Jean-François Lisée au Devoir - L’intransigeance du gouvernement Marois a porté ses fruits

Québec — C’est en raison de l’intransigeance du gouvernement Marois que figurera dans le préambule de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Europe une référence à la Convention sur la diversité culturelle de l’UNESCO.
C’est ce qu’a soutenu le ministre des Relations internationales, de la Francophonie et du Commerce extérieur, Jean-François Lisée, dans une entrevue accordée au Devoir alors que s’ouvre samedi un Conseil national du Parti québécois sous le thème des relations internationales. « Je ne veux pas dire du mal de M. Charest, mais nous, quand on est arrivés, on a établi de façon très, très claire et dit à nos négociateurs et au Canada que cette question n’était pas seulement importante, elle était sine qua non », a affirmé le ministre.
Jean-François Lisée a mentionné que c’est la première fois qu’une référence à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles sera inscrite dans un accord commercial. Le Québec a donc obtenu une exemption culturelle complète alors que la Communauté européenne souhaitait qu’elle se limite à l’audiovisuel. Le travail des négociateurs de l’AECG est maintenant terminé et l’accord en est maintenant à l’étape de l’approbation par les autorités politiques, a mentionné le ministre, qui s’attend à sa ratification prochaine.
Jean-François Lisée ne dit pas de mal de Jean Charest en matière de relations internationales, bien au contraire. Dans son blogue en 2009, il lui avait accordé « le prix du parlementaire s’étant le plus illustré hors Québec » et le qualifiait de « grand ambassadeur ». De Pauline Marois, le blogueur devenu ministre dit qu’elle s’intéresse fort aux relations internationales, rencontrant à chaque occasion les diplomates étrangers de passage à Québec.
Différences de fond
Jean-François Lisée doit mener sa barque dans un contexte où le gouvernement Harper « quitte les positions qui faisaient consensus entre l’opinion québécoise et l’opinion canadienne ».
« Lorsque les libéraux de Trudeau étaient au pouvoir, sur les questions internationales, on pouvait bien dire que le Québec voulait parler de sa propre voix, mais le nombre de différences de fond […] était plus faible. » Aujourd’hui, les divergences sont nombreuses : les missions de paix à l’étranger qui n’intéressent plus le Canada, les positions environnementales anti-Kyoto, l’action de l’Agence canadienne de développement internationale (ACDI) désormais axée sur le développement des marchés, l’imposition de visas aux touristes mexicains.
Le gouvernement Marois ne cherche pas à débattre avec le Canada sur la scène internationale, a prévenu le ministre. « On ne veut pas exporter nos débats, on veut exporter nos positions à nous, a-t-il dit. Et Joe Oliver passe à côté de nous, et lui, il vend des sables bitumineux. »
Pauline Marois se rendra au Mexique à la fin juin pour tenter de réparer les pots cassés. Le nombre de touristes mexicains qui visitent le Québec a chuté radicalement depuis l’imposition de ces visas. En outre, le Mexique est un important marché d’exportation pour le Québec, en croissance, de surcroît, a mentionné le ministre.
En février dernier, le gouvernement Marois avait roulé les mécaniques en réclamant le rapatriement des pouvoirs en matière d’aide internationale et des sommes confiées à l’ACDI pour des projets québécois, soit de 800 à 900 millions. Or, aucune demande formelle en ce sens n’a été transmise au gouvernement Harper.
Jean-François Lisée avait toutefois dénoncé le « virage idéologique » de l’ACDI, dont les orientations s’écartent de la solidarité internationale pour épouser la stratégie économique du gouvernement conservateur. Le ministre a mandaté l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI) pour préparer d’ici la fin de l’année un rapport sur la création de l’Agence québécoise de solidarité internationale (AQSI). Cette agence, qui devra gérer le maigre budget d’aide humanitaire du gouvernement du Québec, soit quelque 3 millions par an, aura pour mandat d’aider les organismes à obtenir des fonds de la part d’organismes internationaux. Rien à voir avec le rôle - et surtout le budget - de l’ACDI.
La place de la France
Même si l’Allemagne est devenue le principal marché d’exportation du Québec, « personne ne remplacera la France comme partenaire global principal », a indiqué Jean-François Lisée. Les flux commerciaux, c’est une chose, mais l’implantation d’entreprises compte aussi ; l’an dernier, 12 entreprises françaises se sont établies au Québec, sans parler des touristes et des étudiants français en sol québécois, a-t-il fait valoir. « Il y a un niveau d’intérêt pour le Québec qui n’existe ni en Allemagne ni où que ce soit. »
Les rapports avec le gouvernement socialiste sont très bons, a soutenu le ministre. À une certaine époque, le Québec pour les socialistes français, c’était une « histoire de gaullistes », ce qui expliquait les réserves d’un François Mitterrand, alors dans l’opposition, a-t-il rappelé. Avec la nouvelle génération de socialistes, ce n’est plus le cas. « D’ailleurs, le fait que Sarkozy ait commis un écart [en reniant le traditionnel “ ni indifférence ni ingérence ”], cela a renversé la logique de l’opposition. On est tous revenus du bon côté. »
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La Catalogne au Conseil national du PQ
Marc Gafarot, le secrétaire aux Relations internationales de Convergencia i Unio (CiU), le parti au pouvoir en Catalogne, prononcera une allocution, samedi, lors du Conseil national du Parti québécois. Ce Conseil national thématique s’intitule Les relations internationales du Québec : obstacles, enjeux et défis. Quant à Marc Gafarot, il est un économiste de 36 ans qui est chargé par son parti d’expliquer aux étrangers le projet indépendantiste catalan. Le 25 novembre dernier, CiU, le parti du président Artur Mas, a remporté l’élection en promettant de tenir un référendum sur l’indépendance de la Catalogne. Comme le Parti québécois, il n’a pas obtenu la majorité qu’il réclamait, mais contrairement à la situation au Québec, les partis indépendantistes ont fait élire une majorité de députés. À l’issue d’une campagne électorale qui portait pour la première fois sur l’indépendance, le CiU a formé une coalition majoritaire avec un autre parti indépendantiste, Esquerra Republicana. Le Parlement catalan a adopté à la fin janvier d’une déclaration affirmant le droit des Catalans à l’autodétermination en vue de la tenue d’un référendum en 2014.