Québec réclame un « tablier hybride »

En conférence de presse le ministre Poëti (entre Nicolas Girard et Gaétan Barrette), s’est défendu de repousser de plus d’un an sa décision.
Photo: La Presse canadienne (photo) Jacques Boissinot En conférence de presse le ministre Poëti (entre Nicolas Girard et Gaétan Barrette), s’est défendu de repousser de plus d’un an sa décision.

Le gouvernement libéral garde les options ouvertes. Le ministre des Transports, Robert Poëti, refuse de trancher entre un système léger sur rail (SLR) ou un système d’autobus amélioré sur le nouveau pont Champlain avant de prendre connaissance du « dossier d’opportunité » attendu à la fin de l’été 2015.

 

M. Poëti s’est défendu de repousser de plus d’un an une prise de décision. « [Sur le SLR] on ne recule pas », a-t-il fait valoir lors d’une conférence de presse jeudi après-midi. Il dit suivre à la lettre la politique-cadre sur la gouvernance des grands projets d’infrastructure publique, à défaut de quoi il commettrait un acte « pratiquement illégal ». « C’est le gouvernement précédent qui a instauré cette directive-là », a-t-il précisé.

 

Le gouvernement libéral veut faire le « meilleur choix possible » entre les différentes propositions de mode de transport collectif pour le corridor de quelque 15 km entre le centre-ville de Montréal et le carrefour des autoroutes 10 et 30 sur la Rive-Sud, a répété le ministre responsable de la région de Montréal.

 

Selon le Parti québécois, le ministre Poëti « renie tout le travail réalisé depuis 2007 [dans ce dossier…] en nous faisant perdre temps et argent ». « Même si je vous disais qu’aujourd’hui je prenais la décision d’un SLR, il serait impossible qu’il soit fonctionnel en 2018 », a indiqué M. Poëti, au côté du p.-d.g. de l’Agence métropolitaine des transports (AMT), Nicolas Girard. Il a notamment rappelé la nécessité de confier le projet de SLR — s’il est retenu — à l’examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Promettre un SLR en 2020 ou 2021, « c’est agressif ». « Honnêtement, je vous le dis comme ça, on pourrait aller à 2022 ou peut-être 2023. »

 

« Tablier hybride »

 

M. Poëti a demandé au gouvernement fédéral de construire un « tablier hybride » sur le nouveau pont enjambant le fleuve Saint-Laurent, ce qui permettra au gouvernement du Québec de mettre en place un « système d’autobus plus efficace » dès 2018, tout en « préserv[ant] l’option d’y installer un SLR éventuellement ».

 

Ni une ni deux, le ministre fédéral des Transports, Denis Lebel, a acquiescé à la demande. « Nous avions déjà commencé à planifier la conception d’un tablier central hybride dans le cadre du Projet de corridor du nouveau pont pour le Saint-Laurent », a-t-il indiqué. D’ici un mois, il aura en main les données techniques prévoyant un tablier central pouvant accueillir un SLR ou des autobus de la part du bureau de projet piloté par l’AMT et le ministère des Transports du Québec (MTQ).

 

D’aucune façon, cette décision ne ralentira les travaux de construction du nouveau pont Champlain, dont la livraison a été devancée de 2021 à 2018, a fait savoir M. Lebel.

 

Plus de 2,5 milliards de dollars

 

M. Poëti promet un service de navettes « fonctionnel » et « amélioré » de l’ouverture du nouveau pont Champlain en 2018 à 2023 — si le ministre opte pour une ligne de train léger. « La configuration d’entrées et sorties sur le pont va être améliorée. […] Juste là, moi, je suis sûr qu’on fait des gains de temps », a-t-il dit.

 

La facture d’un SLR pour le nouveau pont Champlain pourrait être quelque part dans une « fourchette » de 1,5 à au moins 2,5 milliards de dollars. « La fourchette est tellement grande qu’il est actuellement impossible pour moi de chiffrer exactement [les coûts] », a expliqué le ministre libéral.

 

Le « dossier d’opportunité » MTQ-AMT fera toute la lumière sur les coûts et les bénéfices du bus et du SLR, ainsi que sur les meilleurs modes de réalisation et de financement. « Le gouvernement du Québec sera ainsi en mesure de prendre une décision définitive sur le mode de transport collectif à privilégier sur le nouveau pont sur le Saint-Laurent en fonction des besoins actuels et futurs de la région métropolitaine », a indiqué Nicolas Girard.

 

Par ailleurs, M. Poëti a coupé court jeudi à toute idée de lever le voile sur l’étude commandée à la firme AECOM. « Et pourquoi on ne va pas le dévoiler, M. Girard ? » a-t-il. « Il y a différents scénarios de corridors sur des localisations également de stations, et on veut éviter qu’il y ait une spéculation foncière autour de ces éventuelles stations », a répondu l’ancien élu péquiste.

 

Quelques minutes plus tard, M. Poëti s’est dit « satisfait de ce qu’[il] reçoit » du grand patron de l’AMT.
 

Le maire Coderre satisfait

Le maire Denis Coderre s’est dit satisfait de la décision du ministre des Transports, Robert Poëti, même si celui-ci a refusé de s’engager en faveur d’un système léger sur rail (SLR) pour le futur pont Champlain. « On ne partira pas de guerre psychologique, a dit M. Coderre. On va accompagner le ministre. Ce qui est important, c’est de s’assurer qu’on est partie prenante de la décision. » L’opposition à l’Hôtel de Ville n’est pas rassurée. « Nous sommes inquiets. C’est un autre délai. On étudie ce corridor de mobilité depuis 40 ans. Il est temps d’aller de l’avant avec ça », estime le conseiller de Projet Montréal, Craig Sauvé. Rappelons qu’à l’unanimité, le conseil municipal de Montréal ainsi que les élus de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) ont réclamé un SLR sur le pont que construira Ottawa. Les élus montréalais redoutent particulièrement l’augmentation du nombre d’autobus provenant de la Rive-Sud sur leur territoire. Jeanne Corriveau


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