Couillard refuse de prendre l’initiative de discussions

Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard

Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, met en sourdine tout projet de ratification de la Loi constitutionnelle de 1982, faute d’« appuis » dans le Rest of Canada (ROC).

Il refuse de prendre l’initiative de discussions constitutionnelles — vouées à ce moment-ci à un échec assuré — même s’il juge « souhaitable » de « corriger un jour » cette « situation pas banale ». Le Québec doit « entreprendre cette démarche au bon moment » et avec l’appui d’« alliés », sinon il en sortira une nouvelle fois « affaibli », a déclaré M. Couillard lors d’une conférence de presse tenue vendredi.

Il réagissait à la victoire du camp du Non en Écosse, qui a soldé une campagne référendaire suivie « de près » par les Québécois. « On y a trouvé les échos de notre passé récent », a-t-il mentionné.

Les Écossais ont choisi de « conjuguer leur identité nationale très forte avec l’appartenance à un plus grand ensemble. Chez nous, on le sait, ce choix s’est exprimé à trois reprises, lors de deux référendums et aussi de la récente élection générale, qui était […] fortement imprégnée de l’enjeu référendaire. »

Le Non des Écossais renforcera vraisemblablement l’Écosse par une nouvelle « dévolution » de pouvoirs de la part de Westminster, observe-t-il.

En revanche, le Non des Québécois aux référendums de 1980 et 1995 et au « demi-référendum » d’avril 2014 a « affaibli » le Québec, souligne-t-il à gros traits. Les « échecs répétés » des indépendantistes québécois « n’ont pas [eu] pour effet d’augmenter le rapport de force du Québec, au contraire », observe M. Couillard. En 1982, Ottawa avait rapatrié la loi fondamentale du Canada sans l’accord du Québec. En 2000, il avait adopté la Loi sur la clarté. Néanmoins, le Québec jouit de « prérogatives » qui font l’envie de « la plupart des États nationaux », a fait valoir le premier ministre.

À moins de trois ans du 150e anniversaire de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (AANB), M. Couillard a une nouvelle fois chanté les louanges du fédéralisme canadien. Il y voit « une réponse moderne et adaptée aux besoins qu’ont les peuples de bâtir sur les fondations de leur identité distincte une citoyenneté basée sur le partage économique, social, culturel et politique ».

Le Québec n’est ni « affecté », « opprimé », « affaibli » ou « mal en point » dans la fédération canadienne, a-t-il argué. « Déjà, les Québécois font un gain énorme parce qu’ils appartiennent au Canada. Ça, il faut le répéter. »

Dans une simple perspective « comptable », le gouvernement fédéral « dépense » 16 milliards de dollars de plus au Québec qu’il n’en « récolte », a-t-il fait remarquer.

« Le Québec dispose à l’intérieur du Canada d’une bien plus grande liberté d’action, de compétences plus étendues et donc d’une plus grande capacité à faire ses propres choix, a affirmé le chef du gouvernement libéral. Si les Écossais avaient ce que nous avons, les Québécois dans le Canada, ils seraient probablement très heureux. »

L’état des relations fédérales-provinciales est, à l’heure actuelle, « correct », a-t-il précisé. « [Cependant], la construction d’un pays n’est jamais terminée. » Le chef du PLQ ne craint pas de voir le mouvement indépendantiste québécois galvanisé par la volonté de 45 % des Écossais de tourner le dos au Royaume-Uni. « Clairement, les Québécoises et les Québécois ont d’autres priorités, a affirmé M. Couillard, pointant la relance de l’économie. Une idée ne meurt pas. C’est sa capacité de générer un ralliement politique qui [pose] question. »

Ils, elles ont dit

«La campagne référendaire s’est transformée en un mouvement grassroots. Il y a eu mobilisation populaire de la base vers les dirigeants. Le Oui a mené une campagne à la fois structurée, organisée et décentralisée vers les citoyens et les médias sociaux. C’est inspirant.»
— Martine Ouellet, députée péquiste

«Nous avons énormément de travail à faire pour atteindre le niveau de préparation et de précision des Écossais. Il va falloir redoubler d’ardeur.»
— Alexandre Cloutier, député péquiste

«Je suis émue par cette défaite qui me rappelle 1995 à bien des égards. Mais je retiens que près de la moitié des Écossais envoient un message très fort à toutes les nations du monde : un peuple qui a confiance en lui, qui est ouvert au monde et qui a de l’audace, est capable de tout. Il faut accepter d’y mettre temps et patience.»
— Françoise David, députée de Québec solidaire

«Ceux qui incluent dans la définition de démocratie un élément d'information équilibrée auront vu [en Écosse], comme au Québec, une disproportion effarante des grands titres en faveur du Non. Les tactiques de peur auront eu une place immense dans cette campagne. À en croire plusieurs journaux britanniques, c'est l'indépendance écossaise que décrivait l’Apocalypse.»
— Jean-Martin Aussant, ancien chef d’Option nationale

 
Propos recueillis par Marco Fortier et Jean-François Nadeau


À voir en vidéo