Prudence et scepticisme dans le monde de l’éducation

Afida est éducatrice dans un centre de la petite enfance à Montréal.
Photo: - Le Devoir Afida est éducatrice dans un centre de la petite enfance à Montréal.

Le monde de l’enseignement accueille avec prudence et un certain scepticisme la proposition de la Charte des valeurs québécoises. La création de balises claires est vue d’un bon oeil, mais leur mise en application suscite plusieurs interrogations.

 

La troisième proposition annoncée mardi matin par le gouvernement Marois encadre le port de signes religieux ostentatoires pour le personnel des municipalités, des ministères et des organismes gouvernementaux, mais également pour le personnel des centres de la petite enfance (CPE), des garderies privées subventionnées, des écoles primaires et secondaires publiques, des cégeps et des universités.

 

Le gouvernement ouvre toutefois la porte à certaines exceptions en permettant aux cégeps et aux universités de se prévaloir d’un « droit de retrait », renouvelable tous les cinq ans, afin de respecter « l’autonomie de ces institutions postsecondaires ».

 

« Il faut que le gouvernement réponde pourquoi eux et pourquoi pas nous, lance le président de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), Sylvain Mallette, qui représente des enseignants du préscolaire, du primaire et du secondaire. Dans les faits, ça va être une laïcité à deux vitesses. » La FAE a indiqué publiquement il y a quelques jours qu’elle s’oppose à l’interdiction du port de signes religieux ostentatoires, et sa position n’a pas changé. « C’est au gouvernement de nous convaincre que ce n’est pas une bonne position et que la sienne est meilleure que la nôtre. Mais on est toujours parlables. »

 

Confusion en vue?

 

La Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE), qui défend elle aussi les intérêts d’enseignants de niveau préscolaire à secondaire, salue pour l’instant « l’ouverture à la discussion ». « On se retrouvait souvent avec une gestion à la pièce de chaque situation. En établissant des balises, ce sera plus facile pour les enseignants de se positionner par rapport à de nouvelles réalités », juge la présidente Josée Scalabrini.

 

La Fédération des commissions scolaires du Québec insiste elle aussi sur la nécessité d’un guide pour prendre de meilleures décisions sur le terrain. Sa présidente, Josée Bouchard, estime que des balises pourront rassurer les enseignants et les directions d’écoles. Elle compte toutefois questionner le gouvernement au sujet de la mise en application des propositions et du rôle qu’auront à jouer les commissions scolaires.

 

Les enseignants collégiaux et universitaires regroupés au sein de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ) pourraient quant à eux faire face à une certaine confusion, craint la présidente Caroline Senneville. Elle a notamment en tête le droit de retrait dont pourraient se prévaloir certains établissements. « J’aurais cru qu’un des objectifs derrière un tel projet aurait été de rendre les choses plus claires. Avec la possibilité de retrait, je ne suis pas sûre que ça atteigne l’objectif visé. »

 

Centre de la petite enfance

 

En ce qui concerne le réseau des garderies, l’Association québécoise des CPE a préféré attendre de consulter ses membres avant de prendre position.

 

Le président de l’Association des garderies privées du Québec, qui représente près de la moitié des garderies privées subventionnées de la province, s’est montré plus loquace : « C’est aberrant, c’est une ingérence dans la vie des garderies, s’est indigné Sylvain Lévesque. On a des valeurs éducatives qui ne font pas du tout la promotion de la religion. En quoi le discours d’une éducatrice qui porte une casquette plutôt qu’un foulard religieux va changer, selon vous ? »

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