Charte des valeurs québécoises - Des femmes musulmanes seraient victimes d’intimidation
Les centres de femmes ont sonné l’alarme mercredi : les cas « d’intolérance, de violence et de racisme » à l’égard des femmes musulmanes qui portent le voile seraient en hausse depuis que le débat sur la Charte des valeurs fait rage au Québec.
Des femmes seraient « bousculées, insultées et dénigrées », selon le Regroupement des centres de femmes du Québec.
« Une femme voilée s’est fait rentrer dedans à l’épicerie avec un chariot en se faisant crier de rentrer dans son pays », raconte par exemple Annie Kouami, du Centre des femmes de Verdun. « D’autres se sont fait cracher dessus », ajoute-t-elle, faisant état de « six à huit événements » dont le centre aurait eu vent. « Il nous appartient d’agir pour que ça arrête, car ici ce sont des femmes qui sont visées… Au nom de l’égalité hommes-femmes. »
« Les centres de femmes appellent la population à faire preuve de respect. On ne prend pas position sur la Charte, mais si on veut en discuter, on doit garantir aux femmes un espace sécuritaire », dit Valérie Létourneau, responsable des communications au regroupement.
Le Devoir a contacté plusieurs centres de femmes de Montréal pour corroborer cette dénonciation. Trois centres sur sept ont confirmé avoir reçu quelques témoignages de femmes ayant été témoins ou victimes d’une agression verbale ou physique d’une femme voilée dans l’espace public, dont celui de Laval et celui d’Anjou.
Même dans les centres où on n’a pas d’anecdote précise à rapporter, on indique que l’inquiétude des musulmanes est palpable. « Elles reçoivent la Charte avec beaucoup d’inquiétude, se sentent rejetées et [voient la Charte] comme une manifestation de fermeture, voire de racisme. Elles ont peur des dérapages », dit Patricia Vinci, organisatrice communautaire dans Côte-des-Neiges.
Des crimes difficiles à mesurer
Le Service de police de la Ville de Montréal n’a pas noté de hausse des crimes haineux au cours des dernières semaines. « Nous sommes aux aguets et nous comptabilisons tous les crimes haineux dès que nous avons un doute en ce sens. Malgré tout, je n’ai pas plus d’événements de rapport. Je ne dis pas que ça n’existe pas, mais ces crimes ne nous ont pas été rapportés », indique le commandant Ian Lafrenière. Il invite la population à rapporter ces événements à la police, qu’ils en soient témoins ou victimes.
Quelques femmes musulmanes et voilées ont bien raconté au Devoir qu’elles avaient été insultées, sans être agressées physiquement, sur la place publique dans les dernières semaines.
Si l’ampleur réelle de cette montée de l’intolérance est difficile à mesurer, le ministre Bernard Drainville refuse d’en porter le blâme. Il condamne ces « gestes d’intimidation », mais assure que, « globalement, le débat se fait dans le respect et le calme ». Selon lui, la Charte des valeurs va même, à terme, ramener « beaucoup plus d’harmonie, va générer moins de tension et créer de la cohésion ».