Le CRTC doit maintenir les quotas de musique francophone, dit Hélène David

Face aux demandes des radios commerciales et au désir avoué du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes d’« assouplir » les exigences de contenu francophone sur les ondes, la ministre de la Culture Hélène David s’indigne. Il serait inconcevable que le CRTC mette en péril l’essor des artistes francophones pour se plier aux désirs des radios commerciales, tonne-t-elle.

L’organisme réglementaire fédéral, qui entame en novembre la révision des politiques régissant la programmation des radios commerciales, envisage d’accorder « une plus grande souplesse réglementaire » aux radiodiffuseurs, en d’autres mots de réduire ou d’abolir carrément les quotas de musique francophone devant être diffusés sur les ondes des radios commerciales privées de langue française, qui s’élèvent à 65 % depuis 1990.

Le CRTC donnerait ainsi suite aux demandes de groupes des principales stations commerciales du Québec, dont celles détenues par Bell Média et Cogeco, qui suggèrent d’abaisser à 35 % la portion de musique francophone à être diffusée sur leurs ondes, plaidant ainsi répondre à la demande de leurs auditeurs. « La radio commerciale de langue française ne peut espérer rester au coeur du quotidien des Québécois si elle est contrainte d’offrir une programmation musicale qui s’éloigne graduellement de ce qu’ils consomment », avait fait valoir Pierre Rodrigue, vice-président pour BCE et Bell la veille.

Hélène David ne croit pas à ces arguments. « Pour moi, c’est une priorité absolue. Je tiens à ce que ces quotas soient respectés. Les stations ne peuvent plaider qu’elles sont en mauvaise posture, ce n’est pas vrai ! » s’est-elle exclamée, en entrevue au Devoir.

Le gouvernement du Québec a déposé son propre mémoire en réponse à l’invitation du CRTC, dans lequel il milite pour le maintien des dispositions actuelles, voire leur resserrement. On recommande par exemple l’adoption d’une nouvelle méthode de comptabilisation des montages musicaux « qui reflète la part réelle des extraits la composant, et ce, de manière à éviter que les règles soient contournées », et que soit instauré un quota minimal pour la diffusion de pièces musicales d’artistes émergents.

« Ce n’est certainement pas le temps de diminuer les quotas, au moment où se déploient de plus en plus de plateformes musicales non réglementées où il y a une forte présence anglophone, dit-elle. Là où c’est important de garder la musique francophone, là où on peut agir, c’est au CRTC. De grâce, laissez les quotas de radio de langue française. »

Un affaiblissement des exigences envers les radios commerciales se traduirait inévitablement par une réduction du nombre d’artistes francophones, notamment ceux de la relève. « La baisse des quotas, c’est très dangereux pour la protection de la langue française. […] Il n’est pas question de toucher à ça. »

L’opposition officielle abonde dans le sens de la ministre. Le gouvernement devra se battre bec et ongles, aux côtés de l’ADISQ notamment, devant le CRTC pour le maintien de la place de la musique francophone sur les ondes radiophoniques, a estimé la porte-parole du Parti québécois en matière de culture, Véronique Hivon. Selon elle, par leur geste, les radios commerciales se prononcent « contre les intérêts des artistes, artisans et producteurs de musique de chez nous en plaidant pour une baisse draconienne des quotas de musique francophone ». « Cette bataille qui s’engage encore une fois […] démontre à quel point l’absence du plein contrôle du Québec en matière de communications nous fragilise. »

Un précédent en télévision

 

Le CRTC avait suscité l’inquiétude du milieu de la création, en mars, en annonçant que les chaînes de télévision canadiennes ne seraient plus tenues de respecter des quotas sur le contenu canadien pendant la journée. Ce quota était fixé à 55 % jusqu’alors. Le quota de 50 % de contenu canadien pendant les heures de grande écoute, soit de 18 h à 23 h, avait cependant été maintenu. Près de six mois plus tard, il est toujours difficile d’évaluer les répercussions de cette décision, selon Mme David.

En 1986, le CRTC avait également pris la décision d’abaisser de 65 % à 55 % la proportion minimale de contenu francophone sur les ondes des radios commerciales. L’organisme réglementaire était revenu sur sa décision en 1990, pour « stimuler l’industrie du disque et le monde des artistes ». On avait toutefois déploré que ces moyennes soient calculées de façon hebdomadaire, ce qui permet de concentrer la musique francophone à certaines heures.



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