Sébastien Ricard proclame l’échec des états généraux

Le jugement est sans appel. Les États généraux sur la souveraineté du Québec ont échoué à mener une remise en question « franche » et « indépendante » des « façons de penser et de faire » du mouvement indépendantiste, fait valoir l’artiste Sébastien Ricard. « Tout l’exercice est un échec », lance sans détour l’ancien commissaire des états généraux sur la souveraineté, tenus en 2013, dans un entretien avec Le Devoir.
Sébastien Ricard, alias Batlam du groupe Loco Locass, a refusé d’apposer sa signature au bas du rapport final de la commission, coiffé du titre « Forger notre avenir », dévoilé dans l’indifférence polie de la famille indépendantiste il y a quelques jours.
L’artiste accuse à demi-mot le Conseil de la souveraineté du Québec de l’avoir muselé, en lui refusant d’annexer un « rapport dissident » de 30 pages au document rédigé par ses collègues après deux tournées du Québec. « Ça, j’ai trouvé que c’était un peu fort de café. Je trouvais incroyable que je ne puisse pas me prononcer au terme de tout cet exercice-là », relate-t-il.
À ses yeux, la « censure » dont il a été victime constitue ni plus ni moins une nouvelle illustration du « refus [des organisations indépendantistes] de s’engager dans une autre voie que celle qui nous a fait rentrer dans le mur » au fil des dernières décennies.
Au terme d’une commission itinérante accaparée par des « militants souverainistes » « accus[ant] le Canada de tous les maux », Sébastien Ricard reproche aux élites indépendantistes québécoises d’être incapables de « réfléchir au Québec depuis le Québec, sans passer toujours par le Canada ». « Après ça, c’est eux qui proposent d’aller faire des campagnes pour aller renouveler le message souverainiste. C’est vraiment épuisant ! » lâche le comédien et chanteur.
M. Ricard dénonce également la « compromission » de « toute la classe politique » au système politique mis en place il y a près de 150 ans par l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, qu’il décrit comme une « fable d’une élite politique » sur laquelle le « peuple n’a jamais pu se prononcer [par le biais] d’une consultation populaire ». « On se retrouve dans un système qu’on pratique par défaut sans en connaître vraiment l’origine et l’aboutissant », explique-t-il.
Il regrette de voir les élus de l’Assemblée nationale, au premier chef les péquistes et les solidaires, ne pas « remettre en question » le parlementarisme britannique. « Le peuple élit des représentants qui, aussitôt arrivés à l’Assemblée nationale, lui tournent le dos en prêtant serment à la reine. Le pouvoir et le prestige, quoi qu’on en dise, ils jouent un rôle important dans cette affaire-là. »
Les « lendemains déchantent » avec le PQ
Batlam juge aussi « un peu fou » de voir certains candidats pressentis à la direction du Parti québécois avancer des dates pour la tenue d’un troisième référendum sur la souveraineté du Québec alors que l’appétit de la population est plutôt mince, selon les sondages d’opinion. « C’est délirant ! » Malgré un « regain [d’intérêt] » pour une telle consultation au lendemain du référendum en Écosse, « ce genre de propositions-là intéresse de moins en moins de personnes », soutient-il.
En plus de dissimuler un « refus de réfléchir aux problèmes fondamentaux », ce type de « discours politique » suscite l’« ennui »,voire l’« écoeurement » au sein de la population. « Ça me rend malade. »
Après avoir été poussées par un véritable « élan populaire », les figures de proue du PQ « se sont distanciées du peuple », dit-il, implacable. « On en vit les lendemains qui déchantent. […] Le Canada nie la souveraineté du peuple, mais les élites québécoises la nient elles aussi comme par mimétisme ou par aliénation. Ça me semble être un scandale. »
Sébastien Ricard appelle la « société civile » à « sortir des sentiers battus et rebattus » pour conquérir la « souveraineté ». De son côté, il propose la tenue d’une assemblée constituante, un « exercice vraiment stimulant », au cours des prochaines années.