Le ministère du Tourisme perdra la moitié de ses effectifs au profit du privé

La ministre Dominique Vien annoncera le démantèlement du bureau de Montréal du ministère du Tourisme, où sont concentrées à l’heure actuelle les activités de marketing et de relations de presse. Le gouvernement cédera la planification et le déploiement des campagnes promotionnelles de « Destination Québec » à un organisme à but non lucratif contrôlé par l’industrie touristique québécoise, spécifiera-t-elle lors des Assises du tourisme 2015, mardi à Québec.
Le projet de loi 67, dévoilé jeudi dernier, vise à encadrer l’hébergement touristique, mais également à donner les coudées franches à la ministre pour « confier certaines de ses fonctions à un organisme reconnu ou à un groupement de tels organismes » ainsi que pour « déterminer les fins auxquelles certaines sommes versées aux associations touristiques régionales doivent servir ». « On a besoin de vendre beaucoup mieux la destination du Québec. J’ai de fortes ambitions, avait-elle affirmé en point de presse. J’aurai l’occasion, dans les jours qui viennent, de préciser ma pensée quant à la révision du modèle d’affaires et de gouvernance. »
Le ministère entend octroyer à l’« Alliance » — entité dont la nature sera précisée dans le projet de loi 67 au moyen d’une « clause papillon » — un budget de fonctionnement de près de 15 millions de dollars par année ainsi que les recettes de la taxe sur l’hébergement. Celles-ci s’élevaient à 48,8 millions en 2013-2014.
Le président de Juste pour rire, Gilbert Rozon, dépeint comme le « vrai ministre du Tourisme » par des fonctionnaires, pourrait être appelé à jouer un rôle de premier plan dans cette « Alliance ».
« On n’a pas le choix. Si on ne se réunit pas et qu’on continue de tirer dans toutes les directions, chacun de notre côté, on n’y arrivera pas. Donc, il faut se regrouper sous une gouvernance solide [à laquelle] tout le monde adhère », a fait valoir le directeur de l’Office du tourisme de Québec, André Roy, au micro de Radio-Canada Québec lundi matin.
Mme Vien a acquiescé à l’uniformisation et l’élargissement de la portée de la taxe sur l’hébergement, qui permettra d’engranger des revenus supplémentaires de 10 millions. Les hôtels et les auberges aux quatre coins du Québec prélèveront prochainement une taxe sur l’hébergement de 3,5 %, et ce, en plus de la taxe sur les produits et services (TPS) et de la taxe de vente du Québec (TVQ) sur le prix d’une nuitée. À l’heure actuelle, cette taxe varie d’une région touristique à l’autre. Par exemple, elle est fixée à 2 % à Laval, mais s’élève à 3 % à Québec et en Gaspésie.
La « désolation »
La réorganisation des activités entraînera l’abolition de plus de 120 postes à terme, soit près de la moitié des effectifs du ministère du Tourisme. Celui-ci compte actuellement 243employés : 118 à Québec, 113 à Montréal et 12 dans des Centres infotouristes en région.
Le sous-ministre Marc Croteau a convoqué « tous les employés du ministère du Tourisme » à une « rencontre d’information sur la révision du modèle d’affaires et de gouvernance » mercredi à Montréal et jeudi à Québec.
La « désolation » règne dans les bureaux du ministère à Montréal, où sont concentrées les activités de marketing, selon un employé ayant requis l’anonymat. « C’est tellement déprimant. Tout le monde a les yeux rivés sur l’Info-carrière [site Web interne où les emplois vacants dans les ministères et organismes sont répertoriés]. Plusieurs en ont même fait la page d’accueil de leur fureteur Internet », a-t-il affirmé dans un entretien téléphonique avec Le Devoir.
La Direction des ressources humaines a tenu le 17 septembre dernier une « rencontre d’information » sur les « services-conseils » offerts « dans l’éventualité où le modèle avancé [par M. Croteau le 3 septembre] se concrétise ». Le projet de loi 67 n’était pourtant pas encore déposé à l’Assemblée nationale.
M. Croteau avait donné un aperçu, deux semaines plus tôt, de la révision de la mission du ministère. L’ancien directeur de cabinet du premier ministre Jean Charest avait profité de l’occasion pour détailler le projet d’uniformiser la taxe sur l’hébergement, ainsi que celui d’instaurer une taxe sur les voyages extérieurs. Le premier ministre Philippe Couillard a toutefois tué dans l’oeuf le projet de « taxe piña colada » après que le scénario eut été éventé dans Le Devoir le lundi 21 septembre. La nouvelle taxe, qui faisait partie de « sept, huit » nouvelles sources de revenus proposées par l’industrie touristique québécoise, avait pourtant passé la rampe du comité des priorités et des projets stratégiques du ministère du Conseil exécutif, selon nos informations. « Elle a été un peu tournée en dérision », a déploré le commissaire des célébrations du 375e anniversaire de Montréal, Gilbert Rozon, sur les ondes du 98,5FM. « J’aurais dû la défendre mieux. »