OSBL en colère

Le projet de loi déposé vendredi prévoit, entre autres, l’assujettissement des OSBL aux mêmes obligations que les lobbyistes.
Photo: Pedro Ruiz Archives Le Devoir Le projet de loi déposé vendredi prévoit, entre autres, l’assujettissement des OSBL aux mêmes obligations que les lobbyistes.

Les organismes sans but lucratif (OSBL) accusent les lobbyistes du secteur privé de vouloir les museler à travers le projet de loi 56 qui vise à réformer la Loi sur la transparence en matière de lobbyisme. Déposé vendredi à l’Assemblée nationale par le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Jean-Marc Fournier, le projet de loi prévoit, entre autres, l’assujettissement des OSBL aux mêmes obligations que les lobbyistes.

« Avec ce projet de loi, tous les groupes communautaires qui font des interventions auprès des élus devront procéder à leur inscription au Registre des lobbyistes, explique Mercédez Roberge, coordonnatrice de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles. La soupe populaire, le club de lecture et le groupe d’entraide seront des lobbyistes, et ce, au même titre que les industries pharmaceutiques et les pétrolières. C’est un non-sens ! »

En conférence de presse vendredi après-midi à Montréal, des représentants de différents organismes communautaires ont dénoncé l’« effet dramatique » qu’auraient les changements proposés sur le travail de représentation de ces groupes auprès des élus.

« Chaque fois qu’on devra inscrire une nouvelle personne, c’est du temps qu’on ne pourra pas passer sur le terrain à aider les gens », insiste Mme Roberge.

Exceptions

 

En outre, le projet de loi prévoit des exceptions spécifiques pour les OSBL, excluant, entre autres, les communications — orales ou écrites — qui serviraient à obtenir « une subvention visant à assumer des dépenses de fonctionnement ». Les bénévoles seraient aussi exemptés, à condition qu’ils ne siègent pas au conseil d’administration ou qu’ils n’exercent pas un rôle décisionnel.

Or, le travail de représentation des OSBL ne vise pas qu’à obtenir du financement. « Nos actions ont permis la mise en place de multiples politiques », souligne Marie-Hélène Senay de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes.

À l’heure actuelle, la procédure d’inscription au Registre des lobbyistes est particulièrement compliquée. Un règlement, présenté par le gouvernement en mars dernier et qui devrait être adopté par décret d’ici l’automne, devrait cependant rectifier le tir. « Il est vrai que l’inscription peut parfois être complexe, reconnaît l’attaché de presse du ministre Fournier, Félix Rhéaume. [Ce] règlement devrait toutefois faciliter les procédures d’inscription », tout en annulant les coûts qui y sont reliés.

Mauvaise réputation

 

Selon le président de l’Association québécoise des lobbyistes, Mathieu Santerre, les réticences des OSBL viennent surtout de la mauvaise presse dont les lobbys font les frais. « Les gens ont souvent un malaise à être associés à ce mot, car il porte une connotation négative, soutient M. Santerre. Pourtant, être lobbyiste ne veut pas dire «“être coupable d’une infraction ”, c’est plutôt de faire vivre la démocratie 365 jours par année. »

Réputation qui s’étendra au milieu communautaire si le projet de loi est adopté, selon Mercédez Roberge. « Ça va nécessairement changer le rapport entre la population et les OSBL, insiste-t-elle. Comment voulez-vous qu’on arrive à convaincre un aidant naturel ou une femme violentée à venir témoigner de sa situation s’il doit, au préalable, s’inscrire au Registre des lobbyistes ? »

Le projet de loi doit encore passer en commission parlementaire avant son adoption, mais les détails entourant cette dernière ne sont pas encore disponibles.



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