Legault rêve d’une «vallée de l’innovation»

Boucherville — Le Projet Saint-Laurent, dévoilé cette fin de semaine par François Legault, repose sur la décontamination à coût nul de vastes terrains aux abords du fleuve, notamment dans l’est de l’île de Montréal.
« Les terrains sur l’île de Montréal, il n’y en a pas. Donc, ç’a une valeur énorme. Mais il faut que quelqu’un prenne l’initiative. Actuellement, il n’y a rien qui se passe à Montréal », a déclaré François Legault au terme du premier conseil général de la CAQ qui s’est déroulé samedi et dimanche.
« Je ne pense pas qu’il y ait, dans la décontamination des terrains, de coût pour les contribuables. Ce qu’on fait, c’est qu’on investit et on revend ces terrains. […] On est capable de le faire à coût nul », a-t-il assuré. Selon une évaluation de la Chambre de commerce et d’industrie de l’est de l’île de Montréal, la décontamination de ces terrains coûterait entre 350 et 550 millions.
Quelque 450 militants ont approuvé docilement les grandes lignes du Projet Saint-Laurent, un projet émanant de la direction du parti et sur lequel elle travaille depuis trois mois. Le Projet Saint-Laurent, qui vise la création de « zones d’innovation » dans la vallée du Saint-Laurent, zones qui sont aussi « des milieux de vie inspirants », serait financé par la moitié des sommes consacrées aux crédits d’impôt aux entreprises, soit deux des quatre milliards par an que Québec dépense à cette fin.
« On a construit le Québec dos au fleuve. Il faut maintenant le reconstruire face au fleuve », a affirmé François Legault dans son discours de clôture dimanche. Outre les terrains de l’est de l’île de Montréal qui ont servi à l’industrie pétrochimique, le chef caquiste a souligné qu’il y avait 500 terrains contaminés sur la rive sud de Montréal, en bordure du fleuve. « Nous sommes capables, au Québec, de conjuguer dépollution et développement économique. Nous sommes capables d’embellir nos villes. Nous sommes capables de construire de nouveaux immeubles, de penser espace, aménagement, harmonie, qualité de vie, beauté », a lancé avec lyrisme le comptable de formation.
À Montréal, « il y a un problème majeur de leadership », a déploré François Legault. « Actuellement, Montréal ne joue pas son rôle de locomotive économique pour le Québec. »
Il y a beaucoup d’arrondissements à Montréal et, pour se rendre de l’autoroute 40 au centre-ville, on doit passer par l’arrondissement du maire Luc Ferrandez, s’est-il plaint. « Parfois, c’est difficile de passer. […] On a un bel exemple à Québec : on a quelqu’un d’un peu plus dynamique, parfois trop », a dit le chef caquiste du maire de Québec, Régis Labeaume.
François Legault n’a pas fourni de données précises sur les investissements que nécessiterait le Projet Saint-Laurent ; elles viendront plus tard, a-t-il indiqué. Cela ne l’a pas empêché d’invoquer le manque de données chiffrées pour éviter de se prononcer sur le « réalisme » du projet L’Entrée maritime, défendu par le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron. La construction de ce nouveau quartier, qui donnerait sur le fleuve, commanderait des investissements de 6,5 milliards, dont 2 milliards du Trésor public.
Le leadership ne peut venir uniquement de Montréal ou des autres municipalités, et c’est là qu’intervient le Projet Saint-Laurent, a fait valoir le chef caquiste. Durant son discours, apparaissait sur un écran géant derrière lui une carte de la vallée du Saint-Laurent, de Québec à Gatineau (la rivière Outaouais étant un affluent du fleuve) en passant par Sherbrooke, sur laquelle on comptait 13 parcs industriels et centres technologiques. C’est la situation actuelle. Une autre carte a suivi, « la carte qui représente le Québec que je vois en 2020 », a-t-il mentionné ; on y dénombre 52 centres technologiques et parcs industriels.
