«Décisions difficiles» en vue à Québec

Québec — C’est en brossant un portrait dramatique de la situation économique et financière du Québec que le premier ministre Philippe Couillard a dévoilé son cabinet composé de 26 ministres, dont quatre ministres délégués. Seulement huit ministres sont des femmes, soit moins que l’objectif de 40 % qu’il s’était fixé. Des 22 ministres en titre, la moitié furent ministres sous Jean Charest.
« L’heure n’est plus aux mesures marginales ou cosmétiques. Le moment des décisions difficiles est venu », a déclaré mercredi le premier ministre dans le discours qui a suivi l’assermentation de ses ministres.
Citant les grands défis que représentent le poids de la plus importante dette publique au Canada, les dépenses les plus élevées et le fardeau fiscal le plus lourd, Philippe Couillard juge que le Québec « fait face à des enjeux profonds, structurels qui vont au-delà des changements de gouvernement. En bref, nous dépensons plus que nos moyens ne nous le permettent depuis longtemps ». La seule austérité n’est pas la solution : elle doit s’accompagner de changements structurels et de mesures de croissance, a-t-il signalé.
Dans ce qu’il a qualifié de « gouvernement de l’économie et du redressement », Philippe Couillard a nommé cinq hommes aux commandes des ministères cruciaux, dont les trois nouveaux venus de son trio économique : Carlos Leitao au ministère des Finances, Martin Coiteux au Conseil du trésor et Jacques Daoust au ministère de l’Économie, de l’Innovation et des Exportations. Gaétan Barrette reçoit les rênes de l’exigeant ministère de la Santé et des Services sociaux, tandis que l’ancien ministre de la Santé, Yves Bolduc, devient ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport et ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de la Science.
Les responsabilités des finances et de l’économie, réunies dans un seul ministère dans le gouvernement Marois, sont réparties dans deux ministères, comme avant. Le Commerce extérieur, qui était passé au ministère des Relations internationales, réintègre le giron économique.
Le président du Conseil du trésor se voit doté d’une nouvelle responsabilité, celle de ministre de la Révision permanente des programmes. Martin Coiteux vient de la fonction publique fédérale, où une telle révision de programmes a été implantée. Le nouveau venu, à l’intellect acéré, ne doit rien à ses collègues et tout à Philippe Couillard. « Nous devons recentrer l’État sur ses missions essentielles que sont la santé, l’éducation et l’aide aux personnes vulnérables », a souligné le premier ministre.
Comme ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Philippe Couillard a choisi François Blais, l’ex-doyen de la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval, mais surtout un apôtre du revenu minimum garanti. Le nouveau ministre n’a toutefois reçu aucun mandat du premier ministre pour mettre en oeuvre cette ambitieuse mesure.
Désignée vice-première ministre, Lise Thériault, qui avait tenu tête aux syndicats de la construction comme ministre du Travail, devient la première femme à occuper le poste de ministre de la Sécurité publique. Une surprise : Stéphanie Vallée est propulsée ministre de la Justice et de la Condition féminine, responsable du prochain projet de loi libéral sur la neutralité religieuse de l’État.
Compagnons d’armes
Philippe Couillard n’a pas oublié ses compagnons d’armes de la course au leadership. Stéphane Billette est nommé whip, tandis que Sam Hamad devient ministre du Travail. À ce titre, il devra négocier avec les syndicats le nouveau décret de la construction qui doit entrer en vigueur en juin, tout en évitant que des débrayages viennent ralentir les chantiers. L’ex-démarcheur pour la firme d’ingénieurs BPR, Jean D’Amour, est nommé ministre délégué aux Transports et à l’Implantation de la stratégie maritime.
Quant à Kathleen Weil, elle retourne à ses anciennes fonctions, celles de ministre de l’Immigration, « de la Diversité et de l’Inclusion », une appellation qui remplace le terme « Communautés culturelles » et qui est en soi un programme politique. Fidèle soldat, Jean-Marc Fournier redevient leader parlementaire, tout en assumant la responsabilité des Affaires intergouvernementales canadiennes — il a fait partie de l’équipe de Michael Ignatieff en 2009 et 2010 —, de l’Accès à l’information et de la Réforme des institutions démocratiques.
Une grande absente
La responsabilité de la Charte de la langue française échoit à la recrue Hélène David, ancienne vice-rectrice de l’Université de Montréal. La députée d’Outremont est nommée ministre de la Culture et des Communications et ministre responsable de « la Protection et de la Promotion de la langue française », un autre nouveau vocable. Un autre candidat choisi par le chef libéral, David Heurtel, se voit confier le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la « Lutte aux changements climatiques ». Pierre Arcand, qui occupait ce poste dans le gouvernement Charest, est désigné ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, responsable du Plan Nord, tandis que Laurent Lessard prend la tête du nouveau ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs.
Un autre député de la région de l’île de Montréal, l’ancien policier Robert Poëti, se retrouve ministre des Transports et responsable de la région de Montréal, tandis que le vétéran Pierre Paradis, après un purgatoire de neuf ans sous Jean Charest, obtient l’Agriculture, les Pêcheries et l’Alimentation.
La grande absente, c’est l’ex-ministre Julie Boulet, confinée au rôle de simple députée, elle qui était la reine de sa région, la Mauricie. Aucune raison n’a été fournie. Marguerite Blais s’est désistée pour des raisons de santé, a-t-elle affirmé, laissant la place de ministre responsable des Aînés à Francine Charbonneau, qui est aussi titulaire du ministère de la Famille.
En tout, 16 des 26 ministres proviennent de la grande région de Montréal, un sommet.