Pas de «primes Bolduc», jure Barrette

Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, se défend d’avoir réintroduit en catimini les « primes Bolduc » dans l’entente signée en début de semaine avec les médecins de famille, tel que décrié par le Parti québécois.

« Les primes Bolduc, elles sont abolies, soutient le ministre en entrevue téléphonique au Devoir. Les lettres d’entente 245 et 246, qui étaient les primes Bolduc, elles sont abolies », répète-t-il, détachant les syllabes pour insister encore davantage sur ce dernier mot.

En Chambre jeudi, la porte-parole de l’opposition de matière de santé, Diane Lamarre, accusait le ministre de la Santé d’avoir ramené les « primes Bolduc », qui permettaient à un médecin de recevoir une prime allant de 100 à 200 $ pour l’inscription d’un nouveau patient. Une controverse entourant ces primes a éclaté l’été dernier après qu’il eut été révélé que l’ancien ministre Yves Bolduc avait touché une prime de 215 000 $ pour l’inscription de 1500 nouveaux patients qu’il a par la suite abandonnés lorsque son parti a été ramené au pouvoir.

« Dans le projet de loi 20, le gouvernement s’était engagé à abolir l’aberration qu’était la prime Bolduc, a soutenu Mme Lamarre en Chambre. Ce qu’on découvre dans cette nouvelle entente, au point 24, c’est que la prime Bolduc, donnée à la simple inscription d’un patient, est de retour. On comprend mieux aujourd’hui comment le ministre de la Santé est parvenu à obtenir cette entente et on comprend mieux pourquoi on a tant tardé à en dévoiler les détails. »

Elle accuse le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, d’avoir « exceptionnellement délié les cordons de la bourse pour son collègue à la Santé, alors qu’il demande des sacrifices à tous les autres acteurs du secteur public ».

Le ministre, qui n’était pas en Chambre jeudi, s’est défendu en entrevue au Devoir, répétant que la députée de Taillon faisait preuve d’une « profonde incompétence et incompréhension » dans ce dossier en « interprétant » l’entente à sa manière. « Ce que j’entends depuis ce matin [jeudi], je n’ai jamais rien entendu d’aussi stupide de ma carrière. »

« Supplément »

L’entente en question, qui tient sur une dizaine de pages, précise que les lettres d’entente 245 et 246, qui concernaient ces primes Bolduc, sont bel et bien « abrogées sans effet rétroactif ».

Mais l’argent reste dans les poches des médecins puisque « les sommes qui étaient dévolues à la lettre d’entente 245 sont réaffectées à la création de deux nouvelles mesures favorisant l’inscription de la clientèle ».

Contrairement à l’ancienne prime, accordée de façon systématique pour l’inscription d’un nouveau patient que le médecin n’avait pas l’obligation de voir, il s’agit ici d’un « supplément pour la première visite » d’un patient orphelin, rétorque le ministre. « Ce n’est pas la même chose, ça n’a rien à voir. Les primes d’avant, c’était une prime à l’inscription, dans le cadre qui est en place aujourd’hui, c’est une visite pour un patient orphelin. »

Ce supplément, qui va servir d’incitatif pour amener les médecins à voir 85 % de la population d’ici la fin de décembre 2017, est justifié par le fait que la première visite est primordiale dans la relation médecin-patient et qu’elle nécessite plus de temps, ajoute Gaétan Barrette. « La première visite est essentielle, en ce sens qu’elle est plus longue. C’est la visite où le médecin fait l’état de la situation du patient […] C’est le moment où le médecin s’assoit avec son patient, lui dit : Madame, Monsieur, rassurez-vous, je serai disponible, je fais votre bilan de santé, voici comment ça va fonctionner. Et ça, ça prend plus de temps, c’est ça l’affaire. »

Les médecins pourront également toucher un « supplément » pour la prise en charge de certains patients vulnérables, ajoute le ministre. « Les patients vulnérables vont arriver par les guichets d’accès et devraient trouver preneur. S’ils ne trouvent pas preneur, il va être possible d’avoir une majoration pour la première visite pour certains patients vulnérables, sélectionnés par le coordonnateur médical local. » Il insiste sur le fait que ce seront des « cas d’exception ».

Les modalités précises de ces mesures ne sont toutefois pas encore connues puisqu’elles seront définies dans une nouvelle lettre d’entente entre les parties.

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