La charte va trop loin, selon les Indépendantistes

Les Indépendantistes pour une laïcité inclusive et son président, Jean Dorion, ont rendu public dimanche leur mémoire sur le projet de loi 60.
Photo: Annik MH de Carufel - Le Devoir Les Indépendantistes pour une laïcité inclusive et son président, Jean Dorion, ont rendu public dimanche leur mémoire sur le projet de loi 60.

L’organisme Indépendantistes pour une laïcité inclusive (IPLI) s’oppose farouchement au projet de charte des valeurs du Parti québécois, même s’il est, lui aussi, en faveur de l’indépendance du Québec. Dans un mémoire qu’il déposera devant la commission parlementaire, l’IPLI considère que le gouvernement Marois va à l’encontre des traditions historiques du Québec depuis Samuel de Champlain en passant par les Patriotes et les grands acteurs de la Révolution tranquille.

 

« Ce qui a toujours caractérisé le Québec, c’est sa capacité à faire du métissage, à accueillir les autres et à accepter la différence », lance Robin Philpot, conseiller de l’IPLI. « Dans l’histoire, on voit que Champlain s’est mélangé aux nations autochtones, que les Patriotes ont fait passer la loi d’émancipation des juifs et que le mouvement indépendantiste est né avec l’idée qu’il fallait embrasser large pour permettre au Québec de se réaliser. Que ce soit Bourgault, Lévesque ou Godin, tout le monde savait qu’il fallait embrasser large », dit-il.

 

Aveu d’impuissance

 

À la lumière de l’histoire, l’IPLI soutient donc que le projet de charte du gouvernement Marois ne constitue rien de moins « qu’un aveu d’impuissance face au pouvoir canadien » et qu’il ne fait que créer de la « diversion ». « Le problème, c’est que le gouvernement Marois se penche sur les questions entourant l’identité québécoise sans aborder celle fondamentale du statut politique du Québec », mentionne M. Philpot. « Selon nous, la vraie menace de l’identité québécoise est l’État canadien, qui refuse depuis des années de nous accommoder. Mais le gouvernement, au lieu de s’attaquer à cette menace, s’attaque à un adversaire imaginaire, qui est l’immigrant et le musulman », explique-t-il

 

L’IPLI demande du coup au ministre responsable des Institutions démocratiques, Bernard Drainville, de retirer l’article 5 de son projet de charte sur le port de signes religieux dans la fonction publique. Il suggère plutôt d’interdire simplement le port de signes religieux aux agents de l’État qui ont des pouvoirs coercitifs, comme les juges et les policiers.

 

« Nous ne croyons pas que, dans la majorité des fonctions, le port de signes religieux par certains employés porte atteinte à la neutralité religieuse de l’État, affirme Jean Dorion, président et coporte-parole de l’IPLI. Au contraire, dans la mesure où ces personnes évitent tout prosélytisme et toute forme de favoritisme, nous croyons que c’est l’interdiction de ces signes qui peut porter à croire que l’État n’est pas neutre, mais hostile envers les religions. »

 

Femmes victimes

 

Une autre membre de l’IPLI, Rosa Pires, craint aussi que les femmes soient les principales victimes de ce projet de charte. Bien que les Indépendantistes appuient le principe de la laïcité, Mme Pires rappelle qu’elle n’est pas nécessairement gage d’égalité entre les hommes et les femmes. « La France a été pionnière de la laïcité en 1905, mais elle fut néanmoins presque le dernier pays en Occident à reconnaître le droit de vote des femmes en 1944 », a-t-elle dit.

 

Selon elle, le gouvernement Marois a aussi oublié d’évaluer les conséquences du débat actuel. « Les dommages seront longs à réparer. De nombreuses femmes québécoises, ainsi que leur entourage, n’oublieront jamais comment elles ont été stigmatisées à l’automne 2013 », croit Mme Pires. « Tout ce débat fait aussi en sorte que de nombreux immigrants tourneront de plus en plus le dos au PQ et, par le fait même, au mouvement souverainiste », déplore Robin Philpot qui n’est, lui-même, plus membre du PQ depuis l’automne dernier.

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