Le Projet Saint-Laurent vise également à hausser, d’ici dix ans, de 10 milliards, ou de 50 %, les investissements annuels des entreprises au Québec afin de rejoindre la moyenne canadienne, selon les statistiques avancées par la CAQ.
Le parti de l’économie
Contrairement au Plan nord de Jean Charest, le Projet Saint-Laurent de François Legault a affirmé miser sur l’innovation plutôt que sur les ressources naturelles pour rattraper le niveau de vie du reste du Canada.
« La première chose qu’on devrait faire si on veut être libres de nos choix, c’est d’aller vers la péréquation zéro », a déclaré François Legault samedi dans un point de presse à l’ouverture du Conseil général.
« L’indépendance, ça commence par l’indépendance économique et, actuellement, le Québec est plus pauvre que les autres provinces », estime le chef de la CAQ. « Qu’on soit fédéraliste ou souverainiste, on n’est pas dans une bonne position. »
« À partir de maintenant, le parti de l’économie au Québec, c’est la Coalition avenir Québec », a lancé François Legault. Le parti ne se contentera plus de proposer de « faire le ménage ».
« La vallée du Saint-Laurent, ce sera le point de départ d’une nouvelle conquête, pas juste d’un continent, mais de la planète. Mon rêve, c’est de faire de la vallée du Saint-Laurent une vallée de l’innovation, un endroit où l’imagination et la créativité deviendront le moteur de notre relance économique », a-t-il déclaré, emphatique. Le chef caquiste a cité les exemples habituels : la Silicon Valley et la région de Boston, mais aussi Tech City récemment créée à Londres-Est, au Royaume-Uni.
Le Plan Nord, rien de visionnaire
Le Plan Nord, « ce n’est pas visionnaire », juge-t-il. « Ç’a été présenté au moment où il y avait un boom minier. Bien honnêtement, aujourd’hui, si on exclut l’or, le prix de la plupart des métaux a baissé. C’est pas mal moins porteur, le Plan Nord. » Qui plus est, ce plan ne comprenait pas les plus importants projets en ressources naturelles au Québec, soit les gisements pétroliers de Old Harry et de l’île Anticosti, a-t-il fait observer.
Mandatée par la CAQ, une équipe d’experts s’affaire à donner de la substance à cette vision. Des éléments seront dévoilés à la pièce au cours des prochains mois. Un livre sur le sujet sera publié à l’automne, à temps pour le premier congrès du parti.
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Dons illégaux : la CAQ et le PQ rembourseront
La CAQ promet de rembourser les dons illégaux récoltés par la défunte Action démocratique du Québec (ADQ). Au premier jour du conseil général de la CAQ, samedi à Boucherville, le député de Saint-Jérôme, Jacques Duchesneau, a assuré que sa formation collaborera avec le Directeur général des élections (DGE). Ce dernier a prévenu les partis politiques qu’ils pourraient devoir rembourser des dons perçus grâce à des prête-noms. Le bureau du DGE a fait parvenir des lettres au Parti libéral, au Parti québécois, à la CAQ et à neuf partis municipaux pour les aviser de la mesure. Cette décision a été prise dans la foulée des révélations faites à la commission Charbonneau. « On va collaborer avec le DGE. Ça fait plus d’un an que je dis que le DGE doit intervenir. Alors, bravo, il a fait la bonne chose, et il peut s’assurer de 100 % de notre collaboration », a déclaré le député de Saint-Jérôme. M. Duchesneau a indiqué que son parti va assumer ses responsabilités, même si c’est l’ADQ qui est visée dans ce dossier. L’ADQ a cessé d’exister en 2011 après sa fusion avec la CAQ. Plus tard samedi, le Parti québécois a également confirmé son intention de rembourser les sommes qu’exigera le DGE. « Le Parti québécois remboursera ce qui lui sera prescrit par le Directeur général des élections, selon l’analyse que le DGE fera de ce qu’il considère, ou sera en mesure de déterminer, être des contributions illégales au Parti québécois, comme il va le faire pour les autres partis », a déclaré le directeur général du PQ, Sylvain Tanguay, en entrevue avec La Presse canadienne.
La Presse canadienne