Le ministère interdira les fouilles à nu, même «respectueuses»…
«Extrême », « humiliante », « pas efficace ». Le ministère de l’Éducation « interdira explicitement » aux intervenants en milieu scolaire de soumettre des élèves à des fouilles à nu, aussi « respectueuses » qu’elles soient.
« Il n’est pas nécessaire de se rendre aussi loin que ça », a déclaré sans détour le ministre de l’Éducation, François Blais, mercredi après-midi, après avoir dévoilé le rapport d’enquête indépendant sur la fouille d’élèves en milieu scolaire. « Cette pratique n’a plus lieu d’être tout simplement parce qu’elle est humiliante, disons-le, pour la personne qui va la subir et elle apporte peu de choses au niveau des informations qu’on recherche », a-t-il ajouté, cherchant à clore la controverse des « fouilles à nu respectueuses » qui a précipité la chute de son prédécesseur, Yves Bolduc.
Mais, « si les policiers, pour des raisons x, la pratiquent, ou ont besoin de l’utiliser, c’est à eux de juger », a fait valoir M. Blais.
Une adolescente de 15 ans suspectée de se livrer au trafic de stupéfiants dans la polyvalente de Neufchâtel avait dû — derrière un rideau — retirer tous ses vêtements afin qu’ils soient passés au peigne fin pour vérifier s’ils dissimulaient de la drogue, le 12 février dernier. Interpellé sur le sujet, l’ex-ministre de l’Éducation, Yves Bolduc, avait alors soutenu que la fouille à nu devait être permise dans les écoles à condition d’être menée « de façon très respectueuse ».
« La fouille à nu à l’école secondaire de Neufchâtel et certaines autres fouilles récentes dans d’autres écoles du Québec réussiraient-elles le test de l’arrêt [de la Cour suprême] R. c. M. (M.R.) ? Il est permis d’en douter », souligne l’auteure du rapport d’enquête, Fabienne Bouchard.
Elle presse le ministère de préciser les rôles et les pouvoirs dévolus aux directions d’écoles et aux forces policières dans la lutte contre le trafic de drogue. « La Cour suprême a reconnu aux autorités scolaires des pouvoirs nécessaires. Cela dit, l’école ne doit pas se mettre à faire le travail de la police. Fouiller un casier, un sac à dos ou les poches de manteau d’un élève est une chose ; fouiller l’élève lui-même en lui demandant de se dévêtir en est une autre », fait valoir la procureure de la Couronne à la retraite dans son rapport de 25 pages. Selon elle, la fouille à nu doit demeurer un geste exceptionnel.
M. Blais souscrit pleinement aux trois recommandations formulées par Fabienne Bouchard. « Nous irons plus loin », a-t-il affirmé lors d’une conférence de presse. En plus d’interdire les fouilles à nu par le personnel des écoles, il commande une révision du Cadre de référence sur la présence policière dans les établissements d’enseignement et une plus grande « concertation » entre les différents intervenants impliqués dans la lutte contre le trafic de drogue. « Nous assurerons un meilleur équilibre entre les pouvoirs des écoles d’assurer la sécurité des enfants et les droits des élèves au respect de leur personne », a expliqué M. Blais.
La FQDE déçue
La présidente de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE), Lorraine Normand-Charbonneau, s’est dite « fort déçue » de la position du ministre Blais. « La problématique entourant la consommation de drogue chez les élèves est loin d’être réglée », a-t-elle insisté.
3 recommandations
1. Revoir le Cadre de référence sur la présence policière dans les établissements d’enseignement afin de bien préciser les pouvoirs des autorités scolaires et les rôles des différents intervenants ;2. Établir la concertation nécessaire et développer des partenariats afin d’aider les écoles à respecter leur obligation d’assurer la sécurité des élèves qui leur sont confiés, et ce, dans le respect de leurs droits ;
3. Assurer la formation du personnel scolaire.
Lorsqu’on est rendu à forcer un élève à se dévêtir, de deux choses l’une: ou on a une situation grave et des motifs sérieux et il faut alors faire appel au service de police, ou on fait une partie de pêche et il y a danger d’abus. Seuls l’urgence d’agir ou le danger imminent pourraient justifier ce type d’intervention exceptionnelle de la part d’autorité scolaire.
Si les motifs d’intervention de l’école, le 12 février 2015, reposaient sur le texto dans lequel l’élève offrait de la drogue, et possiblement sur d’autres messages de même nature qu’elle avait envoyés dans le passé, il y avait là une preuve de trafic et l’autorité scolaire aurait dû faire appel à la police. Le fait d’offrir de la drogue peut en effet constituer un trafic. Par ailleurs, avec ce simple texto, l’école en avait suffisamment pour prendre une mesure administrative comme une suspension, ce qu’elle a fait.