Bolduc doit rembourser, dit le PQ

Le Parti québécois somme le ministre Yves Bolduc de rembourser la rémunération incitative de 215 000 $ qu’il a reçue pour prendre en charge des patients sans médecin de famille quand, député dans l’opposition, il a repris la pratique de la médecine, des patients qu’il a dû abandonner à leur sort une fois redevenu ministre.
« Les patients sont de retour sur les listes d’attente, mais l’argentest encore dans les poches du ministre. Est-ce que le ministre s’engage à rembourser les sommes reçues des contribuables pour des patients qu’il a largués 19 mois ? », a réclamé la leader de l’opposition officielle, Agnès Maltais, pendant la période de questions prévue lors de la séance extraordinaire qu’a tenue l’Assemblée nationale afin d’adopter les crédits du gouvernement.
Comme le révélait jeudi le quotidien Le Soleil, une lettre d’entente signée avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) en 2011, au moment où le Dr Yves Bolduc occupait le poste de ministre de la Santé et des Services sociaux, permet aux médecins de toucher un forfait, en sus de leur rémunération à l’acte, chaque fois qu’ils prennent à leur charge un patient qui n’a pas de médecin de famille : 208,60 $ pour un patient dit vulnérable et 100 $ pour un patient non vulnérable. Le but du ministère est de réduire de façon durable le nombre le nombre de patients qui n’ont pas accès à un médecin de famille. La lettre d’entente prévoit que les médecins doivent assumer cette prise en charge pour une période minimale de 12 mois, à défaut de quoi le forfait est réduit de moitié.
« J’ai suivi les règles habituelles »
Alors qu’il était sur les banquettes de l’opposition, le Dr Bolduc, reprenant sa pratique d’omnipraticien, a profité des dispositions de l’entente en prenant à sa charge 1500 patients dans un contexte voulant que le gouvernement péquiste, alors minoritaire, puisse être renversé à tout moment. Dix-neuf mois plus tard, soit sept mois de plus que la période minimale exigée par l’entente, le Dr Bolduc, nommé ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, se délestait de ses patients.
Outre le forfait de 215 000 $, le Dr Bolduc aurait encaissé 150 000 $ pour les actes médicaux qu’il a posés en plus de son salaire de député de 89 950 $, pour un total de plus de 450 000 $.
Yves Bolduc a confirmé, jeudi, avoir cumulé une rémunération de cet ordre. « J’ai suivi les règles habituelles, a-t-il plaidé. Ce que j’aime vraiment le plus, c’est de voir des patients. Et comme de fait, quand un médecin travaille, il y a une certaine rémunération qui est attachée [sic]. »
Yves Bolduc a soutenu qu’« on ne pouvait pas savoir » que le gouvernement Marois, alors minoritaire, perdrait les dernières élections.
Agnès Maltais n’en a pas démordu : « Vous connaissez la phrase : il n’y a rien de trop beau pour la classe ouvrière ? Bien, de l’autre côté, c’est : il n’y a rien de trop beau pour la classe médico-libérale ! »
Tant le premier ministre Philippe Couillard que le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, se sont portés à la défense de leur confrère. « Je ne vois pas pourquoi on en fait une histoire », s’est étonné le premier ministre dans un point de presse. « Je trouve ça étrange qu’on lui reproche d’avoir vu des patients. »
« Il a pris en charge des patients selon les règles en vigueur », a réitéré Philippe Couillard. Selon lui, on ne devrait pas empêcher un médecin qui projette de prendre sa retraite de voir de nouveaux patients. « Ça n’a pas de sens, juge-t-il. Ou bien, alors, le Dr Bolduc, qui a fait ses activités médicales dans le secteur public, on devrait lui dire : “ bien, la prochaine fois, reste dans le secteur privé, désengage-toi de la Régie de l’assurance maladie ? ” Soyons prudents. »
« Immoral »
« Le tout est immoral », a insisté Agnès Maltais. Il n’y a rien de tel, a répliqué Gaétan Barrette. « Lorsqu’on agit selon les règles, ça s’appelle respecter les lois et c’est, à ma connaissance, moral. » Et c’est sur un ton badin qu’il a présenté un argument que manifestement, il savait tordu : si le gouvernement Marois avait respecté la Loi sur les élections à date fixe, il n’y aurait pas eu d’élections et le Dr Bolduc « aurait pu continuer à servir la population ».
Pour le porte-parole de la Coalition avenir Québec en matière de santé, Éric Caire, le Dr Bolduc a pris l’engagement de prendre en charge 1500 patients et il doit le respecter. « L’objectif, c’est qu’il soigne des gens, donc, qu’il le fasse. Il a été payé pour ça », a affirmé le député de La Peltrie dans un point de presse. « S’il a une job qui est de trop, à mon avis, ce n’est pas celle de médecin. »
Dans un communiqué, la porte-parole de Québec solidaire, Françoise David, a accusé le Dr Bolduc ainsi que la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) d’avoir « grandement manqué de jugement ».
« Le ministre Bolduc a touché un incitatif salarial généreux — qu’il a lui-même mis en place — pour prendre en charge ces personnes. Il avait une responsabilité face à elles et les a laissées en plan du jour au lendemain !, a-t-elle dénoncé. Prendre en charge des patients devrait impliquer une notion d’engagement à long terme. Or, M. Bolduc, alors critique de l’opposition officielle en santé, savait que le gouvernement minoritaire péquiste pouvait tomber à tout moment et que son parti pouvait se retrouver au pouvoir. »