Cloutier se veut le candidat de la justice fiscale

Entouré d’une cinquantaine de sympathisants, le député de Lac-Saint-Jean, Alexandre Cloutier, a inauguré dimanche son local de campagne dans l’arrondissement Plateau-Mont-Royal. 
Photo: Annik MH De Carufel Le Devoir Entouré d’une cinquantaine de sympathisants, le député de Lac-Saint-Jean, Alexandre Cloutier, a inauguré dimanche son local de campagne dans l’arrondissement Plateau-Mont-Royal. 

Le député de Lac-Saint-Jean, Alexandre Cloutier, veut inscrire le principe de « justice fiscale » au coeur du programme politique du Parti québécois. Le candidat à la direction du PQ n’y voit ni plus ni moins qu’un antidote à l’« austérité », qui a été présentée par le Parti libéral du Québec comme le seul remède pour assainir les finances publiques québécoises.

En liant le retour à l’équilibre budgétaire en 2015-2016 à des mesures draconiennes, comme la hausse des tarifs de garde ou encore l’abolition des Centres locaux de développement (CLD), le gouvernement Couillard a proposé un faux choix à la population québécoise, estime-t-il.

« On n’a pas à choisir entre l’austérité et l’endettement des Québécois. Il faut regarder la colonne des revenus », plaide M. Cloutier dans un entretien avec Le Devoir avant d’ajouter : « Non seulement on doit parler de justice sociale, mais il est grand temps aussi qu’on parle de justice fiscale. Moi, je veux que ça redevienne un thème majeur, surtout pour un parti progressiste comme le Parti québécois, et je veux qu’on l’assume pleinement. »

Après avoir ouvert la porte à un report de l’équilibre budgétaire mercredi dernier, Alexandre Cloutier soutient que le déficit zéro était atteignable en 2015-2016 sans pour autant alourdir le fardeau fiscal de la classe moyenne ou faire tomber le couperet de tous côtés, comme l’a fait le gouvernement libéral. « J’aurais équilibré le budget de l’État québécois, mais au lieu d’endetter les générations futures, j’aurais eu le courage d’aller chercher l’argent là où il est », ajoute-t-il, visant les grandes sociétés et les particuliers les plus fortunés.

M. Cloutier propose d’abaisser le « plafond » des cotisations annuelles à un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) de 24 000 $ à 18 000 $ et d’établir celui des investissements à un compte d’épargne libre d’impôt (CELI) à 50 000 $, ce qui permettrait à l’État de mettre la main sur des dizaines de millions de dollars supplémentaires chaque année.

Préoccupé de la disparition progressive des régimes de retraite à prestation déterminée dans le secteur privé, l’élu péquiste ne dit pas non à l’instauration d’un régime de retraite public et universel. Il étudierait également la possibilité de bonifier le Régime des rentes du Québec (RRQ). « Ça doit faire partie de la discussion. L’Ontario s’apprête à le faire. Je vois mal comment l’Ontario pourrait être plus généreux envers ses retraités que le Québec », affirme-t-il.

Non à la modulation des tarifs de garde

M. Cloutier compte aussi étudier la possibilité d’ajouter un cinquième taux d’imposition pour les tranches de revenu supérieur à environ 185 000 $, soit « au-dessus d’un salaire de premier ministre québécois ». « Je n’ai pas exclu cette possibilité-là », dit-il, rappelant que le gouvernement péquiste avait ajouté à l’automne 2012 un palier d’imposition pour les revenus de plus de 100 000 $.

En revanche, le prétendant à la succession de Pauline Marois s’engage à mettre la hache dans la nouvelle grille de tarification des services de garde éducatifs à l’enfance. À la trappe, la tarification modulée en fonction des revenus des parents. « Sans aucun doute, ce serait un des premiers gestes que je poserais. C’est normal qu’une fois que tu as donné à l’État [par l’entremise de l’impôt progressif], tu aies accès aux mêmes services [et aux mêmes tarifs que tout autre citoyen] », souligne M. Cloutier. « Moi, je crois à la fiscalité progressive. »

Dans cet esprit, il chercherait à « combattre ceux et celles qui utilisent des moyens légaux pour [la] contourner », par exemple par des fiducies familiales. « Je veux carrément abolir ce modèle-là. On va sauver des dizaines, voire des centaines de millions de dollars. »

L’homme politique compte aussi démanteler les « mécanismes d’incorporation » permettant par exemple aux médecins d’échapper à près de 80 millions en impôts chaque année. « C’est une aberration. […] Pour le moment, je vise les médecins, mais je n’exclurais pas de revoir l’ensemble de l’oeuvre », avertit-il.

Aux yeux d’Alexandre Cloutier, « il y en a, des alternatives à l’austérité ». D’ailleurs, l’État engrangerait au moins 500 millions de dollars « juste » en réintroduisant une taxe sur le capital des institutions financières.

L’ex-ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes entend aussi modifier la Loi sur la protection du consommateur afin de limiter les frais de services bancaires à 10 $ par mois, ce qui permettrait de « redonner aux Québécois 700 millions » par année. « Les Québécois paient chaque année 1,4 milliard, juste pour avoir accès à leur argent », dénonce-t-il.

Sous sa gouverne, le Québec emboîterait le pas à l’Ontario en introduisant un impôt minimum sur les sociétés générant des recettes de plus de 100 millions par année. « Il y a un minimum qui doit être payé à l’État québécois, si ce n’est que pour l’utilisation des infrastructures », fait valoir M. Cloutier. L’Ontario a assujetti à un impôt minimum sur les sociétés de 2,7 % les « grandes entreprises ».

Le candidat à la chefferie du PQ décrit les lois fiscales québécoises comme « une espèce de gros fromage suisse ». « Elles sont remplies de trous ! »

Le Trésor pourrait récupérer quelque 100 millions par année en s’assurant que les entreprises étrangères brassant des affaires en ligne perçoivent la taxe de vente du Québec (TVQ) sur les achats faits par des Québécois. « Il y en a des alternatives à l’austérité », martèle-t-il.

On n’a pas à choisir entre l’austérité et l’endettement des Québécois. Il faut regarder la colonne des revenus. Non seulement on doit parler de justice sociale, mais il est grand temps aussi qu’on parle de justice fiscale. Moi, je veux que ça redevienne un thème majeur, surtout pour un parti progressiste comme le Parti québécois, et je veux qu’on l’assume pleinement

À voir en vidéo