens avec Québecor, qui ont été actives dans des paradis fiscaux.
L’émission Enquête a recensé une trentaine de ces compagnies ou succursales dans une dizaine de pays, de la Barbade aux îles Vierges britanniques, en passant par Hong Kong ou l’Irlande. Le reportage décrit de potentielles pratiques d’évitement fiscal, un stratagème légal, mais considéré comme problématique par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
M. Péladeau a refusé notre demande d’entrevue, mais s’est exprimé lundi matin au micro de Paul Arcand, sur les ondes du 98,5 FM. « Je n’ai jamais créé de société dans des paradis fiscaux, a-t-il affirmé. Est-ce que Québecor a fait l’acquisition d’entreprises, qui elles, éventuellement, allaient avoir des filiales dans des paradis fiscaux ? Oui. Et je m’en suis rendu compte récemment. »
Le chef de l’opposition officielle a par exemple soulevé le cas de deux succursales de Vidéotron créées par la famille Chagnon avant que Québecor ne fasse l’acquisition de l’entreprise. « On ne peut m’accuser de les avoir créées et c’est ce que Radio-Canada fait », a-t-il lancé.
M. Péladeau concède qu’il était au courant de l’existence de structures d’évitement fiscal au moment où il était membre du conseil d’administration de Quebecor World, l’imprimeur dont Québecor était actionnaire de contrôle jusqu’en 2009. « Oui, je le savais, mais ce n’est pas parce que je le sais que j’ai le pouvoir de dire “on va changer ça”», a-t-il dit sur les ondes de la radio parlée.
Sous la présidence de M. Péladeau, Québecor a-t-elle utilisé des structures d’évitement fiscal déjà en place ? « Il faudrait que vous demandiez à Québecor. Moi, je n’en ai pas de connaissance personnelle », a soutenu le politicien.
Dans un communiqué publié en après-midi, Québecor a appuyé les propos de M. Péladeau en indiquant qu’elle n’a jamais créé de compagnies dans « des juridictions qualifiées de “complaisantes” en matière de fiscalité ». « Les compagnies QUEBECOR LTD Cayman Islands, TCGVIDEOTRON CAYMAN LTD et Le Groupe Vidéotron ltée à la Barbade n’ont jamais été créées, détenues, ni même utilisées par Québecor ou Québecor Média », affirme l’entreprise.
Dans un message publié lundi sur sa page Facebook, Pierre Karl Péladeau a en outre qualifié de « gros pétard mouillé » le reportage de Radio-Canada et n’a pas écarté la possibilité de poursuivre le diffuseur public. Le directeur des relations publiques de Radio-Canada, Marc Pichette, a indiqué par courriel que la société d’État ne répondra pas au message de M. Péladeau et qu’elle diffusera l’émission Enquête consacrée au sujet des paradis fiscaux jeudi, comme prévu.
Pas une situation « anodine »
À Milan, où il prend part à une mission économique, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a réagi prudemment. « Ça illustre la situation dans laquelle lui-même se place : il est l’actionnaire de contrôle de l’entreprise dont il est question et il est chef de parti. Ce n’est pas une situation anodine et ça ne doit pas être traité de façon anodine », a-t-il fait valoir.
S’exprimant en marge du caucus de ses députés à Bromont, le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a affirmé que l’évitement fiscal n’est pas « souhaitable », mais n’a pas voulu s’étendre sur le cas de M. Péladeau.
Plus cinglante, la co-porte-parole de Québec solidaire, Françoise David, s’est dite « profondément inquiète » à la lumière des nouvelles informations diffusées par Radio-Canada. « Pratiquer l’évitement fiscal trahit l’idée de souveraineté nationale et de contrôle de nos richesses », a-t-elle déclaré.
Reproches envers les médias, menace de poursuites, nombre d’entrevues limité : Thierry Giasson, professeur de science politique à l’Université Laval et spécialiste de la communication politique, considère que la réaction de Pierre Karl Péladeau aux révélations le concernant a été « maladroite ». Selon lui, Pierre Karl Péladeau devrait s’expliquer « sereinement » et « simplement » auprès des Québécois.
« Il y a plusieurs Québécois qui vont peut-être regarder ce qui se passe et se dire que c’est symptomatique de problèmes qui semblent arriver au Parti québécois avec l’arrivée de Pierre Karl Péladeau comme leader, remarque le professeur. C’est un homme qui a été à la tête d’une très grande entreprise […], mais c’est aussi un homme qui arrive peut-être avec un certain nombre de casseroles. »
Avec La Presse canadienne