Des taxes en hausse pour le privé

La ministre du Tourisme, Dominique Vien
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne La ministre du Tourisme, Dominique Vien

La ministre du Tourisme, Dominique Vien, a donné sa bénédiction à l’uniformisation de la taxe sur l’hébergement, ainsi qu’à l’instauration d’une taxe sur les voyages extérieurs, selon des informations obtenues par Le Devoir.

Le ministère versera les revenus de ces deux mesures fiscales — 15 à 20 millions de dollars par année — à l’industrie touristique afin qu’elle pilote elle-même les campagnes promotionnelles de la destination québécoise, abdiquant ainsi son rôle de représentation touristique du Québec sur la scène internationale.

Les hôtels et les auberges aux quatre coins du Québec prélèveront une taxe sur l’hébergement de 3,5 %, et ce, en plus de la taxe sur les produits et services (TPS) et de la taxe de vente du Québec (TVQ), a indiqué le sous-ministre Marc Croteau lors d’une présentation aux employés le 3 septembre dernier.

La taxe sur l’hébergement sera ainsi majorée dans la plupart des régions touristiques du Québec. Par exemple, elle passera de 3 % à 3,5 % dans les régions de Québec et de la Gaspésie.

À l’heure actuelle, cette taxe varie d’une région touristique à l’autre. Elle s’élève à 3,5 % seulement à Montréal. En revanche, elle est fixée à 2 % à Laval et de 2 $ par nuitée en Montérégie. Les propriétaires d’établissements de ces deux régions avaient milité en faveur d’un taux de taxation moindre afin d’être plus concurrentiels par rapport à leurs homologues de la métropole.

Encore les contribuables

 

Le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) dénonce une taxe « mur à mur non justifiée » de 3,5 %. « Encore là, le gouvernement veut aller chercher de l’argent dans la poche des contribuables », affirme le président du SPGQ, Richard Perron, dans un entretien avec Le Devoir.« J’ai un gros problème avec cela. »

Par ailleurs, le gouvernement libéral entend forcer les auberges de jeunesse, les établissements d’enseignement et les campings — mais seulement sur la facture de clients de services « prêt-à-camper » comme les tentes Huttopia et Hékipia disponibles dans les parcs nationaux — à également prélever la taxe sur l’hébergement, eux qui étaient soustraits à cette obligation.

Les « moins bien nantis » seront désormais accablés par cette taxe, déplore M. Perron. « Si on veut inciter les Québécois [derrière environ 80 % des réservations des nuitées dans les établissements québécois] à faire du tourisme ici au Québec, on ne s’y prend pas de la bonne façon. »

 

Nouvelle taxe pour le privé

Le gouvernement libéral veut aussi imposer une nouvelle taxe de 0,5 % sur les forfaits vacances tout inclus à l’étranger. La taxe sur les voyages extérieurs sera appliquée progressivement par les grossistes : de 2 $ à 5 $ par tranche d’achat de 1000 $.

Le prélèvement fiscal applicable sur les voyages tout compris à l’étranger générera des recettes de quelque 7 millions par année, tandis que l’uniformisation et l’élargissement de la portée de la taxe sur l’hébergement permettront d’engranger des revenus supplémentaires de 10 millions, selon les projections du ministère.

C’est à une nouvelle entité privée — l’« Alliance » — que seront versées ces recettes additionnelles afin de promouvoir la « Destination Québec ».

Cette décision s’inscrit dans un plan de rétrécissement de l’État québécois, selon le SPGQ. « Il faut appeler un chat un chat. Il s’agit d’une privatisation », lance M. Perron.

Il s’étonne de voir le ministère confier de telles sommes d’argent public aux Associations touristiques régionales (ATR) et aux Associations touristiques sectorielles (ATS) — dotées de mécanismes de suivi des résultats et de reddition de comptes plus souples —, notamment après la mise au jour de « dérives » à Tourisme Montréal. Le vérificateur général du Québec avait noté des « horreurs de gestion » après avoir passé au peigne fin les dépenses de l’ex-p.-d.g. de Tourisme Montréal, Charles Lapointe, rappelle M. Perron. « C’est extrêmement inquiétant. L’industrie va faire comme bon lui semble avec l’argent. Au plus fort la poche. »

En 2013-2014, 48,8 millions ont été récoltés au moyen de la taxe sur l’hébergement et redistribués aux ATR afin de faire la promotion de leur coin de pays.

Insécurité professionnelle

 

Le transfert de l’ensemble des activités de marketing et des relations avec la presse au secteur privé se traduira, à terme, par la fermeture du bureau de Montréal du ministère du Tourisme. Ce sont 120 fonctionnaires qui y sont aujourd’hui à pied d’oeuvre. Trente-cinq fonctionnaires à la promotion seront mis en disponibilité auprès des autres ministères et organismes dès le 1er avril prochain. Quatre-vingt-cinq de leurs collègues à l’accueil et au Centre d’affaires électroniques nagent en plein mystère. Ils attendent toujours les consignes.

Le président du SPGQ dénonce le « manque de considération » de la ministre Dominique Vien à l’égard des employés du bureau de Montréal. « Le niveau d’inquiétude est très très élevé. C’est extrêmement angoissant », fait remarquer M. Perron. Plusieurs employés craignent de devoir « déraciner » leur famille s’ils ne trouvent pas un emploi équivalent dans la métropole au cours de la prochaine année et demie. « C’est difficile à vivre sur le plan personnel », souligne-t-il.

Après l’Agence du revenu, le ministère du Tourisme «inféodé» à Ottawa

Le SPGQ craint de voir les campagnes promotionnelles de la « Destination Québec » « sous-traitées » au secteur privé, mais également à Ottawa. L’identité québécoise se trouverait noyée dans les publicités de la Commission canadienne du tourisme, avertit Richard Perron. « C’est un charcutage de l’identité du Québec à l’étranger. […] La culture et le tourisme sont les deux bras armés de la diplomatie », ajoute l’ancien directeur du Bureau du Tourisme du Québec à Washington. « Il n’y avait rien de mieux que de prendre un Américain et de l’emmener au Québec [afin de faire barrage aux] balivernes racontées sur le Québec. »


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