Turban au soccer - Marois indignée

La première ministre Pauline Marois s’est indignée vendredi des commentaires « disgracieux » formulés à l’extérieur du Québec contre l’interdiction de porter le turban pour les joueurs de soccer. Elle a défendu une fois de plus vendredi la décision de la Fédération de soccer du Québec (FSQ), qui s’est fait contredire par la puissante Fédération internationale de football association (FIFA).
Mme Marois a déploré le traitement de cette controverse et l’interprétation qu’en ont faits certaines personnes qui ont critiqué sévèrement le bannissement du turban par les autorités québécoises du soccer.
« C’est de l’ordre du dérapage, littéralement. Je crois que l’attitude qu’ont prise des porte-parole de fédérations sportives ou tout simplement des animateurs ou des analystes à l’égard du Québec est complètement critiquable, parce qu’on sait très bien que ce n’est pas la réalité québécoise. […] Je trouve ça triste, dommage et condamnable », a réagi la première ministre en dressant un bilan de la session parlementaire, vendredi.
Cette semaine, la controverse a été l’objet d’articles dans des médias étrangers tels le Times of India, le Courrier international et le New York Times, ce qui a soulevé des questions sur la tolérance religieuse au Québec.
Dans plusieurs médias anglophones, comme le Globe and Mail, le fait que Pauline Marois se soit portée à la défense de la FSQ a été dénoncé, sa sortie s’inscrivant dans un cadre nationaliste, selon certains. Une idée en partie partagée par Jean-Marc Fournier, chef de l’opposition officielle à Québec. Les membres du gouvernement « ont choisi de simplement mentionner une question qui fait plutôt référence à leur gouvernance souverainiste, quant à moi. C’est comme ça que je l’ai vu. […] Je n’ai pas trouvé que c’était porteur de valeurs d’inclusion dans notre société que d’aller mettre deux fédérations opposées l’une à l’autre, alors qu’il faut les rapprocher pour qu’elles discutent », a-t-il déclaré en point de presse.
Les précisions de la FIFA
Dans une lettre envoyée jeudi à l’Association canadienne de soccer (ACS), la FIFA a confirmé qu’elle autorisait le port du « foulard » sur les terrains de soccer, mais à quelques conditions. Par exemple, le foulard ne doit pas être attaché au maillot. La question du foulard sera étudiée à nouveau en octobre, écrit la FIFA.
Cette décision de l’organisation devrait mettre fin au conflit entre l’ACS et la FSQ. Refusant de retirer son règlement qui interdit le port du turban pour des raisons de sécurité, la FSQ a été suspendue par l’association canadienne lundi. Cette suspension empêche les équipes québécoises de participer à des compétitions interprovinciales ou nationales, mais aussi aux équipes des autres provinces de prendre part à des matchs au Québec. Justement, cette fin de semaine, au moins 20 équipes d’autres provinces ont annulé leur présence à un tournoi à Montréal.
Invitée à commenter, la fédération québécoise a indiqué qu’elle fera le point sur la situation samedi, sans dire si le bannissement du turban serait retiré. Dans un court communiqué, elle a affirmé se réjouir des « précisions apportées par la FIFA concernant la réglementation entourant le port du turban/paktas/keski à tous les niveaux du soccer canadien », ajoutant que « depuis le début du litige, la Fédération de soccer du Québec demandait une position claire de la part de la FIFA sur le sujet ; ce que nous n’avions pas jusqu’à cette annonce ». La FIFA a en effet indiqué dans sa lettre qu’« à titre exceptionnel, l’IFAB [l’organisme parallèle à la FIFA chargé de réglementer le sport] a accepté d’élargir les conditions de l’expérience actuelle validées par l’IFAB en octobre 2012, permettant ainsi aux joueurs de sexe masculin au Canada de porter également un foulard ».
L’Association canadienne de soccer n’a pas rendu l’appel du Devoir à ce sujet.
Le fédéral réagit
À la Chambre des communes, le Bloc québécois, qui défendait aussi la décision de la fédération québécoise, a remis en question la clarté du règlement de la FIFA. « On peut le constater maintenant, les règles n’étaient pas si claires, parce qu’on nous dit du côté de la FIFA qu’on va faire exactement comme avec le projet pilote pour le hidjab et qu’on va permettre le port du turban. Donc, je pense que la Fédération québécoise attendait ces informations-là et va devoir se conformer aux règles de la FIFA comme elle a toujours dit qu’elle le ferait », a dit le député André Bellavance.
Le ministre de l’Immigration Jason Kenney a pour sa part insisté sur le fait que la FSQ devra « absolument » suivre les règles, arguant que l’enjeu du turban n’avait posé problème « nulle part ailleurs au Canada ni au monde ».
Le Nouveau Parti démocratique s’est félicité d’avoir écrit à la FIFA pour trouver des solutions à ce conflit, a indiqué Matthew Dubé, porte-parole en matière de sport. « On voit aujourd’hui que ça porte ses fruits et je pense que ça va permettre aux enfants de retourner jouer au soccer. Qu’on oublie ce niaisage politique et qu’on permette aux enfants d’apprécier le sport. »
Simran Kaur Chattha, présidente de l’Association canadienne sikhe, a elle aussi salué la prise de position de la FIFA. En entrevue avec Le Devoir, elle a rappelé que son organisme se désole de l’approche de la FSQ par rapport à l’enjeu du turban au soccer, mais non pas des méthodes d’intégration des sikhs au Québec.
Reste à voir comment les autorités du soccer québécoise et canadienne s’entendront après avoir pris connaissance de la décision de la FIFA.
Avec Marie Vastel, Jessica Nadeau, La Presse canadienne